Ivan du Roy, Jean de Pena
Des quartiers sans électricité, sans eau potable, sans infrastructures. Tel est le calvaire que supportent au quotidien des milliers de banlieusards de Dakar. Reportage, en marge du Forum social, dans le quartier populaire de Medina Gounass, ravagé par les inondations.
« On dirait qu’on vit au Moyen Âge », soupire Hakim. Ce jeune technicien informatique habite la banlieue de Dakar, à Guédiawaye, un quartier périphérique totalement abandonné par l’État sénégalais. Les pistes de sable rouge y remplacent le goudron. Les « délestages », ces coupures de courant impromptues, y sont encore plus fréquentes et plus longues qu’en centre-ville. Gérée en dépit du bon sens, la société nationale d’électricité (Sonelec) est incapable d’approvisionner l’agglomération avec ses vieilles centrales au diesel alors que le pays regorge d’énergies renouvelables, le soleil en particulier. « L’eau du robinet n’est pas incolore, ni inodore, quand elle n’est pas pleine de nitrates », précise Sidiki Daff, professeur d’histoire et géographie et coordinateur des comités de quartier. Façon sobre de dire qu’il vaut mieux éviter de boire l’eau du robinet distribuée par une société privatisée.
Enfin, il y a les inondations. À chaque saison des pluies, de juin à septembre, elles ravagent l’arrondissement de Medina Gounass où vivent près de 50.000 habitants. Des rivières de boues enfouissent les maisons, emportent le goudron. Son maire-adjoint, Cheikh Dieye, nous y accueille. La rue principale, que surplombe une petite mairie décrépie, s’est muée en marécage permanent. Un jogger traverse un gué fait de pneus et de pierres. Des pompes fatiguées attendent le retour des pluies, solution illusoire pour tenter de limiter les dégâts. Des maisons se sont effondrées. Ici, la fenêtre du rez-de-chaussée est à moitié enterrée sous la boue. Là, des herbes hautes ont poussé dans une pièce devenue marais. « Le poste de santé, c’est là… », nous indique Cheikh Dieye. Sa main embrasse un vaste étang qui a recouvert le dispensaire et menace la mosquée. Le centre a été reconstruit un peu plus haut. Autour, des maisons sont marquées d’une croix rouge. Leurs habitants seront déplacés, « déguerpis » dit-on ici, vers un nouveau quartier, à dix kilomètres plus à l’Est.
Beaucoup refusent de partir de leur ville, née de l’exode rural il y a un demi-siècle. L’urbanisation sauvage de ces « quartiers irréguliers » a progressivement envahi des cuvettes où l’eau des pluies s’écoulaient naturellement. Canalisations et assainissements n’ont pas suivi. Les inondations ont commencé dans les années 80. Dans les ruelles, pas de caniveaux, encore moins d’égouts. Des trous sont creusés pour y déverser les eaux usées et les ordures ménagères. Les femmes balaient elles-mêmes les rues ensablées. « Les canalisations sont en cours », assure le maire-adjoint. Mais quand les travaux doivent-ils commencer ? « On n’a pas exactement la date », souffle-t-il. « Guédiawaye est une des communes les plus pauvres du Sénégal. Ce sont des investissements lourds. » Le Palais présidentiel, à quelques kilomètres de là, est aux abonnés absents. Et même si on y discute du « droit à la ville » et à ses infrastructures, le Forum social est loin, très loin. « Est-ce que vous pensez qu’une association d’inondés a les moyens de s’inscrire au forum ? », regrette Sidiki Daff. Une marche des habitants doit cependant y rallier l’assemblée des mouvements sociaux.
La situation sanitaire est déplorable. À la tombée du soir, les moustiques envahissent le quartier, apportant avec eux le paludisme. Les parasitoses intestinales, les infections respiratoires ou la dysenterie y sont fréquentes. « On en a marre ! », lance en wolof une passante. Mais en dépit du cloaque, la vie continue. Une école franco-arabe résonne des rires et des récitations d’enfants. Des menuisiers travaillent le bois à l’ombre de leurs échoppes. Un centre accueille des femmes victimes de violences ou jetées à la rue. Autour de la zone, mi-quartier populaire, mi-bidonville, les antennes relais pour la téléphonie mobile ont poussé. Bien plus vite que le réseau d’assainissement.
Photo : © Jean de Peña / Collectif à-vif(s)
Enfin, il y a les inondations. À chaque saison des pluies, de juin à septembre, elles ravagent l’arrondissement de Medina Gounass où vivent près de 50.000 habitants. Des rivières de boues enfouissent les maisons, emportent le goudron. Son maire-adjoint, Cheikh Dieye, nous y accueille. La rue principale, que surplombe une petite mairie décrépie, s’est muée en marécage permanent. Un jogger traverse un gué fait de pneus et de pierres. Des pompes fatiguées attendent le retour des pluies, solution illusoire pour tenter de limiter les dégâts. Des maisons se sont effondrées. Ici, la fenêtre du rez-de-chaussée est à moitié enterrée sous la boue. Là, des herbes hautes ont poussé dans une pièce devenue marais. « Le poste de santé, c’est là… », nous indique Cheikh Dieye. Sa main embrasse un vaste étang qui a recouvert le dispensaire et menace la mosquée. Le centre a été reconstruit un peu plus haut. Autour, des maisons sont marquées d’une croix rouge. Leurs habitants seront déplacés, « déguerpis » dit-on ici, vers un nouveau quartier, à dix kilomètres plus à l’Est.
Beaucoup refusent de partir de leur ville, née de l’exode rural il y a un demi-siècle. L’urbanisation sauvage de ces « quartiers irréguliers » a progressivement envahi des cuvettes où l’eau des pluies s’écoulaient naturellement. Canalisations et assainissements n’ont pas suivi. Les inondations ont commencé dans les années 80. Dans les ruelles, pas de caniveaux, encore moins d’égouts. Des trous sont creusés pour y déverser les eaux usées et les ordures ménagères. Les femmes balaient elles-mêmes les rues ensablées. « Les canalisations sont en cours », assure le maire-adjoint. Mais quand les travaux doivent-ils commencer ? « On n’a pas exactement la date », souffle-t-il. « Guédiawaye est une des communes les plus pauvres du Sénégal. Ce sont des investissements lourds. » Le Palais présidentiel, à quelques kilomètres de là, est aux abonnés absents. Et même si on y discute du « droit à la ville » et à ses infrastructures, le Forum social est loin, très loin. « Est-ce que vous pensez qu’une association d’inondés a les moyens de s’inscrire au forum ? », regrette Sidiki Daff. Une marche des habitants doit cependant y rallier l’assemblée des mouvements sociaux.
La situation sanitaire est déplorable. À la tombée du soir, les moustiques envahissent le quartier, apportant avec eux le paludisme. Les parasitoses intestinales, les infections respiratoires ou la dysenterie y sont fréquentes. « On en a marre ! », lance en wolof une passante. Mais en dépit du cloaque, la vie continue. Une école franco-arabe résonne des rires et des récitations d’enfants. Des menuisiers travaillent le bois à l’ombre de leurs échoppes. Un centre accueille des femmes victimes de violences ou jetées à la rue. Autour de la zone, mi-quartier populaire, mi-bidonville, les antennes relais pour la téléphonie mobile ont poussé. Bien plus vite que le réseau d’assainissement.
Photo : © Jean de Peña / Collectif à-vif(s)
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