Alain Chatriot, La lutte contre le « chômage intellectuel » : l'action de la Confédération des Travailleurs Intellectuels (CTI) face à la crise des années trente
Marie Carbonnel, Profession : critique ? Les défis de l'Association syndicale professionnelle de la critique littéraire de la Belle Époque à la fin des années trente
Ingrid Gilcher-Holtey, La transformation par la participation ? Le mouvement de 1968 et la « démocratisation des conditions de la production littéraire »
éculateurs financiers. Quoi que.... Analyse médicale ordonnance 2010-49. Analyse médicale : l'ordonnance ne passe pas - LMOUS
Le spectre d'une "santé aux enchères" s'éloigne, un peu. La semaine dernière, les députés ont discrètement abrogé une ordonnance de l'Élysée, qui prévoyait de livrer les laboratoires d'analyses médicales en pâture aux spéculateurs financiers. Quoi que...
C'est un petit amendement de rien du tout, bien planqué au beau milieu de l'opaque pavé du projet de loi relatif à la bioéthique. Et que dit-il, cet amendement ? Que "L'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale est abrogée". Rien de plus. C'est grave docteur ? Navrant, surtout...
Cette ordonnance a été élaborée dans le but de "réformer" la biologie médicale. Deux ans de "consultations", des dizaines de réunions mobilisant des centaines d'intervenants... et à la fin, le gouvernement a imposé ses vues, tout simplement. Résultat : un texte fourre-tout qui plaçait les petits labos dans une situation délicate, puisqu'il les obligeait à passer de contraignantes et complexes certifications. L'ordonnance les privait aussi quasiment de la possibilité de faire appel à des infirmières intérimaires ou remplaçantes, et les empêchait de fait de réaliser des prélèvements à domicile. Tout cela alors que l'État réduit les remboursements des examens sanguins. Un pur bonheur pour les géants du secteur qui obtenaient du même coup le droit de racheter tous ces bouis-bouis en difficultés financières forcées. L'ordonnance imposait aussi beaucoup d'autres mesures, censées révolutionner le secteur.
Ordonnance... de non-lieu
Fin décembre 2010, le Conseil d'État, saisi par le Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM) et le Syndicat National des Médecins Biologistes (SNMB), rend son verdict : l'ordonnance est validée. Sauf sur un aspect : l'investissement dans un laboratoire d'analyses médicales est impossible dès lors qu'il peut y avoir une situation de conflit d'intérêts. Ce qui est le cas pour "une entreprise d'assurance et de capitalisation, un organisme de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoire ou facultatif". Au regard de la richesse du texte, ce n'est finalement pas grand chose. Au regard du gouvernement, c'est certainement trop.
En parallèle, durant l'année 2010, les professions concernées ont commencé à comprendre ce qui se tramait. Les infirmières libérales sont devenues blêmes. Les petits labos se sont sentis défaillir. Des professeurs reconnus ont compris qu'ils devraient laisser tomber leur chaire. Les hôpitaux ont craint de devoir se séparer de leurs laboratoires... La grogne montait. Et, le 4 février 2011, un amendement est déposé dans le cadre du projet de loi sur la bioéthique. Sans aucune discussion, il est voté, avec l'agrément préalable du ministère. A ne plus rien y comprendre, un texte présenté comme salvateur laissé à l'abandon sans l'ombre d'une grimace ?
Deux possibilités :
- Soit le texte était finalement (vraiment très) mauvais, bien que chaudement défendu par l'ensemble du gouvernement lors de sa publication, après deux longues années de rédaction ! Un gouvernement de professionnels, puisqu'on vous le dit...
- Soit l'intervention du Conseil d'État a mis à mal la principale mesure du texte. Et tout le reste ne servait qu'à faire joli. C'est à dire que les grands acteurs privés du secteur (dont un certain nombre de proches de Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand) ne pouvant plus spéculer sur la tête des laboratoires d'analyses médicales, l'ordonnance perdait tout son charme.
OPA sur l'analyse médicale
Problème : cet amendement n'est ni plus ni moins qu'un cavalier législatif. N'ayant rien à voir avec le projet de loi au sein duquel il a été voté, l'annulation sera certainement... annulée par le Conseil Constitutionnel, pour peu qu'elle soit contestée. Et en attendant, à pas de velours, les grands groupes de laboratoires (Novescia, Biomnis, Labco, Cerba European Lab...), possédés en grande partie par des assureurs ou des spéculateurs financiers, ont déjà commencé leur razzia. Ils ont trouvé des brèches dans la loi, qui leur permettent d'acheter les officines comme des petits pains. En France, 70% des diagnostics médicaux s'appuient sur des analyses biologiques.
Et bientôt, dans votre boîte à lettres, des publicités vous proposant des réductions sur des diagnostics sanguins ? Allez... deux cancers pour le prix d'un, ça ne se refuse pas.
L’ancien premier ministre britannique Gordon Brown avait surpris en 2009 par son agressivité envers les paradis fiscaux. Un ensemble de décisions confirment désormais que son successeur David Cameron entend développer encore plus le rôle de la place de Londres comme paradis fiscal.
Une première mesure vise à attirer les plus fortunés au Royaume-Uni en leur offrant rien de moins que des lois migratoires spécifiques. Jusqu’à présent, un étranger ne peut obtenir un titre de résident permanent (et les avantages fiscaux qui vont avec pour ses revenus hors Royaume-Uni) qu’au bout de 5 ans. A partir d’avril, cette contrainte ne sera plus réservé qu’à ceux incapables d’amener plus d’un million de livres sterlings (1,2 million d’euros). Ceux qui arrivent avec 3 millions bénéficieront du statut en 3 ans, et à 10 millions et plus il ne faudra plus que 2 ans ! Les autorités britanniques ont du lire les travaux de Thomas Piketty et Anthony Atkinson sur le fait que notre époque est marquée par une montée des inégalités entre gens très aisés, les très très riches devenant vraiment beaucoup riches que les simples riches et c’est visiblement les premiers que le gouvernement britannique a décidé de cibler.
Mais les entreprises ne sont pas oubliées. Il y a d’abord la volonté du gouvernement de ramener le taux d’imposition sur les bénéfices de 28 % actuellement à 24 % en 2014. Mais un gros cadeau supplémentaire est en route pour les plus grandes et les plus internationalisées d’entre elles. La loi britannique actuelle stipule que les filiales à l’étranger paient bien sûr leurs impôts aux gouvernements étrangers et que si la maison mère britannique veut rapatrier le reste des profits en Angleterre, elle devra payer en impôt sur les bénéfices la différence entre le taux étranger et le taux britannique de 28 %. Le gouvernement souhaite que cette mesure soit supprimée. Il ne reste plus aux entreprises britanniques qu’à développer leur présence déjà grande dans les paradis fiscaux – les 20 premières entreprises y comptent plus de 1000 filiales – pour localiser leurs profits offshore et tout rapatrier sans impôt ! Un véritable scandale fiscal.
Tout ceci ne fait que confirmer explicitement la nouvelle approche britannique envers les paradis fiscaux que l’on sentait pointer à la fin de l’an denier. Complètement à l’encontre de la politique actuelle du G20, le Royaume-Uni a signé le 25 octobre 2010 (et l’Allemagne a fait pareil le 27 octobre) un préaccord avec la Suisse permettant à cette dernière de continuer à préserver son secret bancaire. Des négociations bilatérales ont débuté au début de cette année pour autoriser les banques helvétiques à prélever un impôt à la source sur les intérêts et dividendes touchés en Suisse par Britanniques dont l’anonymat sera alors préservé. Pour régler le passé, la Suisse s’engage à estimer le produit de l’évasion fiscale des ressortissants britanniques et de le taxer également, ce qui vaudra ensuite amnistie pour les personnes concernées. On pourrait même imaginer que le fisc britannique s’abstiendra à l’avenir de demander des informations au fisc suisse, se contentant du produit de la taxe, ce qui remettrait complètement en cause le travail actuel réalisé par le Forum mondial de l’OCDE qui cherche à mettre en place un mécanisme d’échange d’informations fiscales entre pays. Qui plus est, la Suisse réclame en contrepartie un plus grand accès aux marchés financiers britanniques, un règlement de la question de l’utilisation de données fiscales volées ainsi que l’impossibilité de criminaliser les activités des banques et de leurs employés ! (idem avec l’Allemagne)
Comme nous l’avions montré dès 2006 avec Ronen Palan (et encore plus en 2010 ici), le Royaume-Uni est le premier paradis fiscal mondial. Le remarquable tout récent livre de Nick Shaxson est venu en apporter de manière bien plus percutante la démonstration. Après une phase coopérative de lutte contre les paradis fiscaux à la fin du gouvernement travailliste de Gordon Brown, la coalition actuelle dirigée par les conservateurs renoue avec la stratégie parasite qui est depuis longtemps celle du Royaume-Uni.
40 % des cadres partent en vacances en hiver au moins un an sur deux contre 9 % des ouvriers.
65 % des Français ne partent jamais en vacances l’hiver (de début décembre à fin mars) selon l’enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français Un désir de renouveau des vacances d’hiver réalisée par le Credoc. A titre de comparaison, 30 % indiquent ne pas partir pendant les vacances d’été. Partir régulièrement l’hiver est une norme très peu répandue : 17 % des Français partent régulièrement, tous les ans (10 %) ou une année sur deux (7 %).
Qui part au ski ?
Les vacances d’hiver regroupent toutes sortes de congés, du Noël en famille dans la Creuse à la semaine de ski à Val d’Isère en février. Un peu moins de la moitié des partants vont skier au moins une année sur deux, soit environ 8 % de la population...
On est bien loin du quasi-rituel décrit par les journaux télévisés au travers de leurs reportages sur les Français dévalant les pistes enneigées, diffusés année après année. Seuls certains groupes - les cadres (40 %), les hauts [1] revenus (31 %), les diplômés du supérieur (33 %) et, dans une moindre mesure, les Franciliens (22 %) - plient bagages au moins un an sur deux à cette période de l’année. Même dans ces groupes aisés, partir entre début décembre et fin mars reste minoritaire.
Cette situation résulte notamment du prix prohibitif de ce type de congés, même si pour réduire les coûts, les salariés des grandes entreprises disposent parfois de soutien du comités d’entreprise, et d’autres utilisent leurs réseaux familiaux ou d’amis. Mais voyager en hiver s’inscrit aussi dans le cadre d’une vie sociale, culturelle et sportive plus foisonnante qu’en moyenne. On part d’autant plus en hiver qu’on a, de façon générale, l’habitude d’aller au cinéma, de rencontrer fréquemment ses amis ou que l’on pratique régulièrement un sport. Réservés à des populations aisées et friandes d’activités en tout genre, les voyages hivernaux constituent donc, encore plus que les départs d’été, un signe de « distinction sociale ».
Proportion de personnes partant en hiver* selon la catégorie sociale Unité : %
Part en hiver au moins une fois tous les deux ans
Cadres et professions intellectuelles supérieures
40
Professions intermédiaires
29
Etudiants
21
Employés
15
Indépendants
15
Retraités
12
Au foyer
11
Ouvriers
9
Ensemble de la population
17
*Période allant de début décembre à la fin du mois de mars
Source : CREDOC, Enquête "Conditions de vie et Aspirations des Français". Année des données : 2010
Proportion de personnes partant en hiver* selon le revenu mensuel des foyers Unité : %
Part en hiver au moins une fois tous les deux ans
Supérieurs à 3 100 €
31
Entre 2 300 et 3 100 €
18
Entre 1 500 et 2 300 €
13
Entre 900 et 1 500 €
9
Inférieurs à 900 €
12
Ensemble de la population
17
*Période allant de début décembre à la fin du mois de mars
Source : CREDOC, Enquête "Conditions de vie et Aspirations des Français". Année des données : 2010
Egyptian president stands down and hands over power to the Supreme Council for the Armed Forces.
By Al Jazeera
February 11, 2011 "Al Jazeera" -- Hosni Mubarak, the Egyptian president, has resigned from his post, handing over power to the armed forces.
Omar Suleiman, the vice-president, announced in a televised address that the president was "waiving" his office, and had handed over authority to the Supreme Council of the armed forces.
Earlier, massive crowds have gathered across Egypt, including hundreds of thousands of protesters in and around Cairo's Tahrir [Liberation] Square, calling for Mubarak to stand down.
Pro-democracy activists in the Egyptian capital also marched on the presidential palace and state television buildings on Friday, the 18th consecutive day of protests.
Anger at state television
At the state television building, thousands have blocked people from entering or leaving, accusing the broadcaster of supporting the current government and of not truthfully reporting on the protests.
"The military has stood aside and people are flooding through [a gap where barbed wire has been moved aside]," Al Jazeera's correspondent at the state television building reported.
He said it was not clear if they planned to storm the building, but said that "a lot of anger [was] generated" after Mubarak's speech last night, where he repeated his vow to complete his term as president.
"The activity isn't calm, but there are a lot of people here who are tired of not having their demands met," he said.
Egyptian state television announced on Friday evening that an "urgent" televised message from the presidential palace was due "shortly".
'Gaining momentum'
Outside the palace in Heliopolis, where at least ten thousand protesters had gathered in Cairo, another Al Jazeera correspondent reported that there was a strong military presence, but that there was "no indication that the military wants to crack down on protesters".
She said that army officers had engaged in dialogue with protesters, and that remarks had been largely "friendly".
Tanks and military personnel had been deployed to bolster barricades around the palace.
Our correspondent said the crowd in Heliopolis was "gaining momentum by the moment", and that the crowd had gone into a frenzy when two helicopters were seen in the air around the palace grounds.
"By all accounts this is a highly civilised gathering. people are separated from the palace by merely a barbed wire ... but nobody has even attempted to cross that wire," she said.
As crowds grew outside the palace, Mubarak left Cairo on Friday for the Red Sea resort of Sharm al-Shaikh, according to sources who spoke to Al Jazeera.
In Tahrir Square, hundreds of thousands of protesters gathered, chanting slogans against Mubarak and calling for the military to join them in their demands.
Our correspondent at the square said the "masses" of pro-democracy campaigners there appeared to have "clear resolution" and "bigger resolve" to achieve their goals than ever before.
However, he also said that protesters were "confused by mixed messages" coming from the army, which has at times told them that their demands will be met, yet in communiques and other statements supported Mubarak's staying in power until at least September.
Army statement
In a statement read out on state television at midday, the military announced that it would lift a 30-year-old emergency law but only "as soon as the current circumstances end".
The military said it would also guarantee changes to the constitution as well as a free and fair election, and it called for normal business activity to resume.
Many protesters, hoping for Mubarak's resignation, had anticipated a much stronger statement.
Al Jazeera's correspondent in Tahrir Square said people there were hugely disappointed and vowed to take the protests to "a last and final stage".
"They're frustrated, they're angry, and they say protests need to go beyond Liberation [Tahrir] Square, to the doorstep of political institutions," she said.
Protest organisers have called for 20 million people to come out on "Farewell Friday" in a final attempt to force Mubarak to step down.
Alexandria protests
Hossam El Hamalawy, a pro-democracy organiser and member of the Socialist Studies Centre, said protesters were heading towards the presidential palace from multiple directions, calling on the army to side with them and remove Mubarak.
"People are extremely angry after yesterday's speech," he told Al Jazeera. "Anything can happen at the moment. There is self-restraint all over but at the same time I honestly can't tell you what the next step will be ... At this time, we don't trust them [the army commanders] at all."
An Al Jazeera reporter overlooking Tahrir said the side streets leading into the square were filling up with crowds.
"It's an incredible scene. From what I can judge, there are more people here today than yesterday night," she said.
Hundreds of thousands of protesters havehered
in the port city of Alexandria [AFP]
"The military has not gone into the square except some top commanders, one asking people to go home ... I don't see any kind of tensions between the people and the army but all of this might change very soon if the army is seen as not being on the side of the people."
Hundreds of thousands were participating in Friday prayers outside a mosque in downtown Alexandria, Egypt's second biggest city.
Thousands of pro-democracy campaigners also gathered outside a presidential palace in Alexandria.
Egyptian television reported that large angry crowds were heading from Giza, adjacent to Cairo, towards Tahrir Square and some would march on the presidential palace.
Protests are also being held in the cities of Mansoura, Mahala, Tanta, Ismailia, and Suez, with thousands in attendance.
Violence was reported in the north Sinai town of el-Arish, where protesters attempted to storm a police station. At least one person was killed, and 20 wounded in that attack, our correspondent said.
Anger at Mubarak statement
In a televised address to the nation on Thursday, Mubarak said he was handing "the functions of the president" to Vice-President Omar Suleiman. But the move means he retains his title of president.
Halfway through his much-awaited speech late at night, anticipation turned into anger among protesters camped in Tahrir Square who began taking off their shoes and waving them in the air.
Immediately after Mubarak's speech, Suleiman called on the protesters to "go home" and asked Egyptians to "unite and look to the future."
Union workers have joined the protests over the past few days, effectively crippling transportation and several industries, and dealing a sharper blow to Mubarak’s embattled regime.
À Dakar, des étudiants et lycéens viennent de lancer un ultimatum au président Abdoulaye Wade, et commencent une grève de la faim. Ils sont plus de 500 bacheliers à ne pas avoir été inscrits à l’université, faute de place. Un mouvement qui émerge sur fond de grogne sociale face à un État de plus en plus défaillant.
« L’exemple tunisien n’est pas à écarter si l’État ne réagit pas dans les 72 heures ». L’ultimatum est lancé par un groupe d’étudiants qui parcourent les amphithéâtres du Forum social, pour annoncer le démarrage d’une grève de la faim « illimitée ». La raison de leur colère : quelques centaines d’élèves bacheliers qui n’ont pas été « orientés », c’est-à-dire inscrits à l’université. Comme Famara Amaye Coly, 22 ans, originaire de Casamance. Tout juste bachelier, il attend depuis trois mois son inscription en fac de géographie. Comme les autres, il a fait trois choix d’orientation après le bac. Mais aucun département de l’université n’a répondu. Avec quelques jeunes dans sa situation, il s’est installé dans un couloir de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar pour entamer une grève de la faim.
Ils sont une soixantaine à mener cette action, explique Aliou Goudiaby, étudiant de 26 ans en master de géographie, « mais 500 jeunes sont concernés, sur les quelques dizaines de milliers qui sont inscrits à l’université ». Pour Aliou, difficile de connaître les raisons de cette non-inscription. « Il n’y pas de critères, c’est totalement arbitraire. Ce ne sont pas les premiers arrivés, ou ceux qui ont eu des meilleures notes, qui sont inscrits. On ne sait pas comment est fait ce choix. » Une certitude : l’université peine à suivre l’augmentation croissante du nombre d’étudiants. « On a construit plus de 50 nouveaux lycées dans le pays, mais les facs n’ont pas suivi. » Du coup, l’université manque de moyens. « Les amphithéâtres sont pleins à craquer, certains profs n’ont même pas de place pour écrire. Il faut se lever à 6h pour avoir une place dans un cours à 8h, s’indigne Aliou. Beaucoup d’étudiants sont assis par terre, d’autres doivent prendre des notes debout pendant 2 heures. Et quelquefois, on n’entend même pas ce que dit le prof. »
« Nous sommes en tractation depuis trois mois, témoigne Cheikh Coly, 24 ans, membre d’un petit syndicat étudiant. Nous avons rencontré le ministre de l’Éducation, le médiateur et le recteur de l’Université. Mais nous n’avons toujours pas de réponse. » Les bacheliers en attente d’inscription ont déjà trois mois de cours de retard. Et les examens commencent bientôt. « Mais l’État sénégalais fait la sourde oreille, s’emporte Diouma Sene, 22 ans, étudiante en lettres et sciences humaines et l’une des leaders du mouvement. « Comme le Forum social est un espace de liberté, on veut en profiter pour dire aux citoyens du monde entier qu’une injustice est commise ici. » Pour elle, pas question de lâcher l’affaire. Chaque année, des jeunes sont privés d’inscription à l’université. « Tous ceux ici, en grève de la faim, sont issus du bas-peuple. Parce que nous sommes fils de paysans, habitant loin de Dakar, nous ne sommes pas orientés. Par cette grève de la faim, nous avons choisi de nous faire violence nous-mêmes, pour ne pas être violents envers les autres. »
Pendant le Forum social, Diouma a participé à un atelier sur le droit à l’éducation. « Ça m’a beaucoup touché, c’est un droit qui n’est pas respecté ici. C’est pour cela que nous allons aller jusqu’au bout de notre combat ». À côté d’elle, un représentant de l’université est pris à partie par un groupe d’étudiants. Des secouristes emmènent un des grévistes. Aliou intime à chacun de rester couché, « parce qu’une grève de la faim, ça ne se fait pas debout ». Une discipline que certains semblent avoir du mal à intégrer. Quelques-uns affirment être inspirés par les exemples tunisiens et égyptiens. « En Tunisie, il y a eu une immolation, explique calmement Diouma. S’il faut mourir, on le fera. » Autour d’elle, les jeunes acquiescent : « Être orientés ou mourir ».
Une assemblée des « sans-voix » – petits paysans, habitants des quartiers populaires, femmes du monde rural – s’est tenue dans la banlieue de Dakar. Une manière d’ouvrir, un peu, le Forum social mondial aux populations les plus pauvres et les plus touchées par la crise.
« À bas les dirigeants corrompus ! », « Non à la spéculation foncière ! », « La banlieue a droit à un habitat sain et à l’énergie ». Les banderoles accrochées le long du centre culturel de Guédiawaye, dans la périphérie de Dakar, sont sans équivoque. C’est ici, à 45 minutes de bus du centre-ville, que les « No Vox », un réseau regroupant mal logés et précaires du monde entier, rencontrent les « sans-voix » de la banlieue de Dakar. « Nous sommes ici pour que les habitants de banlieue, qui n’ont pas forcément accès au forum, puissent venir échanger idées et expériences », explique Franck, militant camerounais de la Coalition internationale des habitants. « Les gens de la banlieue ne viennent pas au forum. C’est loin, ça coûte cher, au moins deux bidons d’eau », poursuit Annie Pourre, membre du réseau No Vox et d’Attac en France, qui se bat depuis dix ans pour que le grand rassemblement altermondialiste ne soit pas seulement réservé à une élite de militants aguerris, de permanents associatifs et d’experts. Elle est arrivée au forum avec une des onze caravanes de « sans », parties de Rabat, de Bamako ou de Ouagadougou. « L’autre monde, on veut le construire avec ceux qui souffrent », insiste Sidiki Daff, enseignant dans un lycée de banlieue et membre du Centre de recherche populaire pour l’action citoyenne (Cerpac).
Des femmes d’un « comité de base » local préparent sandwichs et cafés « touba », un café agrémenté de clous de girofle, pour leurs hôtes. Ceux qui souffrent sont bien ici : maraîchères, petits paysans, « déguerpis » (les expropriés de leur logement ou de leur terre), une poignée de jeunes du quartier poussés par la curiosité... « Je suis entré à No Vox quand ils ont détruit ma maison », raconte Alkaly Kante, chauffeur de taxi à Bamako, au Mali. « Le géomètre s’est accaparé ma parcelle avec un faux titre de propriété. Lui a pu prendre un avocat, pas moi. » Les femmes Guédiawaye dressent la liste des problème auxquels est confrontée leur banlieue : les coupures d’électricité, l’eau qui « n’est pas bonne à boire », les routes défoncées et la corruption, qui existe « en pagaille ici ». L’augmentation des denrées de base commence à peser. « Il y a deux ans, le sac de riz de 30 kg était à 15 euros. Aujourd’hui, c’est le double. Le pain a augmenté de 25% », détaille Sidiki Daff. « Et chaque année depuis dix ans l’eau augmente de 3%. » Sans être devenue potable pour autant. C’est le groupe Bouygues qui, en tant que propriétaire de la Société des eaux sénégalaises, gère la distribution d’eau à Dakar.
À la tribune, les témoignages de toute l’Afrique de l’Ouest se succèdent. Une maraîchère décrit son combat pour préserver sa parcelle face à la spéculation immobilière. Une autre évoque les difficultés d’emprunt auxquelles sont confrontées les femmes en milieu rural où la spéculation foncière vient s’ajouter au droit coutumier favorable aux hommes. « Je propose qu’on réduise les taux d’intérêt pour les femmes qui s’organisent en coopérative d’habitat », lance-t-elle. Dans la salle, des paysannes suivent les débats l’oreille collée à un petit poste radio, par lequel passe la traduction en bambara ou en wolof.
On est loin des grandes réunions sur le contre-sommet du G20, la préparation de « Rio +20 » (le prochain sommet de la Terre en 2012) ou la future mobilisation « anti-impérialiste ». « Ici les gens s’expriment avec leur langage, leur imaginaire. Parler crise financière ou crise globale, c’est une abstractions pour eux, c’est un discours excluant », explique Sidiki Daff. « On ne peut pas demander à ces hommes et femmes en lutte d’aller aussi vite dans l’analyse que les experts. Un paysan qui est exproprié de sa terre comprend parfaitement un citadin qui est expulsé de son logement. Mais il faut donner le temps à ces convergences, et obtenir des victoires concrètes », ajoute Annie Pourre.
Ce décalage est loin d’être spécifique à l’Afrique. « Nous avons choisi de créer No Vox, parce qu’au premier Forum social européen (à Florence, en Italie, en 2003), nous nous sommes aperçus qu’il y avait peu d’acteurs des luttes concrètes, ne serait-ce que pour y témoigner. » Les « sans » doivent donc aussi se battre pour avoir leur place au Forum, et surtout pour que le forum aille vers eux, dans les villes où il se tient. Les dalits, les intouchables, étaient présents en nombre au Forum social de Bombay en Inde, les peuples autochtones amazoniens étaient largement représentés à celui de Belém. Mais Sidiki Daff et Annie Pourre regrettent le manque d’empressement du comité d’organisation pour soutenir ces assemblées délocalisées en banlieue. « Alors que les paysans ici parlent de la terre de manière extraordinaire. À l’intérieur du Forum, trop souvent ils ne sont pas considérés comme des personnalités qualifiées », déplore Annie. La démarche n’a pas été soutenue. Ces réseaux de paysans ou de mal logés ont dû tout payer, comme n’importe quelle organisation non gouvernementale au budget conséquent. « Le comité d’organisation, ce sont essentiellement des ONG, c’est l’aristocratie associative. Leur programme, c’est celui des bailleurs de fonds. Elles se positionnent là où il y a des sous », critique Sidiki Daff.
Partir des luttes concrètes n’empêche pas d’initier une réflexion globale. Dans la salle, on aborde la question de l’eau, qui se pose crûment dans les campagnes. « Les gens qui demandent que l’accès à l’eau soit un droit n’ont pas la force politique et financière de ceux qui veulent en faire une marchandise », explique une militante québécoise. Rajah, une jeune marocaine, raconte la lutte d’un village exproprié suite à l’accaparement de la nappe phréatique par une entreprise d’eau minérale. Au Sénégal ou au Mali, les « branchements sociaux » au réseau de distribution d’eau ne sont pas assez nombreux. Davantage de familles que prévues s’y alimentent. Résultat : les quotas soumis à une tarification sociale – les 30 premiers m3 – sont vite épuisés et l’eau supplémentaire est surtaxée. Pour les participants, une gestion publique et citoyenne de la ressource s’impose donc. Solange Koné, une assistante sociale venue de Côte d’Ivoire, prend la parole : « Nos États vivent sous le poids de la dette. Si on ne permet pas à nos pays de mettre de l’argent dans le social, nos revendications ici resteront un vœu pieux. Il faut annuler la dette ! » Petits paysans, maraîchères et « déguerpis » applaudissent.
Sous la pression des manifestants, l'ex-président égyptien s'était réfugié ce matin avec sa famille dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh, dans le Sinaï. Son vice-président Omar Souleimane prend la suite, chapeauté par l'armée.
Hosni Moubarak a fui. Le vice-président Omar Souleimane a annoncé la démission de Hosni Moubarak de la présidence de l'Egypte. Le numéro deux prend la suite. Mais l'avenir de l'ancien chef des services secrets égyptiens à la tête du pays n'est vraiment pas assuré depuis son intervention à la télévision jeudi soir, dans laquelle il demandait aux manifestants de rentrer chez eux. "Moubarak, Souleimane, dégagez", criaient ce matin les manifestants sur la place Tahrir.
Ce vendredi matin, Hosni Moubarak avait quitté Le Caire en compagnie de sa famille pour se réfugier dans l'une de ses résidences, dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh, dans le Sinaï. Le nouvel ex-président, qui s'accrochait au pouvoir encore jeudi soir lors d'une allocution télévisée, a pour la première fois fait directement face à la pression des manifestations monstres demandant son départ, manifestations qui regroupent plus d'un millions de personnes à travers le pays. L'avenir de Moubarak avait été annoncée un peu plus tôt par la démission de Hossam Badrawi. Connu pour être plus ouvert à l'opposition que les caciques du parti, le secrétaire général du parti au pouvoir a cédé son poste, estimant que sa tâche était remplie, la délégation des pouvoirs de Moubarak à Souleimane ayant été achevée.
L'armée garde les commandes. L'armée égyptienne a annoncé ce vendredi matin qu'elle se portait garante des réformes promises par le président Hosni Moubarak, en appelant à un retour à la normale dans le pays et en mettant en garde contre toute atteinte à la sécurité de l'Egypte. Dans "le communiqué numéro deux" du conseil suprême des forces armées, lu à la télévision publique par un présentateur, l'armée a également assuré qu'elle garantirait des "élections libres et transparentes", au lendemain de l'annonce par Hosni Moubarak, qu'il déléguait ses prérogatives à son vice-président.
Le conseil de défense assure qu'il garantira la tenue d'"élections présidentielles libres et transparentes à la lumière des amendements constitutionnels décidés" et "met en garde contre toute atteinte à la sécurité de la nation et des citoyens". Il souligne enfin "la nécessité d'un retour au travail dans les établissements de l'Etat et le retour à la vie normale".
Explosion de joie partout en Egypte. Le million de personnes qui manifestaient contre le raïs à travers le pays a explosé de joie vers 17 heures 30 à l'annonce de la démission de Hosni Moubarak. "Le peuple a fait tomber le régime! le peuple a fait tomber le régime!", scandait une foule en délire sur la place Tahrir du Caire, devenue symbole du mouvement de contestation déclenché le 25 janvier contre M. Moubarak, qui a fait selon des bilans non confirmés, au moins 300 morts. Les manifestants hurlaient de joie et agitaient des drapeaux égyptiens. Certaines personnes se sont évanouies sous le coup de l'émotion.
Plus de trois mille personnes avaient auparavant manifesté devant la principale résidence de l'ex-président Moubarak, dans le quartier de Héliopolis. Près de 2.000 manifestants se trouvaient également à l'extérieur du bâtiment de la télévision d'Etat, sur les rives du Nil, près de la place Tahrir, où des centaines de milliers s'étaient rassemblés au dix-huitième jour d'une révolte populaire sans précédent contre Hosni Moubarak. "Trente ans après, on est fatigué de l'écouter, tout ce qu'on veut entendre, c'est qu'il va partir", demandait ce matin Mohammad Ibrahim, un instituteur de 42 ans venu d'Alexandrie (nord), la deuxième ville du pays. "Nous espérons qu'il y aura suffisamment de monde pour convaincre l'armée de le pousser à partir", expliquait-il. Son voeu est exaucé.
Un mort à Al-Arich. Une personne a été tuée et 20 blessées lors de heurts à Al-Arich, dans le Sinaï égyptien, entre manifestants et policiers, selon un responsable des services de sécurité. Le manifestant a été tué lors d'un échange de tirs entre policiers et protestataires qui tentaient de libérer des détenus dans un poste de police. Selon des témoins, un millier de manifestants ont lancé des bombes incendiaires sur le poste de police et mis le feu à des véhicules. Les manifestations anti-gouvernementales ont été déclenchées le 25 janvier et ont fait au moins 300 morts.
A beleaguered Silvio Berlusconi is due to meet the president, Giorgio Napolitano, for urgent talks on Friday as tensions grew between his supporters and opponents over the prospect of his being committed to trial on sex charges.
The prime minister claimed in an interview he was the target of an attempt to oust him by undemocratic means. But any hopes he may have had of getting his position endorsed by the head of state were dashed when Napolitano pointedly remarked that Italy's constitution included "the guarantees for a fair trial".
Demonstrations are to be held on Sunday in 257 Italian and foreign cities, including London and New York, in defence of the dignity of Italy's women. The slogan for the rallies comes from the title of Primo Levi's novel of wartime resistance, If Not Now, When?
Followers of the prime minister are planning to take to the streets of Milan on Saturday. On Thursday about 100 Berlusconi supporters, led by a junior minister in his rightwing government, staged a protest outside the courthouse in Milan where Berlusconi may be tried. Some carried placards reading "Silvio must resist, resist, resist".
A judge in Milan is expected to rule next week on an application from prosecutors for the prime minister's indictment on charges of paying a juvenile prostitute and abusing his official position to cover up what he had allegedly done.
Investigators have compiled almost 800 pages of evidence to support their claim that Berlusconi hosted sex parties at his home outside Milan, several of which were attended by a 17-year-old Moroccan runaway, Karima el-Mahroug.
They also accuse him of bringing pressure to bear on the police to release el-Mahroug, also known as Ruby, when she was detained on suspicion of theft last May. Berlusconi denies any wrongdoing and described the charges as ridiculous in an interview with the daily Il Foglio.
The prime minister lashed out against his detractors, accusing them of trying to stage a moral coup. In an apparent warning that he would call an election if put on trial, he told the paper's editor, Giuliano Ferrara: "In a democracy, the judge of last instance, when it is a matter of deciding who governs, is the electorate and, with it, the parliament."
Napolitano told representatives of the body that oversees the judiciary that the constitution struck the necessary balance between the various arms of government.
"Outside that framework, lie only the temptation to [provoke] institutional conflicts and media campaigns that cannot lead anyone to truth and justice."
On Thursday night Ferrara, who was once the prime minister's spokesman, was given almost six minutes on the flagship news bulletin of the state-owned RAI network to accuse Berlusconi's opponents of trying to remove him by extra-parliamentary means. He warned: "There are elements of a civil war that must be contained."
Berlusconi hinted to Il Foglio that he was considering reintroducing parliamentary immunity, which was abolished in 1993.
His foreign minister, Franco Frattini, suggested Berlusconi might appeal to the European court of human rights against the wiretapping that provided much of the evidence against him.
A disastrous week for the government worsened overnight when one of its most vaunted achievements was put in jeopardy. More than 850 illegal migrants landed on the southern island of Lampedusa. Over a thousand have arrived since Wednesday.
Berlusconi has repeatedly claimed to have put at stop to the trafficking of migrants from Libya by means of a deal with the country's leader, Colonel Muammar Gaddafi.
The disturbances across north Africa appear to have opened up a new route from Tunisia. Eleven vessels entered Italian territorial waters during the night. Another two were reportedly on their way.
'An arrogant elite'
Extracts from Silvio Berlusconi's interview with the daily Il Foglio:
"Sometimes I, like everyone, am a sinner. But the moralising justice that is brandished at me is to 'go beyond' me ... to put into a [position of] power, by means of an anti-juridical use of the law and legality, the ideas of culture and civilisation of an elite that considers itself to be without sin. It is scandalous. It is illiberalism in its pure form. Those who preach a republic of virtue, using Jacobin and puritan language, have in mind an authoritarian democracy: the opposite of a system founded on freedom ... [they maintain that Italy] must be freed of Berlusconi, bypassing the electoral will of the Italians who, according to this arrogant and anti-democratic elite, are all idiots.
"So an 'extra-parliamentary' initiative is needed to destroy the political sovereignty that the people are not worthy of exercising. There is a widespread awareness of a soft coup d'etat [in the making]."
La réorganisation du travail dans la fonction publique en général et dans le secteur social en particulier, avec des méthodes issues du privé, est très inquiétante. Nous publions ici l’analyse d’une assistante sociale qui revient sur son expérience et raconte comment le sens qu’elle donne à son métier se trouve détourné. Elle explique notamment comment l’aide qu’elle offre risque de se limiter de plus en plus à « accueillir pour accueillir » tandis que les usagers sont soumis à des obstacles croissants pour avoir accès à leurs droits.
Nous sommes désormais soumis à des règles de management, de démarches qualité, performances…qui risquent de modifier nos pratiques et le sens du travail social. L’évolution des statistiques marque d’ailleurs une volonté de quantifier notre activité au détriment du qualitatif et ne révèle pas l’aspect du travail réel, dont toute une partie est ignorée. La relation de confiance par exemple, ne se construit pas en un entretien et ne se traduit pas en cochant une case « écoute-soutien+++ ». Ces statistiques, qui se résument à des problématiques repérées et à des interventions réalisées, ne font pas apparaître le travail d’évaluation, inhérent à notre métier et qui nécessite un temps de réflexion après les entretiens.
Elles font aussi l’impasse sur le temps passé à actualiser nos connaissances, indispensable pour remplir pleinement notre mission d’accès aux droits. Il faut, par exemple, acquérir des connaissances juridiques pour accompagner un étranger dans un recours contre un refus de prestations familiales pour son enfant entré en France hors regroupement familial, ou de RSA parce qu’il n’a pas 5 ans de séjour régulier. Cela demande du temps mais obtenir gain de cause dans ces batailles offre des victoires appréciables et contribue à faire changer la loi.
L’informatisation m’inquiète également, le logiciel installé dans quelques services s’est montré inadapté et a changé les pratiques de certains collègues qui, pour aller plus vite, saisissent les informations directement pendant l’entretien et sont passés du face à face à une relation où l’écran s’interpose, ce qui modifie le rapport aux personnes. Les informations à rentrer sont nombreuses et les cases parfois impossibles à renseigner. Cette informatisation, qui devait faciliter le travail, l’alourdit et prend du temps. Les logiques de rentabilité dans les métiers du social
Ce temps justement nous manque d’autant plus que la priorité de nos supérieurs hiérarchiques semble être l’accueil. Un accueil de masse, rapide, alors que le travail social ne se résume pas à accueillir pour accueillir. Cette tendance nous amène à agir davantage dans l’urgence, d’autant plus dans un contexte de casse des acquis sociaux et d’appauvrissement des politiques sociales. Ce contexte génère en effet une augmentation des inégalités et du nombre de personnes qui viennent au service social sans que des moyens supplémentaires nous soient donnés.
Les visites à domicile, les accompagnements physiques se raréfient faute de temps. Or, souvent, dans ces moments hors du bureau, la relation se construisait, des sujets jusqu’alors tus étaient abordés. Face à l’urgence, on ne prend pas le temps, par exemple, de découvrir une demande déguisée. Je me souviens, à mes débuts, de cette dame qui venait régulièrement demander une aide financière. L’accompagnement sur le long terme avait permis de révéler un grave problème conjugal et, au final, de faire avancer la situation. Dans l’urgence, seule la demande d’aide financière aurait été instruite. Or, le nœud du problème n’était pas là.
J’ai quitté la polyvalence lorsque je me suis aperçue que je n’étais plus dans l’écoute et dans l’évaluation. Face à une demande particulière d’un usager, je pressentais parfois qu’il y avait d’autres difficultés à résoudre mais je passais outre parce que je devais recevoir juste après un couple qui risquait de se faire expulser avec ses enfants et encore après d’autres situations toutes aussi dures. Je n’étais plus disponible pour une écoute attentive et recevoir en urgence me faisait violence. Je devenais parfois agressive et fermée, une façon de me protéger qui me culpabilisait.
Je pense qu’il y a une souffrance spécifique au secteur social parce que la plupart des travailleurs sociaux s’y sont engagés avec des valeurs, une volonté de lutter contre les injustices sociales et économiques. Or, nous ne sommes plus dans cette optique là et nous participons même à une violence institutionnelle faite aux familles, comme demander des aides financières à l’ASE pour payer un hôtel insalubre, tolérer qu’elles soient ballottées d’une structure d’urgence à une autre ou condamnées à la rue parce que le 115 ne répond plus ou que le département refuse de financer des nuitées d’hôtel pour des raisons de contraintes budgétaires. Je n’ai pas choisi de faire ce métier pour cela.
J’aimais la polyvalence de secteur en raison de la richesse des situations rencontrées, des interventions et du partenariat sans cesse développé. Je l’ai pourtant quitté pour un poste dans lequel je ne reçois plus de public, non pour le fuir mais pour échapper à la violence du système qui vulnérabilise les personnes et pour m’éloigner de cette hiérarchie qui nous accablait d’injonctions paradoxales et ne faisait pas remonter nos difficultés. Je rentrais le soir avec des situations en tête, l’impression de bricoler sans cesse et une insatisfaction permanente.
Face à cette société qui brise les personnes et face à une hiérarchie qui me disait que mon rôle n’était pas de trouver des solutions mais d’accueillir, je n’ai pas tenu. Pourtant, j’ai eu la chance d’avoir à une époque une responsable qui nous soutenait mais sa remplaçante, loin de nous épauler, ne semblait avoir d’intérêt que pour l’accueil du public, la gestion des planning pour les congés et les urgences ; la réflexion sur le sens du travail n’était plus de mise. Alors, je suis partie. C’était une question de survie, il m’était devenu impossible de me battre au côté des personnes pour trouver des solutions bancales et en plus de me battre contre ma hiérarchie. Les personnes ne sont plus prises là où elles en sont
Mon poste actuel m’amène à travailler avec des résidences sociales. Là encore, le travail social m’interroge. Je trouve assez terrible ce que les personnes doivent traverser pour y entrer. Perçues comme des candidats, elles doivent se prononcer sur l’accompagnement social, dire ce qu’elles en attendent, s’inscrire dans un projet d’insertion professionnelle et sociale alors qu’elles sont dans d’extrêmes difficultés. Elles passent des entretiens, vécus parfois comme des interrogatoires, leur candidature est examinée dans des instances réunissant divers partenaires et leur situation est discutée parfois sans aucune précaution sur le partage d’informations et le respect de la vie privée. Si des informations manquent, la famille doit repasser un entretien.
L’approche s’est inversée : les personnes ne sont plus prises là où elles en sont, telles qu’elles sont ; elles doivent au contraire anticiper, prouver qu’elles sont autonomes mais pas trop, montrer qu’elles adhérent à un accompagnement social rendu obligatoire, affirmer leur volonté d’insertion. Elles n’ont parfois qu’un problème de logement mais vont justifier qu’elles ont besoin d’un suivi alors qu’elles ont avant tout besoin d’un toit.
Aujourd’hui, les contraintes dans le travail social sont telles qu’il est difficile de résister pour ne pas être de simples exécutants. C’est pour cela que je me suis lancée dans des luttes collectives, des engagements politiques et syndicaux. Nous sommes par exemple plusieurs à nous battre pour obtenir de notre direction de vrais collectifs de travail entre assistants sociaux afin de réfléchir au sens de notre métier, aux moyens nécessaires pour exercer nos missions. La résistance par les mots
Cela pourrait être aussi l’occasion de revisiter les mots qui accompagnent l’idéologie dominante. Avoir abandonné le terme d’exploité pour celui d’exclu permet d’occulter l’exploiteur, or, à mon avis, le travailleur social n’accompagnera pas de la même manière quelqu’un qu’il perçoit comme un malchanceux qui s’est peut-être mis lui même en dehors du système – l’exclu – ou une personne exploitée qu’il s’agit d’accompagner pour faire valoir ses droits face, par exemple, à un employeur qui ne les respecte pas.
La notion de « mixité sociale » semble aller de soi pour beaucoup d’entre nous alors qu’elle transforme les inégalités sociales et économiques en problème uniquement spatial, comme si le fait de « déconcentrer » les pauvres réglerait les problèmes en occultant celui de la répartition des richesses. Je le constate dans ma pratique : cette notion de « mixité sociale » sert toujours d’alibi pour refuser un public indésirable. Présenter l’économie de marché comme « incontournable », participe à nous laisser croire qu’une transformation révolutionnaire de la société n’est qu’utopie : devrions-nous nous résigner à subir un système économique inégalitaire ?
Nous pensons avec les mots et si nous changeons les mots, nous penserions et agirions autrement, en tant que personne mais aussi en tant que travailleurs sociaux. C’est, à mes yeux, une forme de résistance.
P.-S.
Solange est assistante sociale au sein d’un Conseil général. Le prénom a été modifié.
Uma das piores armadilhas construída na mitologia contemporânea do progresso é a noção de que o caminho para sair de qualquer dificuldade é continuar a andar pelo mesmo caminho, e fazê-lo ainda mais depressa.
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