Le président égyptien a ré-expliqué ce jeudi soir à la télévision égyptienne qu'il restera au pouvoir. L'opposition, qui croyait en sa démission, appelle à une mobilisation encore plus importante pour cette journée de vendredi.
Hosni Moubarak s'est enferré dans son aveuglement ce soir en annonçant à la télévision égyptienne, ce jeudi soir, qu'il resterait au pouvoir. "Je vais endosser mes responsabilités" jusqu'à des "élections libres" en septembre prochain. Le président égyptien, qui n'a pas démissionné, a cependant laché un peu de lest: "J'ai décidé de déléguer mes pouvoirs au vice-président conformément à ce que dit la Constitution." Ce dernier, Omar Souleiman, a ensuite appelé les manifestants à rentrer chez eux, s'engageant à "préserver la sécurité" et la "révolution des jeunes".
Le Raïs a pris à contrepied toutes les rumeurs et les déclarations qui se sont multipliées avant son intervention. L'armée avait annoncé qu'elle examinait les "mesures" nécessaires "pour préserver la nation" et "appuyer les demandes légitimes du peuple", faisant vaciller le régime déjà fortement fragilisé de M. Moubarak, au pouvoir depuis 1981. A Washington, le directeur de la CIA Leon Panetta avait jugé "fort probable" le départ prochain du raïs estimant qu'Omar Souleimane était le remplaçant vraisemblable du président Moubarak.
Á la BBC Arabic, le secrétaire général du parti au pouvoir, Hossam Badrawi a déclaré "qu'il s'attendait à ce que le président réponde aux revendications du peuple parce que ce qui lui importe à la fin c'est la stabilité du pays, le poste ne lui importe pas actuellement". Interrogé sur une éventuelle apparition du président Moubarak vendredi pour annoncer une décision à ce sujet, le secrétaire général du parti a indiqué: "cela pourrait être avant cela". Selon la chaîne américaine NBC news, Moubarak quittera le pouvoir ce soir, et Omar Souleiman, le vice-président, prendrait sa succession.
Ambiance survoltée place Tahrir
Après le discours de Hosni Moubarak, les manifestants de la place Tahrir du Caire étaient furieux, certains brandissant des chaussures en signe de colère. Cette colère tranche avec l'ambiance survoltée, après des rumeurs faisant état d'une démission imminente du président Hosni Moubarak. Les manifestants scandaient alors "L'armée et le peuple sont unis" ou encore "A bas Moubarak". Alors que l'armée égyptienne a annoncé dans un communiqué examiner les "mesures" nécessaires "pour préserver la nation" et "pour appuyer les demandes légitimes du peuple", aucun mouvement de troupes n'était enregistré aux abords de la place.
La foule continuait à affluer vers cette place devenue le symbole des manifestations réclamant, depuis plus de deux semaines, le départ de Moubarak.
Le fil de la journée
Au 17e jour du soulèvement contre Hosni Moubarak et malgré la menace du pouvoir de faire intervenir l'armée en cas de "chaos", les protestataires scandaient dès le petit matin "Le peuple veut faire tomber le régime", leitmotiv de la contestation.
"Alaa (fils aîné du président), dis à papa qu'un quart de siècle, ça suffit !", criaient-ils place Tahrir, occupée jour et nuit et devenue le symbole du mouvement. Selon notre envoyé spécial au Caire, de nouveaux panneaux ont fait leur apparition place Tahrir : "François Fillon, rembourse-nous l'argent du peuple !". Reportage à lire dans l'Humanité d'aujourd'hui. Beaucoup portaient des photos de "martyrs" tombés lors des violences qui ont fait environ 300 morts selon un bilan de l'ONU et Human Rights Watch depuis le début du mouvement.
Á Port-Saïd (nord-est), des manifestants ont saccagé le siège de la police, après en avoir fait de même la veille avec le gouvernorat. Environ 3 000 personnes venues du bidonville de Zizara ont envahi le bâtiment avant de mettre le feu à des véhicules de police et à des voitures personnelles de policiers. Les manifestants, qui vivent pour la plupart dans des cabanes en bois, réclament depuis 15 ans un logement décent.
Selon le groupe Human Rights Watch (HRW) et des militants égyptiens des droits de l'homme, des dizaines de manifestants sont détenus par l'armée. ->Á lire ici.
Des protestataires ont passé la nuit sur les deux bords de la chaussée menant au Parlement, et jeudi matin, les deux entrées de cette route étaient bloquées. "Non à Souleimane!", le vice-président (ex-chef des services secrets), "Non aux agents américains", "Non aux espions israéliens", "A bas Moubarak", scandaient-ils. Des centaines de manifestants avaient encerclé mercredi le Parlement et le siège du gouvernement, situés face à face dans le centre du Caire.
Le calme semblait être revenu jeudi à El Kharga, une ville à 400 km au sud du Caire, où cinq personnes, blessées la veille dans des heurts entre manifestants et policiers qui ont fait usage de balles réelles, sont décédées, selon des sources médicales. Il y a aussi eu une centaine de blessés.
Mardi, des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés place Tahrir au centre du Caire pour marquer la troisième semaine du mouvement de contestation sans précédent réclamant le départ du président Hosni Moubarak. ->Le reportage de notre envoyé spécial.
Lundi, de nombreux manifestants qui avaient encore campé dans la nuit sur la grande place du centre de la capitale ont été rejoints par un flux croissant d'autres protestataires qui refusent le dialogue engagé sous l'égide du vice-président Omar Souleimane par le nouveau gouvernement de Moubarak. "Je suis venu ici pour la première fois aujourd'hui parce que ce gouvernement est un échec. Moubarak rencontre toujours les mêmes visages répugnants. Il n'arrive pas à croire que c'est terminé. C'est un homme très borné", a confié Afaf Naged, un administrateur à la retraite de la Banque nationale d'Egypte. ->Le reportage de notre envoyé spécial.
Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme. Des heurts entre policiers et manifestants durant les premiers jours de la contestation, puis entre militants pro et anti-Moubarak le 2 février, ont fait au moins 300 morts, selon un bilan non confirmé de l'ONU, et des milliers de blessés, selon des sources officielles et médicales.
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