À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

24/04/2010

La Crise:présentation par Sandra Moatti

Sandra Moatti

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La rédactrice en chef adjointe d'Alternatives Économiques Sandra Moatti revient sur la crise et ses conséquences et présente la nouvelle édition du hors-série "La Crise", sortie en avril 2010. Que va-t-on trouver dans ce nouveau hors-série poche sur la Crise?

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La rédactrice en chef adjointe d'Alternatives Économiques Sandra Moatti revient sur la crise et ses conséquences et présente la nouvelle édition du hors-série "La Crise", sortie en avril 2010. Les dirigeants ont-ils bien réagi à la crise?

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La rédactrice en chef adjointe d'Alternatives Economiques Sandra Moatti revient sur la crise et ses conséquences et présente la nouvelle édition du hors-série "La Crise", sortie en avril 2010. Qu'est-ce qui a changé depuis un an et la première sortie de ce hors-série sur la crise?

http://www.alternatives-economiques.fr/index.php?bloc_id=345

Obama va-t-il vraiment réguler la finance ?

Christian Chavagneux

Jeudi 22 avril à New York, le président américain a défendu son projet de réforme de la finance. Les derniers scandales chez Goldman Sachs pourraient l'aider à convaincre les sceptiques, mais son plan ne va pas suffisamment loin.

Quelle mouche a donc piqué Barack Obama? Après s'être assez peu mobilisé publiquement en faveur d'une nouvelle régulation de la finance, le voilà qui monte au créneau. Le 14 janvier dernier, il annonce aux banques qu'elles devront payer une taxe de "responsabilité de crise financière". Le 21, il propose de réduire les activités spéculatives des banques commerciales en leur interdisant de jouer avec leur capital sur les marchés et de "détenir, investir ou soutenir" un fonds spéculatif ou de private equity (*) . Et le ton est agressif. Aux banquiers qui seraient tentés de dénaturer ses propositions par la pression de leur lobbying, il répond par avance: "Si ces gens veulent la bagarre, c'est une bagarre que je suis prêt à mener!"

Pourquoi cette fougue inattendue? A quelques mois des élections de mi-mandat qui verront en novembre le renouvellement de la Chambre des représentants et d'une partie du Sénat, le président Obama a d'abord voulu faire un coup politique en affirmant à l'électorat démocrate qu'il avait pris la mesure du fort rejet public dont fait l'objet le monde de la finance. Un contexte qui rend difficile pour les républicains de se mobiliser contre le Président, sous peine de se voir accuser de défendre les riches banquiers…

Mais au-delà de la stratégie politique, ces mesures sont-elles à même de contribuer sérieusement à éviter une nouvelle crise financière? L'économiste américain Joseph Stiglitz, de passage à Paris à la mi-février, résume bien la situation: "Les deux propositions sont bonnes, mais aucune ne va assez loin."

Haro sur la spéculation

A partir du 30 juin prochain, toutes les grosses banques (plus de 50 milliards de dollars d'actifs) présentes sur le territoire américain devront s'acquitter d'un nouvel impôt qui rapportera 90 milliards sur dix ans ou 117 milliards sur douze ans. Le montant exact sera fixé pour correspondre aux dépenses budgétaires engendrées par le sauvetage public des banques suite à la crise financière.

La mesure va assurément dans le bon sens. Elle montre aux banques que si le gouvernement sera toujours prêt à les sauver en cas de panique, elles devront in fine contribuer à en payer le prix. Et en choisissant d'imposer une taxe de 0,15% sur les ressources des banques issues de l'endettement, sans toucher les dépôts, elle fait d'une pierre deux coups: les banques d'affaires aux stratégies les plus risquées, qui n'ont pas de ressources issues de dépôts, seront plus fortement pénalisées, et les activités les plus spéculatives des banques commerciales, financées par endettement, seront gênées.

Mais une taxe ne suffit pas. Sous l'influence de l'un de ses conseillers, Paul Volker, Obama veut également imposer de nouvelles règles en interdisant aux banques de jouer avec leur capital sur les marchés, ce que les banquiers appellent la gestion pour compte propre ou proprietary trading (prop trading). Cette activité représenterait désormais une part peu importante de leurs revenus, de 1% pour JP Morgan Chase à un maximum de 10% pour Goldman Sachs, selon les estimations de l'hebdomadaire britannique The Economist.

A cela s'ajoute le souhait de Paul Volker de limiter l'implication des banques dans les fonds spéculatifs et les fonds d'investissements risqués [1]. Les banques étant peu transparentes en la matière, on ne sait pas vraiment lesquelles seraient touchées ni à quelle hauteur. De plus, il faut attendre le contenu précis des contraintes qui seront effectivement imposées après le passage à la moulinette des parlementaires américains pour pouvoir juger de l'effectivité des mesures prises. Mais l'objectif affiché par Volker est clair: "Je ne veux plus d'un système où les contribuables soutiennent les activités spéculatives."

Mesures insuffisantes

Faire comprendre aux banques qu'elles doivent arrêter de prendre des risques insensés et que, si elles les prennent, elles devront finir par payer la casse de leur poche en cas d'accident va assurément dans le bon sens. Un consensus se dessine d'ailleurs au sein du G20 en faveur d'une taxe sur les banques, et le Fonds monétaire international (FMI) remettra un rapport sur le sujet fin avril. Mais le président américain aurait pu mobiliser son capital politique pour soutenir des mesures bien plus efficaces au regard des objectifs qu'il s'est fixés.

Réduire les activités spéculatives? Barack Obama aurait déjà pu affirmer qu'il soutenait les projets discutés actuellement par les régulateurs financiers mondiaux - notamment la Banque des règlements internationaux - d'accroître considérablement le montant de capital que les banques doivent détenir pour pouvoir jouer sur les marchés afin de rendre ces activités beaucoup moins rentables. Il aurait pu aussi s'attaquer à l'opacité de la prise de risque que permettent les marchés de produits dérivés "de gré à gré", négociés de manière bilatérale et sans transparence entre acteurs financiers, voire décider de fermer certains de ces marchés, comme l'avait fait le président Roosevelt dans les années 1930. Alors qu'il affirme souvent sa fermeté contre les paradis fiscaux, il aurait enfin pu dénoncer les paradis réglementaires qui permettent aux grandes entreprises (comme l'affaire Enron l'avait illustré) et aux banques de dissimuler leur endettement à des fins de spéculation, ou bien leurs produits financiers toxiques (la Cour des comptes américaine a montré, dès 2008, qu'une bonne partie d'entre eux était cachée aux îles Caïmans).

Faire payer les banques? Quand une entreprise fait des pertes qui dépassent la valeur de son patrimoine, elle fait faillite. Les actionnaires perdent leur chemise, les dirigeants sont remerciés et les investisseurs et les banquiers qui lui ont prêté de l'argent deviennent les nouveaux propriétaires. Ils restructurent l'entreprise comme ils l'entendent pour récupérer leurs fonds du mieux possible. Ce n'est pas du tout ce qu'ont vécu les banques américaines après la chute de Lehman Brothers. Leurs pertes ont été épongées par l'Etat, les actionnaires et les investisseurs s'en sont sortis sans dommage et les patrons sont restés en place.

Incorrigibles banquiers

Et ils continuent de bénéficier de rémunérations mirobolantes: 9 millions de dollars de bonus pour Lloyd Blankfein à Goldman Sachs, 17 millions pour Jamie Dimon à JP Morgan. Qu'en pense Barack Obama? Il l'a dit à l'agence Bloomberg en février: "Ecoutez, je connais ces deux hommes. Ce sont des dirigeants plein de bon sens. Comme la majorité des Américains, je n'en veux pas aux gens pour leur succès ou leur fortune. Cela fait partie de l'économie de marché". L'économie de marché? Un secteur où quelques gros acteurs profitent d'une situation dominante pour dégager d'incroyables rentabilités et qu'il faut sauver régulièrement de ses excès avec l'argent du contribuable! Si dirigeants, actionnaires et investisseurs payaient véritablement le prix de leurs paris insensés, ils seraient sûrement incités à prendre moins de risques.

Au-delà, les propositions d'Obama en restent à une approche "microprudentielle" qui postule que si chaque banque est mieux gérée, tout risque sera éliminé du système. Or, la crise récente a bien montré que des forces plus profondes, qui touchent à l'opacité de la prise de risque dans la finance et à la forte interconnexion entre tous ces acteurs, sont à l'oeuvre. Si l'on souhaite limiter la probabilité de prochaines crises, le système financier doit être refondu dans le sens d'une réglementation exhaustive et dynamique [2].

Mais "compte tenu du pouvoir des banques, faire avancer ce genre de mesures réclamerait de mobiliser un important capital politique", souligne Joseph Stiglitz de manière désabusée. Car son dernier livre montre, page après page, que si Barack Obama a porté l'espoir d'un changement, il est finalement un conservateur qui n'a "pas grand-chose à dire sur le nouveau système financier qui pourrait être bâti sur les cendres du désastre". Le XXIe siècle n'a pas encore trouvé son Franklin D. Roosevelt.

Mais "compte tenu du pouvoir des banques, faire avancer ce genre de mesures réclamerait de mobiliser un important capital politique", souligne Joseph Stiglitz de manière désabusée. Car son dernier livre montre, page après page, que si Barack Obama a porté l'espoir d'un changement, il est finalement un conservateur qui n'a "pas grand-chose à dire sur le nouveau système financier qui pourrait être bâti sur les cendres du désastre". Le XXIe siècle n'a pas encore trouvé son Franklin D. Roosevelt.

    * Private equity : fonds d'investissement entrant dans le capital de sociétés non cotées en Bourse pour en retirer un rendement rapide.

    http://www.alternatives-economiques.fr/obama-va-t-il-vraiment-reguler-la-finance-_fr_art_633_49190.html

Une crise qui va transformer le monde

Martin Wolf

« Cette crise porte un coup dévastateur à la crédibilité et la légitimité des États-Unis à travers le monde, » a asséné Wolf aux Sénateurs américains qui l’avaient convié à à donner sa lecture de la situation. Martin Wolf est un adepte résolu de la mondialisation. Mais loin de se contenter de chanter ses mérites, comme beaucoup, c’est un esprit aigu qui sait analyser les faiblesses du système, en saisir les contradictions, y déceler les tendances lourdes, et n’hésite pas a exprimer franchement son opinion. Devant les Sénateurs, il ne s’est pas cantonné à une analyse économique technique, mais leur a signifié à quel point cette crise « made in USA » serait lourde de conséquences globales. Car au delà de leur statut désormais compromis, c’est le modèle de la mondialisation qu’ils avaient impulsé qui est désormais remis en cause. Si les USA eux même ne parviennent pas à maitriser le marché libre, qui le pourrait ? Si la mondialisation présente de tels dangers, pourquoi s’y insérer ? Cette crise va ouvrir une période de transformations profondes, diagnostique-t-il. Le rôle des USA, mais aussi de l’occident dans son ensemble, sera remis en cause, en raison de leur échec patent à prévenir de telles catastrophes. De la même façon que le souvenir de la Dépression des années trente avait façonné le monde durant près d’un demi siècle, cette crise redéfinira pour longtemps les orientations et les choix politiques dans le monde entier. Elle entraînera un renforcement du contrôle exercé par le politique sur les marchés, prévoit Wolf, mais elle bouleversera aussi les hiérarchies établies. Les pays émergents ne se contenteront plus d’être réduits au second rôle dans des institutions internationales dont les responsables en titre ont fait un si mauvais usage. Les pays asiatiques, en particulier, qui gardent encore le souvenir cuisant des humiliations subies de la part du FMI et des USA en 1998, rappelle Wolf, réclameront d’obtenir voix au chapitre. Ce à quoi nous sommes confrontés c’est bien à une rupture de dimension historique : « l’effondrement du système financier occidental, alors que la Chine semble prospère, marque de façon humiliante la fin du “moment unipolaire”. »

Communication de Martin Wolf devant la Commission des Affaires Etrangères du Sénat des Etats-Unis, 25 mars 2009

Nous vivons la plus dangereuse crise économique et financière depuis les années 1930. Mais c’est également une crise ayant un impact sur les relations internationales : une profonde récession va ébranler la stabilité politique à travers le monde, et elle représente une menace pour l’objectif poursuivi depuis longtemps par les États-Unis qui est de créer un marché ouvert et dynamique pour l’économie mondiale. Peut-être plus important encore, les États-Unis sont actuellement considérés comme la source du problème plutôt que de sa solution.

Par conséquent, cette crise porte un coup dévastateur à la crédibilité et la légitimité des États-Unis à travers le monde. Si les États-Unis ne parviennent pas à gérer le capitalisme de marché libre, qui le pourrait ? Si le capitalisme de marché libre peut créer de tels dommages, pourquoi l’adopter ? Si l’ouverture à l’économie mondiale comporte de tels dangers, pourquoi prendre ce risque ? Alors que le choc subi se transforme en colère, non seulement aux États-Unis, mais partout dans le monde, ces questions sont posées. Si les États-Unis souhaitent fournir les bonnes réponses, ils doivent traiter cette crise chez eux, et faire ce qu’il peuvent pour venir en aide aux victimes innocentes à l’étranger. Ce n’est pas une question de charité. C’est une question d’intérêt personnel.

La crise économique mondiale est devenue extrêmement grave : le système financier est sous perfusion, avec des milliers de milliards de dollars fournis par les gouvernements. Trois des quatre banques centrales les plus importantes - la Réserve fédérale, la Banque du Japon et de la Banque d’Angleterre - ont des taux d’intérêt proche de zéro, et la Banque centrale européenne devrait suivre le mouvement. Les gouvernements assouplissent également leur politique budgétaire de façon agressive, avec des déficits pour les pays avancés membres du G-20 qui devraient atteindre 6,7 pour cent du PIB cette année et 7,6 pour cent en 2010.

Cette politique de soutien massif répond à une situation économique de plus en plus sombre : le Fonds Monétaire International prévoit que la production mondiale va diminuer de 0,5 pour cent à 1 pour cent cette année, ce qui est une révision à la baisse de ses prévisions de 1 à 1,5 points de pourcentage en deux mois. Il prévoit également que les économies des pays avancés se contracteront de 3 à 3,5 pour cent, ce qui est le pire résultat depuis les années 1930.

Rien de tout cela n’est surprenant. Non seulement le système financier mondial, s’est bloqué à la fin de l’année dernière, mais la Banque Asiatique de Développement a indiqué que la perte totale de patrimoine sur le marché mondial s’élève à 50 000 milliards, ce qui représente près d’un an de la production mondiale. La perte de patrimoine sur les places boursières représente à elle seule 25 000 milliards de dollars. La demande de produits manufacturés, le niveau de leur production et leur commerce mondial sont tombés en chute libre à la fin de l’an dernier : la production industrielle Allemande a baissé de 19,2 pour cent sur un an en Janvier, celle de la Corée du Sud de 25,6 pour cent et celle du Japon de 30,8 pour cent.

Inévitablement, et de façon tragique, les plus durement touchés sont les pays qui se sont ouvert aux capitaux mondiaux, en particulier les pays émergents en Europe centrale et orientale. Ceux-ci forment le seul groupe important de pays émergents à avoir été importateurs nets de capitaux dans les années 2000, avec pour résultat une situation déjà observée à de nombreuses reprises durant ces trois dernières décennies, lorsque les détenteurs capitaux prennent peur. Ces pays font face au risque d’un effondrement, précisément parce que ils ont fait confiance à l’Europe et aux marchés de capitaux. Depuis juin dernier, le consensus des prévisions de croissance pour cette année en Europe de l’Est, a chuté de plus 6 pour cent à moins 0,5 pour cent. Il va certainement continuer à baisser. Mais toutes les économies émergentes sont affectées par la perte de la demande extérieure, la réduction des flux de capitaux à l’échelle mondiale et les hausses résultantes dans le coût du crédit.

Dans un récent article du Financial Times, qui a ouvert notre série sur « l’avenir du capitalisme », j’ai écrit qu’il était impossible de savoir où nous allions. Durant le chaos des années 1970, bien peu pouvaient imaginer que la période suivante verrait l’inflation jugulée, l’apparition d’un capitalisme débridé et de la mort du communisme. Ce qui adviendra aujourd’hui dépendra de choix non encore effectués et de chocs encore inconnus.

Cependant, la conjugaison d’un effondrement financier et d’une énorme récession changera certainement le monde. La Grande Crise a transformé le capitalisme et le rôle du gouvernement pendant un demi-siècle. Elle a conduit à l’effondrement de la libéralisation du commerce, renforcé la crédibilité du socialisme et du communisme, et convaincu de nombreux responsables d’adopter de nouvelles stratégies de développement. Elle a également conduit à la xénophobie et à l’autoritarisme. Le besoin de sécurité entraînera un renforcement du contrôle exercé par le politique sur les marchés. Ce retour du politique entraînera également un recentrage sur le niveau national, se traduisant par un éloignement du global. Cet état de fait est déjà évident dans la finance. Mais les interventions protectionnistes sont susceptibles d’aller bien au-delà des cas observés jusqu’ici : elles n’en sont encore qu’à leur début.

Dans les pays émergents, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté augmente, la nouvelle classe moyenne va diminuer en importance et les gouvernements de certains pays feront défaut sur leurs dettes. La confiance dans les élites locales et mondiales, dans le marché et même dans la possibilité de progrès matériel vont s’affaiblir, avec des conséquences sociales et politiques potentiellement dévastatrice.

La capacité de l’Occident en général et des États-Unis en particulier à influencer le cours des événements sera également compromise. L’effondrement du système financier occidental, alors que la Chine semble prospère, marque de façon humiliante la fin du « moment unipolaire ». Au même moment où les responsables politiques occidentaux sont engagés dans cette lutte, leur crédibilité est ruinée.

Ces transformations mettent en danger la capacité de la communauté internationale, non seulement à gérer l’économie mondiale, mais aussi à faire face aux défis stratégiques : les États faibles, le terrorisme, le changement climatique et la montée de nouvelles grandes puissances. Dans le cas le plus extrême, l’intégration de l’économie mondiale, de laquelle presque tout le monde dépend aujourd’hui, pourrait se défaire.

Les décisions prises au cours de l’année prochaine façonneront le monde pour des décennies. Alors, que doit-on faire ? Voici ce que je suggère, en mettant l’accent sur le rôle du Fonds monétaire international.

Tout d’abord, nous devons nous rendre compte qu’il s’agit d’une crise de cette économie mondiale, pour la naissance de laquelle les États-Unis ont joué un rôle prépondérant. Si l’on veut que survive cet accomplissement, et toutes les promesses qui sont les siennes, la crise doit être résolue au niveau mondial.

Deuxièmement, la réunion des chefs de gouvernement du G-20 à Londres, est une reconnaissance de ce fait. La gestion de l’économie mondiale ne peut être réussie par les seules économies avancées. Bien que tous les pays présents ne soient pas d’importance systémique, tous les pays d’importance systémique seront là. Le monde attend que ce sommet réussisse. Il ne doit pas être déçu.

Troisièmement, les priorités immédiates sont de soutenir la demande, de restaurer le système financier mondial et d’éviter de tomber dans un protectionnisme global. L’objectif à long terme doit être de revoir la réglementation et la structure du système financier, et de réformer le système international de gouvernance économique et financière. Certains progrès ont été réalisés sur ces fronts. Mais ce n’est pas assez.

Quatrièmement, il existe une probabilité élevée que cette crise conduise à un déclin bien plus important que prévu de l’économie mondiale, suivi par une reprise lente et instable. Ce risque doit être éliminé, si possible.

Cinquièmement, pour que les pays émergents puissent faire confiance à l’économie mondiale, il est essentiel de leur offrir une aide généreuse maintenant. À l’heure actuelle, ils reprochent à l’occident ce qui s’est produit. Il a certes été utile que la Fed et d’autres banques centrales consentent à accorder des prêts à quelques banques centrales choisies. Mais il faut faire beaucoup plus.

Sixièmement, l’enveloppe dont dispose le FMI pour accorder des prêts est d’environ 250 milliards, ce qui est nettement insuffisant. Le Trésor américain a proposé qu’elle soit portée à 750 milliards. C’est désormais à tout le moins nécessaire. Rappelez-vous que les réserves de change mondiales, principalement détenue par les économies émergentes, sont passées de 1 500 milliards à 7000 milliards entre janvier 1999, après la crise financière asiatique, et le maximum atteint l’année dernière. Ceci fournit une indication sur le niveau de la demande de réserves. Il serait beaucoup plus efficace, toutefois, que ces réserves soient mises en commun, plutôt que chaque pays ne tente de se protéger lui-même de façon si coûteuse. C’est pour cela qu’existe le FMI. Il devrait être utilisé à cette fin.

Septièmement, en plus d’accroître ses ressources, la gouvernance du FMI doit être transformée. Les pays asiatiques, en particulier, se souviennent encore de l’humiliation qu’ils ont subie il y a une décennie de cela, du fait du FMI et du Trésor américain. Ils veulent disposer d’une plus grande voix au chapitre dans le fonctionnement du Fonds. Une étape importante est de procéder à une énorme réduction de poids des votes de l’Europe, qui pèse aujourd’hui environ un tiers du total [1] . Il est également important de mettre fin à la pratique traditionnelle consistant à attribuer la direction de la Banque mondiale à un Américain et celle du FMI à un européen.

Huitièmement, on doit sérieusement réfléchir à créer une allocation annuelle de DTS (droits de tirage spéciaux), - qui sont les réserves propres au FMI. Cela permettrait de satisfaire la demande mondiale de réserves, sans entraîner de coût sur les ressources. Traditionnellement, les États-Unis ont considéré les DTS comme un rival pour le rôle de monnaie de réserve du dollar et appréciaient la possibilité de financer leurs déficits extérieurs par une simple extension de l’offre de dollars. Mais l’évolution économique de ces dix dernières années aurait du ébranler cette complaisance manifestée par les USA. La possibilité de soutenir un très grand déficit de la balance courante s’est avérée être une catastrophe, car, à mon avis, elle explique en grande partie la crise financière actuelle aux États-Unis et dans le monde. En outre, les États-Unis doivent être capables d’exporter pour sortir de la récession actuelle. Sinon, il sont susceptible d’être contraints à un énorme déficit budgétaire pendant un temps indéfini, afin de compenser l’augmentation de l’épargne privée et le déficit structurel du compte courant. [2] Augmenter le pouvoir d’achat des pays émergents, par le biais d’une allocation annuelle de DTS, permettrait de progresser sensiblement vers la résolution de ce problème. Je crains que, si cela n’est pas le cas, un retour généralisé au protectionnisme soit probable, les pays déficitaires, comme les États-Unis, trouvant là le moyen de renforcer la demande de la production intérieure et le niveau d’emploi.

Ce que je propose ici ne représente que seulement une petite partie de l’ordre du jour. Mais c’est une partie essentielle. Plus les USA feront preuve d’imagination et déploieront d’énergie aujourd’hui, plus il seront en mesure de rétablir leur réputation et leur influence dans le monde entier. Il s’agit d’un moment décisif. Des choix doivent être faits entre se tourner vers l’extérieur ou se replier vers des solutions internes. Nous avons tenté cette deuxième option dans les années 1930. Cette fois, nous devons tenter la première.

[1] Les grands pays européens disposent de 25% des voix. Les USA de 17,09%, le Japon 6,13%, la Chine 3,72% et l’Inde 1,91%. Source Wikipédia

[2] Wolf considère que le couple exportateurs à surplus (Japon, Allemagne, Chine, ...) et pays déficitaires ( USA, UK, etc...), qui se traduit par un financement à crédit des déficits en recyclant les surplus, ne peut être maintenu sur le long terme. Il estime qu’à l’heure actuelle, les relances budgétaires permettent de compenser la baisse de revenus des uns (les exportateurs) et le désendettement - c’est à dire la baisse de la consommation - des autres (les déficitaires) , mais ne fournissent pas de réponse sur le fonds. C’est l’ensemble des relations déficitaires/exportateurs/émergents qui devrait être rebalancé.

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2629

Le risque des Euro-divergences : le cas exemplaire de l’Espagne

Martin Wolf

En mars 2007, Martin Wolf analysait la situation économique espagnole - alors apparemment florissante - et mettait en garde contre la douloureuse purge qui allait inévitablement se produire après l’éclatement prévisible de la bulle immobilière, financée comme il se doit à crédit. La solution habituelle en la circonstance, consistant à tabler sur les exportations afin de compenser la contraction de la demande intérieure, s’avérera extrêmement douloureuse, avertissait-il, les salaires devant en supporter le poids, en l’absence du mécanisme d’ajustement du taux de change. Deux ans plus tard, les vues de Wolf n’ont rien perdu de leur actualité pour les pays les plus fragiles de l’Europe, même s’il n’envisageait évidemment pas, à l’époque, la charge supplémentaire que le secteur public serait contraint de devoir supporter pour prévenir l’effondrement total de l’activité. --- L’analyse de Wolf rappelle à quel point la situation actuelle des pays où le secteur privé s’est surendetté était prévisible, et combien l’irresponsabilité a prévalu dans la période récente dans le secteur bancaire européen. Mais aussi parmi des dirigeants politiques qui avaient semble-t-il abdiqué toute responsabilité, avec la foi entière de dévots, certains des miracles que ne manquerait d’accomplir la main invisible. Contre Info.

Par Martin Wolf, Financial Times, 27 mars 2007

Les déficits de la balance courante à l’intérieur d’une union monétaire posent-ils un problème ? Les réponses sont « oui » et « non » : non, car il ne peut pas survenir de crise de change, et oui, pour la même raison. Lorsqu’émergent des divergences insoutenables de compétitivité, l’ajustement se fait essentiellement par des variations dans les coûts relatifs nominaux, en particulier celui du travail. Plus l’ajustement nécessaire est important, plus forte est la douleur.

Le défi posé par la divergence de compétitivité à l’intérieur de la zone euro a largement été débattu dans le cas de l’Italie. Mais celui de l’Espagne est encore plus intéressant. Ce pays, contrairement à l’Italie, a connu un énorme succès économique. Contrairement à l’Italie, il enregistre un énorme déficit de sa balance courante. Contrairement à l’Italie, il a connu un boom dans l’immobilier. Mais l’Espagne, cette fois comme l’Italie, a une faible croissance de sa productivité et voit se détériorer sa compétitivité à l’international.

Dès lors la question n’est pas de savoir si l’ajustement aura lieu, car c’est une certitude, mais comment va-t-il se passer.

(JPG) Entre 2001 et 2005, la zone euro a été le géant malade de l’économie mondiale. Durant ces cinq années, la croissance moyenne de la zone euro n’a été que de 1,4% par an. En réaction, la Banque Centrale européenne a adopté une politique monétaire expansionniste. Mais l’impact de ces taux d’intérêt peu élevés ne s’est pas fait sentir là où la demande était la plus faible, mais là où les conditions été réunies pour un boom de l’immobilier : en particulier, en Irlande et en Espagne (voir graphique).

En Espagne la performance économique globale a entrainé une période d’euphorie. Comme l’indique la dernière étude publiée par l’OCDE, « le pays a connu une 13ème année consécutive de forte croissance. Cette vitalité économique a eu pour effet de réduire l’écart du produit intérieur brut par habitant par rapport à la moyenne de la zone euro, qui est passé de 20% à moins de 12% durant la dernière décennie ».

Cette croissance impressionnante a été suscitée, du côté de l’offre, par une augmentation considérable de l’emploi, y compris des immigrants. Entre 1998 et 2006, l’emploi a contribué de 3 points de pourcentage à la hausse annuelle de 3,5% du PIB potentiel espagnol, alors que la productivité n’y a contribué que pour seulement 0,5 point de pourcentage. La contribution de la « productivité globale des facteurs » - l’augmentation de l’efficacité avec laquelle les facteurs de production sont utilisés - a été négative, de -0,2 points de pourcentage par an.

Dans le même temps, du côté de la demande, la consommation intérieure et l’investissement, en particulier dans l’immobilier, ont tiré l’économie. Entre 2002 et 2006, le secteur du bâtiment a connu une croissance moyenne de près de 6% par an, en termes réels. En 2004, les investissements dans l’immobilier neuf représentaient à eux seuls 8% du PIB, chiffre que seule l’Irlande dépasse, au sein de l’OCDE.

(JPG) Durant cettepériode, le solde extérieur s’est détérioré d’année en année (voir graphique). L’année dernière, le déficit de la balance courante était de 107 milliards de dollars et venait au deuxième rang mondial après les États-Unis. Représentant un peu moins de 9% du PIB, il se situait également en deuxième position dans la zone euro, venant après celui de la Grèce. Sans les déficits espagnols, la zone euro aurait enregistré un excédent important de sa balance courante, principalement en raison du retour des excédents de l’Allemagne, ce qui aurait donc aggravé les « déséquilibres » mondiaux (voir graphique).

« Et alors ? » pourrait-on raisonnablement s’interroger. Pourquoi l’émergence de déséquilibres à l’intérieur de la zone euro serait-elle plus significative que la balance des paiements entre l’Ecosse et l’Angleterre ? La création de l’union monétaire n’est-elle pas justement destinée à permettre ces énormes flux de capitaux qui sont la contrepartie des excédents et des déficits du compte courant ?

En l’absence de risques de change et d’expropriation, les investisseurs recherchent les meilleurs rendements là où ils se trouvent. Si cela se traduit par un endettement important de ceux qui vivent dans un pays (ou une région) particulier, cela n’a absolument aucune importance.

(JPG) Cet argument est recevable jusqu’à un certain point, Mais si les investisseurs ne sont pas conscients de l’interdépendance des risques qu’ils courent, ils pourraient s’apercevoir que leurs débiteurs sont nettement moins solvables qu’ils ne le croyaient. Plus précisément, ceux qui ont octroyés des crédits lors d’un boom immobilier vont constater que le ralentissement de ce marché local affecte la solvabilité de nombreux emprunteurs. Ils pourraient alors décider de se retirer ou cesser subitement d’octroyer de nouveaux crédits. Si c’est le cas, cela provoquera une récession dans le pays, lorsque l’activité du secteur immobilier va se contracter.

De fait, à l’intérieur d’une union monétaire, le risque de change se transforme en risque de crédit. Une vague de faillites peut être surmontée si les salaires et les prix sont raisonnablement flexibles en termes nominaux et réels, ou si l’on peut aisément développer la production de biens et services exportables concurrentiels. L’ajustement est alors relativement simple, comme l’expérience des économies de l’Asie de l’est et des pays nordiques l’a montré dans un passé récent.

Dans ce cas, il est relativement aisé de remplacer la demande intérieure disparue par la demande étrangère. Mais il est difficile de croire que ce sera le cas pour l’Espagne lorsque le boom immobilier s’arrêtera, et ce pour six raisons, mises en évidence par le rapport de l’OCDE : en premier lieu, l’Espagne a subi une perte importante de compétitivité (voir tableau) ; deux, la capacité technologique des industries exportatrices espagnoles est faible, sur de nombreux points ; trois , la majeur partie des investissements récents en Espagne a été dirigée vers la production de biens non échangeables, en particulier dans l’immobilier ; quatre, les industries espagnoles sont relativement vulnérables à la concurrence des pays à bas salaires de l’Europe centrale et orientale et de l’Asie ; cinq, la croissance de la productivité a été faible, ce qui rendra plus difficile de restaurer la compétitivité ; enfin, les négociations salariales sont assez rigides et, surtout, ne sont pas affectées par la situation dans la zone euro.

L’Espagne a connu un essor formidable au moment où la demande la zone euro était faible et où la politique monétaire était expansionniste. Avec une reprise économique dans la zone euro, la politique monétaire sera resserrée. Si l’Espagne peut bénéficier de l’augmentation de la demande chez ses principaux partenaires, ses emprunteurs devront faire face à une charge nettement plus forte du service de leur dette. Cela devrait avoir pour effet de rapprocher le moment où les booms du crédit et de l’immobilier vont se terminer. Ensuite, l’ajustement devra commencer et les dirigeants espagnols auront à faire face à toutes les conséquences.

Pour l’Espagne, l’amélioration de la situation de la zone euro laisse présager l’apparition d’un défi bien plus important. L’ajustement en direction d’un modèle différent, plus durable, sera nécessaire. Dans une dizaine d’années, nous devrions avoir une bien meilleure appréciation qu’aujourd’hui de la capacité de prospérer dans le carcan de l’union monétaire pour l’une des économies européennes qui a connu jusqu’ici le plus de succès.

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=3045



Desabafo incorrecto mas tantas vezes tentador

Para quê discutir com...

Luciana Souza & Trio

Pra quê discutir com Madame

Madame diz que a raça não melhora
Que a vida piora por causa do samba
Madame diz que o samba tem pecado
Que o samba coitado devia acabar
Madame diz que o samba tem cachaça
Mistura de raça, mistura de cor
Madame diz que o samba é democrata
É música barata sem nenhum valor

Vamos acabar com o samba
Madame não gosta que ninguém sambe
Vive dizendo que samba é vexame
Pra que discutir com madame?

No carnaval que vem também com o povo
Meu bloco de ouro vai cantar ópera
E na avenida entre meu aperto
Vocês vão ver gente cantando concerto
Madame tem um parafuso a menos
Só fala veneno, meu deus que horror
O samba brasileiro democrata
Brasileiro na batata é que tem valor


o tempo das cerejas*: Desabafo incorrecto mas tantas vezes tentador

Les paysans aussi mangent aux Restos du coeur

Les restaurants du coeur ont vu arriver des producteurs agricoles aux ressources désormais insuffisantes. Ils viennent grossir les rangs des bénéficiaires, toujours plus nombreux.

Le pire est à venir

La campagne d'hiver des restaurants du coeur vient de se terminer. En Loire-Atlantique, ils ont accueilli 17 000 personnes, dont un millier de bébés. C'est 2 500 bénéficiaires de plus. Dans les 33 centres du département, ils ont distribué 1,354 millions de repas en quatre mois. « Les retraités et les moins de 25 ans sont de plus en plus nombreux », témoigne un bénévole. Il a vu arriver aussi des agriculteurs et autres producteurs, comme des viticulteurs. C'est la grande nouveauté soulignée par les responsables : ceux qui sont à la base de la production alimentaire ne peuvent plus se nourrir. Ils ont vu s'effondrer leurs revenus. Eux aussi viennent grossir les rangs du restaurant de Coluche, y rejoignant familles monoparentales, travailleurs pauvres, commerçants ou artisans en faillite.

D'où « l'inquiétude » de Michel Guéry, l'administrateur délégué, pour les mois à venir. Car les Restos, comme les autres associations attendent l'arrivée des chômeurs en fins de droits. « Compte tenu de ce que nous venons de vivre cet hiver, on peut s'attendre au pire », pronostique Michel Guéry.

Se serrer la ceinture

Pendant les huit mois qui conduiront à la prochaine campagne d'hiver, les restos du coeur ne ferment pas leurs portes. Mais ils diminuent le nombre de repas par personne, et limitent fortement le nombre de bénéficiaires. Pour cela, ils divisent par deux les seuils de ressources donnant accès. Résultat : 2 700 familles gardées pour l'intercampagne l'an dernier. « C'est dur de dire non à des gens qui ont déjà des ressources très basses, mais nous ne pouvons faire autrement », explique un bénévole. L'association manque de ressources et de marchandises. En été, elle ne reçoit pas d'aide de la structure nationale. Pour mémoire, en hiver elle tourne avec 130 tonnes par semaine pour la seule Loire-Atlantique.

A la recherche de locaux

Le message ? « Nous avons besoin de donateurs et de locaux. » Une nouvelle prospection a été lancée en direction des entreprises, « trop peu nombreuses ». La ressource grande distribution se tarit. Une partie des marchandises retirées des rayons part vers le second marché, ou sont vendues à moitié prix quand approche la date de péremption. Les locaux ? L'association voudrait ouvrir un quatrième grand centre dans l'agglomération nantaise. Le resto du boulevard Dalby accueille 1 100 personnes. C'est trop. Quant à l'actuel centre de Saint-Herblain, une opération urbaine le conduira à déménager. L'association ne sait où.

Accueil de jour

Il n'y a pas que l'aide alimentaire. Les dispositifs d'insertion professionnelle, de logement, d'hébergement d'urgence, d'aide à la personne, ne connaîtront aucune interruption. L'association de Coluche, qui a ouvert à Nantes un accueil de nuit (30 chambres) pour les personnes accompagnées de chiens, cherche toujours à recréer un accueil de jour. Celui-ci fournira un repas chaud trois fois par semaine, et un colis pour les autres jours.

Marc LE DUC.

http://www.saint-nazaire.maville.com/actu/actudet_-Les-paysans-aussi-mangent-aux-Restos-du-coeur-_dep-1341908_actu.Htm

64 millions de personnes supplémentaires vont vivre dans une pauvreté extrême

En raison de la poursuite de la récession mondiale, quelque 64 millions de personnes supplémentaires vivront dans des conditions d'extrême pauvreté, a indiqué la Banque mondiale dans un rapport publié mardi.

La crise économique et la récession ont considérablement accru la difficulté à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), selon l'Indice de développement mondial (IDM) publié par la Banque mondiale.

Au cours de la période 2002-2008, la croissance économique moyenne des pays à revenus faibles et intermédiaires a été de 6,2 % par an, et de 1999 à 2005, le nombre de personnes vivant avec moins d'1,25 dollars par jour a baissé de 325 millions.

Contrairement à la croissance record de la période 2000-2007, l'économie mondiale n'a progressé que de 1,9 % en 2008 et a baissé d'environ 2,2 % en 2009, soit la récession la plus sévère en 50 ans.

Conséquence: "quelque 64 millions suplémentaires de personnes vivront dans une pauvreté extrême en 2010 en raison de la crise. Les effets sur le bien-être humain seraient coûteux et durables," selon IDM

Parmi les pays et régions en développement, l'Europe et l'Asie centrale ont reçu le plus gros du choc avec une baisse de 6,2 % du PIB. Des ajustements économiques sévères ont été nécessaires puisque les flux de capitaux privés, qui avaient financé largement les déficits comptables actuels, ont été réduits de 97 milliards de dollars en 2007 à 50 milliards de dollars en 2008, selon l'IDM.

Les économies d'Amérique latine et des Caraïbes se sont contractées de 2,6 %. Le Mexique, qui dépend presqu'exclusivement du marché américain pour ses exportations, a été l'économie la plus touchée.

http://french.news.cn/monde/2010-04/21/c_13260486.htm

La vidéo d'arrestation qui agite Tremblay-en-France

Rue89 s'est procuré les images de l'interpellation musclée qui a précédé le caillassage des bus. Deux jeunes ont porté plainte.

Les importants renforts policiers débarqués à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), où Nicolas Sarkozy a annoncé ce mardi de nouvelles mesures contre la délinquance, ne semblent guère apaiser le quotidien de la cité. Dans une vidéo tournée par un habitant mercredi 14 avril, quelques heures avant les caillassages de bus, on assiste à l'interpellation musclée de trois jeunes. Selon les témoignages recueillis, deux d'entre eux roulaient en moto sans casque.

Sur les images, d'un côté, sept à huit policiers chargent violemment des jeunes. De l'autre, ceux qui assistent à la scène insultent la police, allant même jusqu'à menacer de leur tirer dessus.

On voit clairement un policier porter au moins un coup de matraque à un jeune avant de le plaquer violemment au sol. Quatre policiers fondent alors sur lui. Les images, dont Rue89 s'est procuré une copie, sont floues et ne permettent pas de savoir combien de coups lui sont portés. (Voir la vidéo, publiée en intégralité, avec une séquence répétée au ralenti)


Sur le certificat médical que Rue89 a pu lire sont constatés, pour le jeune homme, un traumatisme crânien (sans perte de connaissance), une contusion sous-orbitaire gauche et une contusion au coude gauche avec hématome sous-cutané. Six jours d'interruption de travail lui ont été accordés.

L'un des policiers braque également son flashball sur le groupe, dont certains membres se couvrent alors la tête. Là encore, les images de mauvaise qualité n'indiquent pas s'il y a eu des tirs.

Les trois jeunes interpellés ce mercredi ont tous été placés en garde à vue durant quarante-huit heures. Seul l'un d'entre eux est poursuivi pour « refus d'obtempérer ». Son avocat, Arié Alimi, qui a déjà plaidé une affaire similaire à Tremblay, va porter plainte devant le tribunal de Bobigny pour « violences volontaires commises par personnes dépositaires de l'autorité publique, dégradation de biens privés et faux témoignage ».

L'avocat accuse la police de faux témoignage

Capture d'écran de la vidéo d'arrestation à Tremblay-en-FranceLa police ayant déclaré que le jeune homme était tombé sur le côté gauche pour justifier son hématome, l'avocat estime qu'il s'agit d'un faux témoignage. Sur la vidéo, le scooter est étalé sur le côté droit. Selon Arié Alimi, l'appartement de la mère du jeune a été perquisitionné par la police suite à l'annonce du dépôt de plainte.

Ces images illustrent la tension permanente entre jeunes et forces de l'ordre. A Tremblay, cette vidéo et le récit de ceux qui ont assisté à l'interpellation ont largement circulé, contribuant à renforcer la lassitude des habitants -y compris adultes- vis-à-vis de la police.

C'est même quelques heures après cette interpellation que des bus ont été attaqués sur les lignes 15 et 45 de la ville.

Ce lundi, jour ensoleillé, la ville est calme. C'est les vacances, les enfants font du vélo, les parents improvisent des pique-niques sur les grands espaces de verdure, les ados fument aux abords des bâtiments, certains ne sortent pas des halls d'entrée. De ces halls est née la tension qui agite la ville depuis deux semaines.

Ce mardi, après une visite dans deux dépôts d'autobus de Tremblay-en-France, Nicolas Sarkozy a fait le point sur la lutte contre l'insécurité et les trafics. Il a promis d'« intensifier les opérations coups-de-poing dans les cités sensibles » :

« Aucune commune, aucun quartier, aucun hall d'immeuble de Seine-Saint-Denis n'échappera à l'autorité de la loi. »

Un reportage de TF1 sur les dealers installés dans les halls d'immeuble et une saisie record d'un million d'euros ont joué les détonateurs. Des bus ont été caillassés à répétition par plusieurs jeunes, jusqu'à provoquer l'arrêt pur et simple de leur circulation.

« Encore plus difficile de trouver un emploi »

« Il y a peu de halls qui abritent des dealers », veut corriger Jamel. Ce graffeur, résidant dans la cité dite des Grands Ensembles, a initié une pétition « citoyenne » pour réclamer un droit de réponse à TF1.

L'initiative, soutenue par le mairie, entend établir une autre image de la ville que celle véhiculée par « Mon voisin est un dealer », le reportage de TF1.

Tract de la ville de Tremblay.Dans la ville, la mairie a placardé une condamnation du reportage de la Une :

« Salissant l'image de toute une ville, elle n'est pas sans conséquences concrètes pour ses habitants, notamment pour les centaines de jeunes à la recherche d'un emploi […], elle n'est pas sans conséquence pour les chauffeurs de bus pris pour cible la semaine dernière.

C'est pourquoi la municipalité se réserve le droit de donner à cette affaire toutes les suites nécessaires, y compris en justice. »

Cet après-midi, Jamel aide des collégiens de René Descartes à recouvrir un mur de peinture blanche pour y réaliser une fresque à la bombe. Des ateliers « école ouverte » dont il aimerait plus souvent entendre parler dans la presse. Il ne comprend pas la fascination médiatique pour ces histoires de drogues :

« Le trafic de drogues, ça fait des années qu'il dure, ça ne concerne pas toute la ville. Pourquoi est-ce que c'est si important de parler d'eux ? Ça stigmatise la ville.

Le jeune qui va chercher du boulot, s'il dit qu'il vient de Tremblay, il est mort. Tu veux vendre ton pavillon ? Avec un reportage comme ça, il a perdu de la valeur. »

Tremblay-en-France, une ville coupée en deux

Jamel entreprend une visite guidée de la ville et de ses bons côtés, un « safari ghetto » dit-il. Le plus frappant à Tremblay-en-France, est l'impression d'une ville coupée en deux. Les frontières, de grands arbres.

Il y a le Tremblay pavillonnaire, coquet. Au cœur, la cour de la République, avenue commerçante derrière laquelle se dressent des immeubles d'habitation de moyenne hauteur, ceux-là même que TF1 a filmés.

Dedans, la population défavorisée de Tremblay, laissée à l'abandon. Pour Jamel, les vrais escrocs, ce sont les propriétaires des logements sociaux :

« Avant, il y avait un gardien par immeuble, ça créait une sorte de lien social. Là, il n'y a plus rien. Les boîtes privées qui s'occupent du ménage, elles envoient quelqu'un à 5 heures du matin pour nettoyer les sols.

Ça commence au 13e étage mais dès que la personne qui fait le ménage arrive au 9e, l'eau dans le seau, elle est déjà noire. La peinture, c'est une couche maxi sur les murs. Les ascenseurs, ils sont toujours en panne.

De l'autre côté, il y a les pavillons, il y a des arbres, c'est Desperate Housewives à 300 mètres de la cité. Un marocain a acheté un pavillon et il a ouvert un commerce halal là bas. Le résultat ? Une pétition contre lui. Il n'y a pas de mixité sociale, c'est la France des années 1950. »

En janvier, à la suite d'un règlement de comptes soldé en une fusillade qui fait quatre blessés, la mairie organise une réunion. Le public est principalement issu des zones pavillonnaires, raconte Jamel :

« Nous, on venait parler de la violence et de la présence policière dans la ville. Eux ne se sentaient pas du tout concernés. On n'a pas les mêmes problèmes. »

Ce clivage se lit aussi dans les résultats des dernières élections régionales. Au premier tour, Marie-Christine Arnautu, la candidate FN, a fait un score de 15,68%.

Dans les discours des uns et des autres ressort l'impression d'une fracture également ethnique. Il y a « les Français » et les autres. Les jeunes des cités, pourtant bien Français, ne s'incluent jamais dedans. Mehdi, la petite trentaine, se sent différent parce qu'il n'est pas « blanc » :

« Quand vous prenez trois ou quatre images sur des heures de tournages, vous montrez perpétuellement les jeunes, en jogging, avec une casquette et la peau foncée.

Vous créez un profil. Ce profil, il fait peur aux Français. Moi, si je vais dans le Morbihan avec mon polo Lacoste et ma casquette, je vais faire peur aux gens. Avant même de me parler, ils se disent que je deale, que je suis dangereux. »

La police, ennemie, et la justice, synonyme de répression

Un groupe de jeunes adolescents observe une voiture de police. C'est la troisième fois que le véhicule passe devant eux. Assis sur un banc un peu plus loin, Abou avertit :

- Ils vont repasser, c'est sûr.

Quelques minutes plus tard, la voiture est là.

- La prochaine fois, vous allez voir, les petits vont traiter les flics, c'est sûr.

Au passage suivant, les ados envoient en effet les policiers « niquer leurs mères ». Abou hausse les épaules :

« C'est toujours comme ça. Là, ça va, c'est le soir que ça s'accroche. C'est normal, il n'y a rien à faire après 18 heures à Tremblay. Il faut aller à Paris mais c'est pas toujours possible.

Moi, le soir, après le boulot, j'achète ma barrette, je fume mon spliff et je rentre chez moi, comme tout le monde. Je suis pas un trafiquant, c'est pareil à Paris ! »

La violence des rapports entre les jeunes et la police, Jamel la juge compréhensible. Il parle de la violence contenue dans le regard des autres :

« Quand tu vas à Paris, tu es toujours le banlieusard pour les gens. C'est pas évident pour les gamins. Et le discours des politiques sur la banlieue, c'est aussi violent. Ils ont quand même placé l'ancien mec du Raid comme préfet de la Seine-Saint-Denis. »

Souvent, la police n'est vue que comme l'ennemie et la justice est associée à la répression. Jamel par exemple ne connaît personne autour de lui ayant déjà porté plainte.

A la vue d'un policier, du haut de sa trentaine d'années, il avoue le sentiment « bizarre » de n'avoir jamais pensé qu'il ait pu être là pour le protéger. Il interroge :

« Pourquoi ils envoient des policiers jeunes et pas expérimentés ? Pourquoi jamais ils ne pensent à sensibiliser les gens ici aux institutions ? A ce qu'est la justice, par exemple ? »

http://www.rue89.com/2010/04/20/tremblay-avant-meme-de-me-parler-ils-se-disent-que-je-deale-148196

La famille Woerth découvre le grand luxe

Lors de leur assemblée générale du 7 juin, les actionnaires de la très chic maison de luxe Hermès seront appelés à se prononcer sur la nomination de Florence Woerth, l'épouse du ministre du Travail, en qualité de nouveau membre du conseil de surveillance. Une personnalité qualifiée : Florence gère depuis 2007 la fortune personnelle de Liliane Bettencourt, première fortune de France, la propriétaire de l'Oréal.

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La prochaine nomination de l'épouse du ministre chez Hermès, qui ne fait, paraît-il, aucun doute, provoque déjà quelques grincements de dents au sein même du gouvernement. Et d'autant plus qu'elle coïncide avec l'annonce de l'entrée de Bernadette Chirac au conseil d'administration du numéro un mondial du luxe : LVMH.

Commentaire d'un minstre au Canard : "Bernadette Chirac, ça peut passer, à l'extrême rigueur. Son mari n'est plus à l'Elysée. Mais le parachutage de Florence Woerth, c'est une immense connerie. Quand on est le ministre des Affaires sociales chargé de réformer les retraites, on ne laisse pas sa femme entrer chez Hermès, un des symboles du grand luxe. Ca va buzzer, ça va être affreux. Ils sont coupés de la réalité ces gens là."

Pas, en tout cas, de la réalité de leur pouvoir d'achat.

http://inventerre.canalblog.com/archives/2010/04/23/17669501.html

ACTA est fabula ? Internet : l’Empire contre-attaque

Ariel Kyrou, Yann Moulier Boutang

« Acta est fabula ! » (Rideau !). Ce sont les derniers mots de l’Empereur Auguste sur son lit de mort. A.C.T.A. c’est aussi l’acronyme d’« Anti Counterfeiting Trade Agreement », que nous mijotent les grands Etats de ce monde. Quel rapport entre les deux « acta » ? Tout bêtement ceci : nos Etats aimeraient bien boucler au plus vite la négociation sur les moyens de faire appliquer les droits de propriété intellectuelle dans un monde numérique du téléchargement gratuit. Ils savent bien le danger qu’il y a à ébruiter l’affaire. Toutes les négociations impliquant l’O.M.C. depuis 1995 sont tombées sur les « altermondialistes » puis finalement sur des impasses juridiques. Même type de soucis pour les lois scélérates depuis 1998 : LOPPSI ou Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure tout récemment ; juste avant, l’HADOPI en passe d’essaimer au Royaume-Uni voire en Allemagne ; sans oublier DAVSI [1] en 2006, qui s’est avérée inapplicable. Car si ces lois liberticides sont passées en France, elles se heurtent à l’opposition en Europe de pays comme la Finlande, qui a décidé d’inscrire l’accès à l’Internet en haut débit comme un droit constitutionnel. Souvenons-nous du fiasco de Microsoft dans la bataille féroce pour faire passer la brevétisation des logiciels, malgré l’aide de la Commission et des États. Ou bien de l’échec du cycle de Doha sous la pression les Etats du Sud derrière le Brésil.

L’Empire contre la multitude des contrefaçons

L’ACTA organise la lutte contre la contrefaçon tous azimuts, des copies de médicaments au trafic de sacs Vuitton en passant les téléchargeurs en « peer to peer » ! On n’a que ce mot à la bouche, du Château aux chambres de Commerce, des pontes de LVMH à Pascal Nègre. Il est vrai que la confusion est bien pratique ! Sur la copie dite pirate, il y a de quoi faire. Prenons les médicaments génériques, qui se sont révelés indispensables contre le Sida et toutes les affections qui frappent plus au Sud qu’au Nord. Est-ce vraiment comparable aux produits frelatés vendus sur l’Internet ? Comme le démontre Guilhem Fabre sur le sujet [2], la contrefaçon massive, qui touche surtout les industries du luxe, ne chasse pas du marché les produits labellisés « authentiques », elle crée les bases d’un élargissement permanent de leurs débouchés. Autrement dit : plus une marque est copiée, plus ses « originaux » prennent de la valeur. Pour les produits numériques, l’effet est quelque peu différent : les fabricants de logiciels propriétaires tolèrent le piratage massif car il institue le logiciel propriétaire comme la norme, au détriment du passage à une culture du logiciel libre.

L’Internet : voilà l’ennemi !

Quel est ce dragon que se proposent de terrasser tant d’Etats de la planète [3] ? Le numérique et l’Internet qui ont balayé les moyens techniques de mise en œuvre de la propriété intellectuelle. L’Internet est le coupable car il est lieu de toutes les copies, intolérables pour les majors du disque, du cinéma ou de l’édition, avec la circulation sans contrôle de contenus protégés par le droit d’auteur. Il faut donc remettre de l’ordre dans l’Internet. Non pas par le contrôle direct des internautes, à la chinoise. Cela fait plutôt mauvais genre en démocratie. Non, c’est par le détour de la technicité que se prépare avec ACTA la deuxième tentative d’arraisonnement du cyberespace. La première était celle du 1.0 en 1999-2001. Elle a fini en eau de boudin avec la crise de la dot.com et de la « bulle Internet ».

ACTA veut la peau de la « neutralité du Net »

Plusieurs sites expliquent ce qu’est ACTA. Celui de la Quadrature du Net de Jérémie Zimmerman est l’un des plus actifs [4]]. ACTA n’est ni une fable ni une pure rumeur. La France, instruite par dix ans de bagarre contre les partisans du libre, se bat en coulisse pour que tout cela demeure très confidentiel. Informez-vous, tannez vos députés européens ou pourquoi pas vos régions. Car non seulement ACTA existe, mais la messe est loin d’être dite. Curieux paradoxe : Nathalie Kosciusko-Morizet vient de créer un comité pour réfléchir à la « neutralité du Net ». Il est peu crédible au pays de l’HADOPI. La neutralité du Net obéit un principe : tout utilisateur doit pouvoir accéder à l’ensemble des contenus, applications et plates-formes disponibles sur la Toile, quel que soit son fournisseur d’accès à Internet, son opérateur de mobile et plus largement son environnement technique. Traduisons : aucune discrimination entre les connectés, riches ou pauvres, téléchargeurs ou non ; aucun filtre ; aucune priorité entre la vidéo stupide, la déclaration en ligne ou les photos de vacances des internautes ou mobinautes ne doit être établie a priori par les maîtres des tuyaux. Le réseau appartient autant aux amis du papier qui naviguent une fois l’an qu’aux collégiens qui s’échangent des blagues sur les réseaux sociaux ou qu’aux acteurs qui s’en servent pour augmenter l’intelligence collective et coopérer dans une économie de contribution en écrivant des logiciels libres.

Mais au fond, pourquoi ACTA maintenant ?

Nouveaux riches du numérique et caciques du divertissement sont dans un bateau…

Les fournisseurs d’accès relayés aujourd’hui par les opérateurs ou les constructeurs (Nokia et son portail Ovi), ont longtemps été pour la neutralité des tuyaux. Qu’une énorme partie du réseau serve à la pornographie ne leur posait pas trop de problèmes, cela rentabilisait les investissements dans le matériel. En tant que nouveaux diffuseurs, ils comptaient s’entendre avec les producteurs de contenus, en créant comme les opérateurs, des portails censés capter le cœur des usages et de la consommation de divers produits culturels. Ces acteurs comptaient imposer de la sorte leur règle de partage des sous, tirés des abonnements d’accès comme de la publicité qui devait se porter sur ces portails. Mais, les moteurs de recherche ont aspiré les contenus de portails rendus d’autant plus inutiles que les internautes puis maintenant les « mobinautes » apprennent vite à se passer d’agents de la circulation sur Internet. La vogue des réseaux sociaux et leur multitude de liens ont joué dans le même sens. Puis Apple, avec son iPod, son iPhone et bientôt son iPad, a réussi à imposer un autre partage des bénéfices. La reddition des majors du disque puis maintenant du cinéma à Steve Jobs, acceptant de fournir leur catalogue à prix réduit a été un premier moment crucial. L’autre reddition, plus étonnante encore, s’est produite avec l’iPhone il y a deux ans : partout dans le monde, les opérateurs ont accepté de rétrocéder une part de leurs bénéfices au fournisseur de matériel à la pomme qui s’était assuré, il est vrai, de pas mal de contenus : catalogues et applications.

L’heure de modèles économiques intégrant les principes de la pollinisation et de la richesse de l’activité contributive, comme de la densité des interactions humaines avait sonné. Les vieux maîtres des réseaux, les R. Murdoch, les TF1, les Vodafone ou dans une moindre mesure Orange (par ailleurs actif sur le terrain du logiciel libre avec sa Livebox) ont alors compris qu’ils n’étaient pas éternels. Avec des variantes selon les acteurs, voire un double discours en ce qui concerne les opérateurs, Ils sont prêts, désormais, à passer alliance avec ceux qu’ils avaient dédaignés.

En rejoignant de façon officielle les États, furieux de voir leur échapper la Toile depuis 1995, ils ont formé la Sainte-alliance d’ACTA.

ACTA, la messe n’est pas dite.

Pousser les FAI à suspendre l’abonnement de ses clients c’est l’antithèse de la « neutralité du Net. Avec en germe une Toile à plusieurs vitesses, avec des classes de clients privilégiés. L’objectif des États est d’utiliser les FAI pour faire leur police. La glaciation de l’Internet en ces temps de réchauffement planétaire, sera-elle bientôt chose faite ? La fable sera-t-elle dite ? Non ! Notre dossier sur les droits de propriété, dans ce numéro, montre que rien n’est décidé. La politique, dans le Net comme en Amazonie, au Parlement européen, à l’OMC ou face aux ambiguïtés de ses fournisseurs d’accès à Internet en haut débit fixe ou mobile, passe sans doute par l’augmentation de notre puissance d’agir. ACTA ce n’est qu’un début, mais ce n’est surtout pas le mot de la fin.

[1] Loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information, transposition des traités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 20 décembre 1996, et de la directive européenne de 1998.

[2] Guilhem Fabre (2010) Propriété intellectuelle, contrefaçon et innovation, Les multinationales face à l’économie de la connaissance, Publications des universités de Rouen et du Havre.

[3] Aux côtés des Etats-Unis et du Japon, les deux champions du durcissement de la propriété intellectuelle, on trouve l’Australie, Canada, l’Union européenne, la Corée du Sud, le Mexique, le Maroc, la Nouvelle Zélande. Noter l’absence de l’Inde, du Brésil, de la Chine, de l’Afrique du Sud et de la Russie, qui a bien du sens (même si ces pays ne s’opposent pas frontalement à l’ACTA).

[4] http://www.laquadrature.net/en/ACTA et [http://www.publicknowledge.org/issues/acta->http://www.publicknowledge.org/issues/acta

http://multitudes.samizdat.net/ACTA-est-fabula-Internet-l-Empire

Emir Sader: Filhotes da ditadura, ventríloquos da família Marinho

A TV Globo surgiu no auge da ditadura militar, quando assinou um acordo com a Time-Life para instaurar seu canal de televisão no Brasil, que rapidamente se tornou o órgão oficial da ditadura militar. Gozando do monopólio de fato e das graças do regime mais brutal que o país conheceu, fundado no terrorismo de Estado, conquistou a audiência que lhe permitiu consolidar-se economicamente.

Terminada a ditadura – contra as resistências da própria Globo -, a empresa foi pega em flagrante no caso da Proconsult, tentando fraudar a vitória de Brizola nas eleições para governador, em 1982, assim como tentou desconhecer a campanha das diretas e aquela pela derrubada do Collor (seu candidato). Revelava como não tinha mudado desde os tempos da ditadura.

Nascida das entranhas da ditadura militar, apoiada em um acordo com uma empresa emblemática do império estadunidense, o jornal principal da empresa, O Globo, não poderia ser outra coisa, senão o que é: um órgão sem nenhuma credibilidade. “O povo não é bobo. Abaixo a Rede Globo” – persegue a todos os funcionários da empresa da família Marinho.

A morte do patriarca – amigo íntimo e sócio de ACM, como herança dos tempos da ditadura – tornou ainda mais grotesca a empresa, porque nenhum dos filhos revela qualquer capacidade para dirigir a empresa do pai, acelerando seu mergulho na decadência, sem nunca ter conseguido superar a falta de credibilidade. Um jornal que tem em Ali Kamel, Merval Pereira e Miriam Leitão como seus principais expoentes, não poderia mesmo nunca conquistar credibilidade alguma.

O que a empresa conseguiu foi comprar uma série de artistas, que conseguiram espaço para repetir o que os donos da empresa desejam, sem nenhuma credibilidade. Um ex-diretor de cinema tentou retomar o caminho de Paulo Francis, foi para a sede da Time-Life, mas fracassou estrepitosamente, refugiando-se na amargura de lamentar que o Brasil saiu das mãos dos seus patrões para cair nas de um retirante nordestino.

Outros funcionam como penosos escribas preenchendo lamentavelmente as páginas do jornal e os espaços da televisão, para tentar ser os lacerdistas – os corvos – de hoje. Um ex-jornalista, em fim de carreira, também se tornou assalariado dos Marinhos, que lhe dão espaço para atacar a esquerda, defendendo o ponto de vista da empresa favorita da ditadura, agora querendo posar de democrática.

E o que mais agrada os patrões do que atacar o MST, Cuba, Venezuela, Lula, a esquerda? E defender a empresa, em situação econômica periclitante, atacando a generalização da banda larga para todo o país? Ainda mais alguém especialmente desqualificado para falar de um tema tão importante para a inclusão tecnológica, a superação das desigualdades sociais e para a democratização da formação da opinião pública. Mal pode disfarçar, com agressões grosseiras, o nervosismo que medidas como essa provocam na empresa da família Marinho.

Triste fim de gente que termina suas carreiras como ventríloquos dos descendentes da família Marinho, como filhotes da ditadura, que ainda não sabem que “o povo não é bobo”, povo que sabe que “Globo e ditadura, tudo a ver”. É o desespero de continuar sem conseguir eleger seus candidatos, nem na cidade do Rio de Janeiro, nem no Estado do Rio de Janeiro, nem no Brasil, revelando como estão na contramão do povo do Rio e do povo do Brasil.

http://www.vermelho.org.br/noticia.php?id_secao=6&id_noticia=128157

Entretien sur "Retour à Reims".

Didier Eribon

Je publie ici l'entretien paru, sous le titre "J'ai détesté mon père parce qu'il était ouvrier", dans la revue culturelle lyonnaise Le coup de grâce (n°4, printemps 2010) à propos de Retour à Reims.

- Vous dites dans votre livre qu'il vous a été plus difficile d'écrire sur la honte sexuelle que sur la honte sociale. Pourquoi ?

C’est le point de départ de mon livre : quand mon père est mort, je n’ai pas assisté à ses obsèques. Mais je suis allé passer la journée du lendemain avec ma mère. Elle a sorti des boîtes de photos d’une armoire, et nous sommes restés pendant plusieurs heures à les regarder. J'ai été frappé - cela m'a sauté au visage - par le décor social que ces photos représentaient, c'est-à-dire, le milieu ouvrier le plus pauvre, qui est celui dans lequel j'ai vécu mon enfance et mon adolescence.

C'est incroyable de constater à quel point, quand on regarde des photos du passé, les corps que l’on y voit sont des corps de classes, des corps marqués socialement : par la manière dont les gens sont habillés, la manière dont ils se tiennent, les coiffures, les attitudes…
J'ai pensé: "C'est mon passé, c'est mon enfance" et en rentrant à Paris, je me suis dit : "Mais puisque j'ai été cet enfant-là, pourquoi, par la suite, me suis-je pensé presque exclusivement comme un enfant gay et non pas comme un enfant d'ouvriers ? Pourquoi est-ce que j'ai écrit des livres sur les trajectoires gays et non pas sur les trajectoires sociales, et notamment celles des enfants nés dans le monde ouvrier ?"
Dans mes livres, notamment
Réflexions sur la question gay (Fayard, 1999) ou Une morale du minoritaire (Fayard, 2001), un des foyers centraux de l'analyse, c'est la notion de la honte : la honte comme un affect avec lequel chaque individu, quand il appartient à un groupe stigmatisé, injurié, doit se débattre tout au long de sa vie et à partir du quel il doit constituer sa personnalité. Je me suis donc demandé : pourquoi n’ai-je jamais écrit sur la honte sociale alors que cette honte-là, je l'ai intensément vécue en quittant mon milieu d'origine et en dissimulant plus ou moins ce passé qui avait été le mien aux gens qui appartenaient aux milieux dans lesquels je commençai alors de vivre.

- Vous voulez dire que vous avez pris conscience de votre homosexualité avant de prendre conscience que vous étiez issu d'une famille pauvre ?

Non, bien sûr ! Le fait d’être issu d’une famille pauvre, je l'ai su dès le départ. Mais disons que, par la suite, j’ai voulu refouler cette réalité. Très consciemment. Ce sont des choses que j'ai voulu mettre à distance de moi et j'ai insisté, notamment dans ce que j'ai écrit. sur un aspect de ma personnalité (être gay) en laissant de côté un autre aspect de ma trajectoire.
Je m’interroge donc sur le fait de savoir pourquoi il m’a été plus difficile de dépasser la honte sociale que la honte sexuelle. Et je pense que la raison – l’une des raisons en tout cas - en est que les mouvements politiques contemporains, les catégories contemporaines de la politique, d'une certaine manière prescrivaient cette perception que j'avais mise en œuvre. Le marxisme ayant presque totalement disparu de la scène publique et du discours politique, il était devenu moins immédiatement évident de se penser comme enfant d'ouvriers. On ne parlait plus de mouvement ouvrier donc il n'y avait plus beaucoup de possibilités de penser en termes de fierté ouvrière, de culture ouvrière, d’appartenance à la « classe ouvrière », tandis que les mouvements culturels ou sexuels, le féminisme, le mouvement gay et lesbien, notamment, avaient une présence très forte et offraient des catégories pour se penser soi-même, et donc pour penser son enfance et son passé. On se pense par exemple comme ayant été un jeune gay, victime de l'homophobie, et, dès lors, la perception sociale, je veux dire en termes de classe, est mise de côté, elle devient secondaire par rapport à cette autre perception de soi.
J'ai voulu m'interroger sur le fait que l'enfance était en grande partie déterminée rétrospectivement par les cadres politiques contemporains. Il y a des cadres politiques de la mémoire, que celle-ci soit collective ou individuelle (mais est-elle jamais individuelle ?)

- Vous évoquez votre grand-mère, tondue à la Libération parce qu'elle avait vécu une idylle avec un Allemand. Cette honte profonde, cette terrible humiliation, ressemble-t-elle à celle que vous avez pu ressentir quand vous avez fait votre "coming out"? Ou quand vous avez éprouvé au plus profond de vous mêmes que vous veniez d'une famille pauvre?

Oh non ! Cette violence subie par ma grand-mère à la Libération, cette "violence imbécile" pour reprendre les mots de Marguerite Duras dans Hiroshima mon amour, est une violence à laquelle on ne peut rien comparer. J'imagine ce qu’a dû être l'humiliation éprouvée par cette femme à ce moment-là, ce déchaînement de brutalité masculine contre elle, et je ne veux surtout pas comparer cette terrible épreuve avec les autres formes de violence que j’évoque dans mon livre, et qui peuvent être des formes insidieuses.
Malgré tout, il est vrai que je suis peut-être très sensible à cette violence qu'elle a subie parce que moi-même, en temps que jeune gay, il m'est arrivé à plusieurs reprises de me faire agresser physiquement. Et il s'agit d'une violence primaire, incompréhensible, dont, au départ, on songe à peine à se plaindre dans la mesure où non seulement on subit une violence physique parce qu’on est gay, mais n’ose pas en parler parce qu’on a honte d’être gay. Cette violence s'intègre comme une dimension de la honte : au lieu de protester, on la prend comme une partie du destin auquel on est assigné. Et l’on se recompose ensuite soi-même une identité à partir de cet assujettissement premier.

- A lecture de votre ouvrage, comment votre mère a-t-elle réagi?

Votre question est délicate. C'est évidemment difficile, pour quelqu'un comme ma mère par exemple, de se voir devenir un des personnages centraux d'un tel livre. Elle savait que je l'écrivais. C'est un livre de sociologie qui est construit comme une enquête avec une informatrice principale qui est ma mère. Et donc elle m'a parlé en sachant que je faisais ce livre. Mais une fois que ces choses sont écrites, publiées et, surtout, que le livre ne reste pas confidentiel – on en parle dans le journal régional, elle sait que des gens qu'elle connaît le lisent -, c'est sans doute plus difficile à vivre ; même si je crois qu'elle l'a, finalement, plutôt bien vécu. Mais imaginez : c’est un livre où j’affirme que j’ai eu honte de mon milieu social et familial, et que j’ai voulu fuir ce milieu. Or ce milieu, c’est elle… Il lui a fallu beaucoup de force et d’intelligence pour comprendre et accepter le projet de ce livre.

- Et vos frères?

Mes frères… Ce sont des gens qui ne lisent sans doute pas beaucoup de livres en général, et en tout cas pas des livres de sociologie ou de théorie. Donc quand ils lisent un livre comme celui-ci, parce qu'il est question d'eux, parce que c'est moi qui l'ai écrit, ils n'y voient pas une analyse mais souvent une certaine forme de mise en accusation de ma part, comme si je les dénigrais. Si je dis que mes frères n'ont pas passé le bac, ils ont tendance à penser que je veux dire qu'ils n'étaient pas capables de le passer alors que la démarche de mon livre consiste à montrer qu’il y a une élimination quasi systématique des enfants des classes populaires par le système scolaire et que cette élimination fonctionne souvent avec l’aide active de l’auto-élimination, cette participation des dominés aux mécanismes de la domination étant elle-même socialement produite et instituée par toute l’histoire sociale, par toute l’histoire des classes sociales, notamment dans leur accès inégal au système scolaire et leur rapport différentiel avec celui-ci.
Ce qui est très étrange c'est que quand mon livre est sorti, ma mère m'a dit : "Tes frères ne sont pas contents parce que tu dis qu'ils n'ont pas passé leur bac, mais tu sais, s'ils ne l'ont pas passé, ce n'est pas parce qu'ils ne pouvaient pas, c'est parce que ça ne leur plaisait pas de continuer des études". Et j'ai été obligé de lui répondre : "Mais c'est très précisément ce dont je parle dans mon livre, ce que j'essaie d'analyser ! C’est-à-dire : pourquoi il y a des gens qui appartiennent à des milieux où on ne se pose même pas la question de savoir si cela plaît ou pas : on faitt des études ! Et des milieux où statistiquement, cela ne plaît pas et on est éliminé – ou on s’auto-élimine - parce qu'on pense que les études sont faites pour les autres et pas pour soi ». Disons que c'est ça que j'essaie d'analyser, d'expliquer. Avec mes frères, nous disons au fond la même chose ! Seulement, ils croient que c'est un choix, leur choix, et moi je montre que c'est une loi, une implacable loi sociale. Et l’on voit qu’il est nécessaire d’avoir un regard extérieur et surplombant sur les parcours des uns et des autres pour comprendre le monde social et les mécanismes de la domination puisque la perception spontanée que les gens ont de leur expérience masque ou dénie cette domination qui s’exerce sur eux à leur insu.

- Mais vous, tout au long de votre éducation, vous avez refusé ce déterminisme social ?

Disons que j’y ai contrevenu ! Mais il faut alors se demander pourquoi ! Et comment ! Et jusqu’à quel point (car on n’échappe jamais totalement à son passé). Mais ce déterminisme, je constate qu'il fonctionne à plein, qu'il fonctionnait quand j'étais enfant ou adolescent, qu'il fonctionnait quand mes frères sont allés quelques années au lycée et qu'il fonctionne toujours de manière brutale.
Quelqu’un m’a dit, au cours d’un débat public : « Votre livre est magnifique à ceci près que le fait que vous puissiez écrire un livre comme ça, dément vos analyses sur le fait qu'on n'échappe pas à son destin social puisque vous y avez échappé".
Je ne crois pas que ce soit une objection dans la mesure où le fait qu'il y ait quelques personnes qui échappent au destin qui leur est normalement assigné ne signifie pas que cette loi sociale n'existe pas.
En outre, la règle veut que l'ascension sociale soit lente, difficile, et que le point d'arrivée soit fortement lié au point de départ. On n'a pas les mêmes possibilités d'ascension sociale suivant qu'on est fils de femme de ménage ou fils d'instituteur, fils de cadre ou de professeur d'université, d’industriel ou de membres de la haute bourgeoisie parisienne, etc. L'ascension sociale est, dans une très large mesure, liée au point de départ et, quand le point de départ est bas, limitée par celui-ci.
Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'ascension sociale. Ca veut dire que la structure sociale reste ce qu'elle est, que les écarts se maintiennent entre les enfants des uns et ceux des autres, entre les trajectoires.

- A propos de votre père, vous écrivez : "Je ne l’aimais pas. Je ne l’ai jamais aimé". Comment peut-on ne pas aimer son père?

C’est tout de même le cas de beaucoup de gens ! Une des raisons pour lesquelles je me suis mis à détester mon père, c'est quand ma trajectoire a commencé à diverger et que j'ai commencé à prendre conscience que j'étais gay, et, sans doute pour cette raison, à m’intéresser à la culture (comme un moyen d’échapper à mon milieu, et de différer puisque j’étais différent). Évidemment, je ne pouvais que détester ce qu'était mon père, puisqu’il était le contraire de tout ce qui m'attirait. Et donc je me suis toujours donné de bonnes raisons pour justifier cette détestation : "Mon père incarne l'inculture, l'homophobie, la bêtise masculiniste la plus primaire, etc".

Certes, je me dis aujourd'hui que tout ceci n’était pas faux, mais il y avait d’autres raisons à cette détestation : un certain racisme de classe que l'on ne peut pas s'empêcher de partager dès lors que l'on accède ou veut accéder à un autre milieu, qu’on devient membre d'une autre classe sociale. J'étais, selon le mot de Paul Nizan, "candidat à la bourgeoisie". Et cette candidature passait par la mise à l'écart de mon milieu social d'origine.

- Comme quand vous citez John Edgar Wideman : "Mon succès se mesurait à la distance que j'avais placée entre nous"…

Oui, plus je m'éloignais d'eux, plus j'avais l'impression de réussir ce que je voulais être. Réussir ce que je voulais faire passait non seulement par cette mise à l'écart radicale, mais aussi par une occultation de mon passé.

Je ne voulais pas être lié à eux parce que c'était comme un stigmate que je portais et dont je voulais me débarrasser. Et en effet, Wideman décrit fort bien ce genre de sentiments dans Suis-je le gardien de mon frère ? Il me fallait m'inventer une autre vie, un autre personnage, et par conséquent, il faut le dire très simplement, j'ai avant tout détesté mon père parce qu'il était un ouvrier. Mais aujourd’hui, je dois me demander : était-il responsable de ce qu’il était ? Au fond, tout ce que je pouvais lui reprocher ne relevait pas d’un trait psychologique personnel mais d’une réalité historique et sociale : ce qu’il était avait été fabriqué au croisement du lieu et du moment où il est né. Il était le produit d'une classe sociale et d'une époque. Il est né dix ans avant la Deuxième guerre mondiale ; quand il avait onze ou douze ans il devait aller chercher des pommes de terre dans les villages alentour pour nourrir toute sa famille parce qu'il n'y avait rien à manger pendant l'occupation allemande ; à treize ans il est allé travailler à l'usine… Dans sa famille, on avait à peine terminé l'école primaire qu'on allait aussitôt à l'usine.
J'ai voulu restituer l'histoire de mon père pour essayer de rendre compte de ce qu'il était et des raisons réelles pour lesquelles il était comme il était et donc pour faire ce chemin - que je n'ai pas su accomplir pendant qu'il était en vie - qui consiste à essayer de le comprendre, et ainsi à me réconcilier avec lui… mais un peu tard.

- Votre mère dit, en parlant des homosexuels, "des gens comme toi". N'êtes-vous pas en train de lui répondre "des gens comme vous" pour parler des pauvres ?

Peut-être ! Mais, dans ce cas, puisque ma démarche consiste à me réinscrire, d’une certaine manière – à réinscrire mon histoire et ma vie -, dans le tableau montré par les photos, c’est aussi pour dire : « Des gens comme nous ». Il est vrai néanmoins que j'ai bien conscience qu'écrire sur la classe ouvrière, sur les milieux populaires - pour les réhabiliter, pour leur rendre une visibilité dans l'espace public, pour leur rendre une histoire, et une voix – c'est aussi parler d'eux, de l'extérieur. Si on écrit sur eux, c'est toujours parce qu'on ne fait pas ou plus partie d'eux.
Cette volonté de leur redonner une place dans la sphère publique, cela revient donc à parler d'eux avec une certaine distance. C'est inévitable. Il faut simplement essayer de contrôler au maximum ce que cette distance peut introduire dans l'esprit du lecteur qui est lui aussi à l'extérieur des classes populaires. Ni celui qui écrit ni celui qui lit n'appartiennent au monde dont il est question. L'important c'est d'en avoir conscience et d'essayer de neutraliser au maximum cette complicité dans la position extérieure et potentiellement supérieure.

- Mais cette distance peut parfois être perçue comme une forme de "racisme social"?

Le racisme social est omniprésent dans le monde dans lequel nous vivons, les hiérarchies sociales sont bien installées, avec des positions dominantes et des positions dominées. Les dominants ont un regard sur les dominés, ce qui est déjà du racisme social. Ma mère était femme de ménage et quand sa patronne lui disait : "On ne peut pas vous faire confiance", c’était une phrase pleine de violence sociale, énoncée sur le ton de la conversation quotidienne, de la réprimande banale. Ma mère n'aurait jamais pu lui répondre : "Et moi je suis très déçue par vous" ou encore : « Je vous emmerde ». Mais plus généralement, chacun de nos gestes, chacune de nos paroles sont marqués par ces hiérarchies que nous avons tous en tête, dans tous les instants de notre vie. C’est difficile d’y échapper. Mon livre entend s’insurger contre cet ordre social, contre la violence sociale qu’il véhicule, contre le racisme social qui le cimente. Mais pour parler des dominés sans tomber dans la mythologie ouvriériste, populiste, on est obligé de dire des choses qui renvoient à des réalités parfois peu glorieuses, et peu enviables, et cela peut être ressenti par ceux qui sont concernés comme du racisme de classe. Je le sais. C’est un paradoxe indépassable. Je dois me débrouiller avec. Ce n’est d’ailleurs pas simple, croyez-moi.

- Cette violence sociale qu’ont subie vos grands-parents et vos parents, elle existe encore aujourd'hui ?

Bien sûr rien n'a changé. Quand quelqu'un dit "
la France d'en bas" – ou les « gens d'en bas » - ça veut dire qu'on les regarde d'en haut. C'est un mépris de classe comme quand on dit des gens "modestes"…

- Il faudrait les appeler comment alors ?

Nécessairement, il vaut mieux être bien installé dans la vie sociale et économique, avoir un salaire et des revenus conséquents plutôt qu'être chômeur ou Rmiste. Par conséquent, le vocabulaire disponible pour parler de ces réalités différentielles est toujours piégé. Par exemple lorsque l’on parle de "l'échelle sociale", cela implique qu’il y a un haut et un bas de l'échelle. Mais comment éviter ce vocabulaire, qui semble tellement aller de soi qu’il est difficile de ne pas y avoir recours. Mais on n'est pas obligé de mépriser les gens qui sont « en bas » de l'échelle ni de valoriser les gens qui sont « en haut ».

- Pourquoi alors faut-il avoir honte de venir du milieu ouvrier?

Je ne dis pas qu’il faut ! je dis que j’ai eu honte, ce n’est pas la même chose. Et j’essaie d’analyser ce sentiment, et, si je puis risquer cet oxymore, les raisons de cet affect. Aujourd’hui, j’ai honte d’avoir eu honte. Ce sont ces affects imbriqués, intriqués dont j’essaie de rendre compte. Depuis que mon livre est sorti beaucoup de gens m'ont écrit, beaucoup d'amis se sont confiés à moi, et chacun me parlait d'une honte, d'une situation douloureusement vécue, d'un silence sur un secret, etc. J’ai découvert que la honte est un des sentiments les plus répandus dans la société et c'est un sentiment dont, par définition, on ne parle pas. La honte est liée au secret. On ne parle pas de la honte sauf dans un moment privilégié, quand quelque chose se craquèle et qu'on se met à en parler.
Moi j'ai connu la honte à l'âge de seize ou dix-sept ans, mais à l’époque, j'étais trotskyste et j'exaltais la lutte prolétarienne, l'ouvrier révolutionnaire et en même temps je méprisais mes parents qui étaient des ouvriers dont les aspirations n'étaient pas du tout de faire la révolution mais d'acheter une voiture ou une télévision. Quand on travaille tous les jours à l'usine et qu'on a été auparavant privé de tout, on aspire justement aux biens de consommation et on ne pense pas forcément à la lutte politique. Ou on y pense autrement ! Et là il faudrait évoquer une certaine forme du mépris de classe, ou si vous préférez, d’ethnocentrisme de classe qu’on trouve chez les intellectuels qui, aujourd’hui comme hier, pérorent sur la révolution ouvrière ou sur le savoir du peuple, mais sans jamais rencontrer un ouvrier, et qui parlent donc d’un peuple fantasmé qui n’existe que dans leur imagination.

- On a quand même l'impression dans votre livre que pour avoir la sensation de réussir sa vie, il faut avoir fait des études et surtout, ne plus être pauvre. Un peu comme la Rolex à cinquante ans ?

Je n'ai pas de Rolex! Je n’ai pas de montre ! Je ne dis pas que pour réussir sa vie il faut avoir fait des études, que si on n'en a pas fait on a raté sa vie. Je décris l’univers dans lequel nous vivons et la manière dont les classes s'y affrontent. Et je décris le milieu d'où je viens, comment j'en suis sorti. Mais quand je dis « je », ce n’est pas tellement un « je » individuel, c’est plutôt un « je » collectif, qui est celui de beaucoup de gens qui ont vécu difficilement des situations analogues à la mienne. Je ne fais que décrire le monde social tel qu'il est, où les positions qu’on occupe sont toujours relationnelles. Ce n'est pas de ma faute si, dans la société dans laquelle nous vivons, il vaut mieux avoir fait des études que de ne pas en avoir fait, il vaut mieux avoir accédé à des métiers qui sont moins pénibles que les métiers ouvriers… Oui, il est préférable, si on peut, d'échapper à ces métiers dont on n'imagine pas à quel point ils peuvent être pénibles. Oui, mon livre affirme, d’une certaine manière, que je préfère m'en être sorti que d'être allé travailler en usine. Mais j’essaie de décrire et d’analyser ce qu’est le prix à payer pour cette « trahison de classe ». Et de rendre justice à ceux qui travaillent en usine, comme l’ont fait mes parents.

- Les intellectuels - de tous bords – sont issus de la bourgeoisie. Leurs travaux, leurs discours ne sont-ils pas, finalement, conformes aux intérêts des classes dirigeantes?

Quand je lis un auteur comme Jacques Rancière, par exemple, et que je constate que tout son discours depuis 40 ans se résume – que dit-il d’autre ? Rien ! – à une exaltation populiste d’une sorte de savoir politique, culturel, scientifique… spontané de la classe ouvrière, de compétence égale de tous avec tous, je ressens de la colère et du dégoût… Car c'est ignorer délibérément les inégalités réelles, et les effets de la dépossession culturelle, c’est ignorer le fonctionnement du système scolaire, c’est ignorer comment se forment et comment se transforment les opinions politiques, etc. Et c'est même empêcher de poser tous ces problèmes ! Quand il ose affirmer qu’essayer d’analyser les inégalités (notamment scolaires), comme l’a fait Pierre Bourdieu, aboutirait à figer les gens dans cette inégalité et à les priver de leur liberté, de leur mobilité, je trouve ce genre de propos vraiment grotesques et même indécents (pour rester poli). Il est un cas typique du penseur bourgeois qui se penche de haut sur le peuple, qu’il ne rencontre jamais ailleurs que dans des livres du XIXe siècle… et qui fantasme sur les gens qu’il ne connaît pas (n’est-ce pas ce « savoir spontané » des classes populaires qui les conduit, par exemple, à l’auto-élimination scolaire que j’ai évoquée plus haut, et que Rancière croit sans doute être une invention de sociologues, si toutefois il en a entendu parler). Postuler une égalité principielle de tous avec tous, comme il le fait, c’est refuser de voir ce qu'est l'inégalité dans la réalité, ses mécanismes de fonctionnement et de perpétuation, et aussi ses effets dans les modes de pensée et d'agir, dans le rapport à la politique, dans les vies.... C’est donc tout simplement ratifier et reconduire l'inégalité à partir d’une position idéaliste qui n'a que l'apparence de la radicalité politique mais qui en est tout le contraire. Je sais que c'est payant : on l’applaudit partout, car cette façon de fantasmer le peuple est largement partagée dans les milieux intellectuels. Mais cela n’en est que plus révoltant, car ce genre de discours empêche de comprendre les inégalités telles qu'elles sont, et donc de les combattre. Cela conforte l'ordre établi.
Pour reprendre le modèle qu’affectionne Rancière et qui découle logiquement de sa perspective de maître ignorant du monde social, celui du tirage au sort dans
la Grèce antique, je dois dire que je ne voudrais pas que ma mère soit tirée au sort pour gouverner la Cité, sinon cela donnerait l’application du programme du Front National : rétablissement de la peine de mort, expulsion des immigrés, durcissement des politiques pénales, sortie des enfants du système scolaire à quatorze ans… Par conséquent, il convient d’analyser –oui, analyser ! – comment se forment ce type d’opinions, comment elles se répètent, à quelles conditions elles peuvent changer…
En réalité, Rancière est resté l’intellectuel maoïste bourgeois qu’il a été autrefois – l’accablant maoïsme de l’Ecole normale supérieure, c’est-à-dire les philosophes et leurs pauvres - et qui s’enthousiasmait pour
la Révolution culturelle populaire chinoise, qu'il opposait à Bourdieu et aux savants, dans son livre de 1973 sur Althusser, et dont on sait bien qu’elle était décrétée d’en haut et imposée au peuple qui était censé la porter. C'est la vérité de la position de Rancière : il n'a pas changé... il a simplement gommé la référence à la Chine. Je hais ce populisme-là, qu'il est nécessaire de rejeter autant que les autres formes de populisme si l'on veut se donner les moyens de penser ce que peut être la participation des classes populaires à la politique, et si l'on veut se donner les moyens de réfléchir à une politique émancipatrice qui ne soit pas simplement une mythologie d'intellectuels pour intellectuels.

J'ai donc voulu dans mon livre affronter ces questions, qui sont très difficiles dès lors que l'on se refuse aux facilités et aux bénéfices symboliques immédiats qu'offrent ces mythologies : comment penser les inégalités et les mécanismes de la domination, comment lutter contre eux, comment penser la démocratie effective, comment se battre chaque jour pour élargir l'espace démocratique, quel est le rôle des mouvements sociaux, des associations, la place des partis politiques, et aussi, bien sûr, le travail des intellectuels et des chercheurs dans ces processus, des analyses qu'ils peuvent produire, etc....

- Les "cultural studies", en mettant en avant les questions d’identités sexuelles, raciales, culturelles, ont-elles évacué les questions sociales?

Les choses ont beaucoup changé depuis Mai 68 notamment. La gauche ne se préoccupait pratiquement pas des questions sexuelles, raciales, culturelles, etc. Ces questions ont été ensuite politisées par l'action de mouvements qui voulaient montrer que l'assujettissement n'existe pas seulement en termes de domination de classes, mais aussi en termes de domination de genre, de sexualité, de race, etc.

Il est évident que ces mouvements ont eu tendance, en proposant d’autres découpages de la réalité, et d’autres catégories de perceptions politiques, à se substituer aux questions sociales et en particulier à la notion de classe.
Aujourd'hui, on assiste à un retour de la question des classes avec beaucoup de gens qui proclament - c'est même devenu un thème rabâché dans presque tout ce qui s'écrit et se publie en ce moment, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche – que ces mouvements sexuels, raciaux, etc. ont fait diversion par rapport à la « vraie » question qui serait la question des classes, la question sociale.

Mon livre essaie de résister à cette tendance-là en disant qu'il n'y a pas une question qui serait plus vraie qu'une autre. Toutes ces questions sont présentes dans la réalité sociale et donc elles sont toutes légitimes sur la scène politique. Les luttes coexistent dans la société. C’est pourquoi je pense non pas en termes d’articulation ou de convergence des luttes, mais plutôt en termes de multiplicités et de prolifération. Vouloir unifier ou réunifier les luttes, c’est chercher à délimiter le champ de leur déploiement, et donc à les orienter et les limiter.

- Justement, lorsqu’on voit les impasses historiques et l’absorption des marges par le système dominant, cela a-t-il encore un sens de se révolter?

Les révoltes se reproduisent toujours puisqu’il y a toujours des phénomènes d'oppression. Et si les marges sont assimilées, comme vous semble le croire, il y a toujours, de toutes façons, d'autres marges qui apparaissent, d'autres voix qui viennent politiser de nouvelles questions.

La violence sociale a de multiples formes et donc les révoltes sont toujours d'actualité.

- Comment peut-on se révolter aujourd'hui ?


Ce n'est pas à moi de le dire. Je ne peux pas prescrire aux acteurs politiques et sociaux ce qu’ils doivent faire. Je peux quand même constater que des mouvements de sans-papiers, de chômeurs, de transsexuels mobilisent les énergies et agissent politiquement contre les injustices et les oppressions. Et ce, de manière hétérogène et complexe d’ailleurs, parfois contradictoire. Il suffit de prendre l'exemple des féministes face à la question du voile à l'école. Certaines disent que c'est le symbole de l'oppression des femmes, d'autres disent, au contraire, qu'interdire les jeunes filles de le porter est une violence sociale et culturelle faite aux femmes. Il n'y a pas une position féministe unique sur une question comme celle-là.

- Êtes-vous devenu le nouveau penseur des marges?

Je m'intéresse à ce qui se passe aux marges, je m'intéresse à ce qui vient des marges. Mais les discours sur les marges peuvent aussi être une manière de stabiliser les oppositions et les situations établies Par exemple, à propos du mariage gay ou des familles homoparentales, beaucoup de gens répètent que c'est conformiste, que c'est vouloir s'intégrer au modèle dominant, et qu’il faudrait rester « marginaux ». Mais on voit bien que ce discours de la « marge » ou de la « subversion » ne gêne personne. Bien au contraire, les conservateurs de droite et de gauche disent : "Pourquoi est-ce que les homosexuels ne restent pas à la marge, ce qui est leur rôle dans la société". Alors que la revendication d’entrer dans des formes juridiques existantes suscite des réactions hystériques à l'échelle mondiale que se soit en Californie, en Italie, en Espagne ou en France.
Ce qui est subversif n'est donc pas toujours ni nécessairement ce qui se situe à la marge mais, souvent, ce qui vient contester le système en son cœur même.
Dire : "Nous sommes à la marge", c'est alors une manière de ratifier et de stabiliser la frontière instituée entre ceux qui sont d'un côté dans la marge et ceux qui sont dans la norme. Alors que ce qui est très dangereux pour l'ordre social, c'est quand des gens veulent faire vaciller cette frontière.

- Si les élections présidentielles avait lieu demain, pour qui voteriez-vous?
Je voudrais éviter de penser uniquement en termes de partis ou de personnes. Ce qui me semble important, c’est ce que le vote permet d’exprimer, quel rapport de forces il peut permettre d’instaurer à un moment ou à un autre. On ne se reconnaît jamais totalement dans le parti ou le candidat pour lequel on vote. On n’adhère jamais au programme dans son ensemble. Voter, c’est faire un geste situé. Il me semble avant tout nécessaire, par conséquent, de penser l’acte qu’est le vote comme toujours articulé aux autres dimensions de la politique, celles qu’incarnent les mouvements sociaux, les associations, les mobilisations, durables ou éphémères. En se demandant : qui, dans telle ou telle configuration, représente le mieux ce qui bouge dans la société. Et la réponse peut changer au fils des années et des élections.

http://didiereribon.blogspot.com/2010/04/entretien-sur-retour-reims.html

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