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13/06/2010

"Senegal yewuleen !" Analyse anthropologique du rap à Dakar : liminarité, contestation et culture populaire

Sophie Moulard-Kouka - ATOTEM - Laboratoire d'anthropologie des traditions orales et du temps

A la fin des années quatre-vingt, on assiste à l'émergence d'une nouvelle expression culturelle au Sénégal : le hip-hop. Le rap (la forme vocale du hip-hop) a été introduit à Dakar par les jeunes des classes moyennes, qui avaient accès aux cassettes de rap américain ou français que leurs aînés leur envoyaient de l'étranger. Au début des années quatre-vingt-dix, ce style de musique commença à être diffusé largement dans les radios, et le rap se répandit jusque dans les quartiers les plus populaires de la ville. Au terme d'un travail de terrain de quatorze mois, j'ai essayé de déterminer comment les jeunes Sénégalais, traditionnellement tenus à l'écart du discours et des responsabilités au sein de la sphère publique, ont réussi à jouer un rôle déterminant dans la redéfinition d'un nouvel ordre, sur les plans réels et symboliques. Je me suis demandé si le mouvement rap à Dakar correspondait à la notion de mouvement social, ou revêtait plutôt la forme d'une culture populaire, s'inscrivant dans un milieu urbain. En effet, à l'horizon des élections présidentielles de 2000, les rappeurs, notamment ceux pratiquant le style hardcore, ont montré leur forte capacité à mobiliser les jeunes pour aller voter, mais aussi faire émerger une nouvelle conscience politique et sociale. La jeunesse sénégalaise, placée en situation de liminarité (concept que j'emprunte à l'anthropologue britannique Victor Turner) a ainsi réussi à réinvestir l'espace public. En outre, les rappeurs proposent une nouvelle lecture de l'histoire, de la tradition, élaborent de nouveaux codes musicaux et langagiers, mais aussi mettent en œuvre des processus d'individualisation qui leur permettent de redéfinir leur rapport à la famille ou à la religion, et notamment de l'islam, organisé le plus souvent sous forme de confréries soufies. Enfin, son évolution progressive vers la professionnalisation tend à changer sa relation à la création, et son ouverture croissante sur le monde l'amène à procéder à un rééquilibrage incessant, qui reflète les tiraillements d'une jeunesse désireuse d'appartenir à la fois à un monde « local » et « global ». - These_VOL1_Moulard-Kouka.pdf; These_VOL2_Moulard-Kouka.pdf; These_VOL3_Moulard-Kouka.pdf

http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00490805/fr/ 

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