Christian Chavagneux
L’ancien premier ministre britannique Gordon Brown avait surpris en 2009 par son agressivité envers les paradis fiscaux. Un ensemble de décisions confirment désormais que son successeur David Cameron entend développer encore plus le rôle de la place de Londres comme paradis fiscal.
Une première mesure vise à attirer les plus fortunés au Royaume-Uni en leur offrant rien de moins que des lois migratoires spécifiques. Jusqu’à présent, un étranger ne peut obtenir un titre de résident permanent (et les avantages fiscaux qui vont avec pour ses revenus hors Royaume-Uni) qu’au bout de 5 ans. A partir d’avril, cette contrainte ne sera plus réservé qu’à ceux incapables d’amener plus d’un million de livres sterlings (1,2 million d’euros). Ceux qui arrivent avec 3 millions bénéficieront du statut en 3 ans, et à 10 millions et plus il ne faudra plus que 2 ans ! Les autorités britanniques ont du lire les travaux de Thomas Piketty et Anthony Atkinson sur le fait que notre époque est marquée par une montée des inégalités entre gens très aisés, les très très riches devenant vraiment beaucoup riches que les simples riches et c’est visiblement les premiers que le gouvernement britannique a décidé de cibler.
Mais les entreprises ne sont pas oubliées. Il y a d’abord la volonté du gouvernement de ramener le taux d’imposition sur les bénéfices de 28 % actuellement à 24 % en 2014. Mais un gros cadeau supplémentaire est en route pour les plus grandes et les plus internationalisées d’entre elles. La loi britannique actuelle stipule que les filiales à l’étranger paient bien sûr leurs impôts aux gouvernements étrangers et que si la maison mère britannique veut rapatrier le reste des profits en Angleterre, elle devra payer en impôt sur les bénéfices la différence entre le taux étranger et le taux britannique de 28 %. Le gouvernement souhaite que cette mesure soit supprimée. Il ne reste plus aux entreprises britanniques qu’à développer leur présence déjà grande dans les paradis fiscaux – les 20 premières entreprises y comptent plus de 1000 filiales – pour localiser leurs profits offshore et tout rapatrier sans impôt ! Un véritable scandale fiscal.
Tout ceci ne fait que confirmer explicitement la nouvelle approche britannique envers les paradis fiscaux que l’on sentait pointer à la fin de l’an denier. Complètement à l’encontre de la politique actuelle du G20, le Royaume-Uni a signé le 25 octobre 2010 (et l’Allemagne a fait pareil le 27 octobre) un préaccord avec la Suisse permettant à cette dernière de continuer à préserver son secret bancaire. Des négociations bilatérales ont débuté au début de cette année pour autoriser les banques helvétiques à prélever un impôt à la source sur les intérêts et dividendes touchés en Suisse par Britanniques dont l’anonymat sera alors préservé. Pour régler le passé, la Suisse s’engage à estimer le produit de l’évasion fiscale des ressortissants britanniques et de le taxer également, ce qui vaudra ensuite amnistie pour les personnes concernées. On pourrait même imaginer que le fisc britannique s’abstiendra à l’avenir de demander des informations au fisc suisse, se contentant du produit de la taxe, ce qui remettrait complètement en cause le travail actuel réalisé par le Forum mondial de l’OCDE qui cherche à mettre en place un mécanisme d’échange d’informations fiscales entre pays. Qui plus est, la Suisse réclame en contrepartie un plus grand accès aux marchés financiers britanniques, un règlement de la question de l’utilisation de données fiscales volées ainsi que l’impossibilité de criminaliser les activités des banques et de leurs employés ! (idem avec l’Allemagne)
Comme nous l’avions montré dès 2006 avec Ronen Palan (et encore plus en 2010 ici), le Royaume-Uni est le premier paradis fiscal mondial. Le remarquable tout récent livre de Nick Shaxson est venu en apporter de manière bien plus percutante la démonstration. Après une phase coopérative de lutte contre les paradis fiscaux à la fin du gouvernement travailliste de Gordon Brown, la coalition actuelle dirigée par les conservateurs renoue avec la stratégie parasite qui est depuis longtemps celle du Royaume-Uni.
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