À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

21/04/2010

24 heures dans la vue d'un SDF

C'est l'idée qu'a eu une agence de publicité pour promouvoir l'action du Samu social. Elle a confié pendant 24 heures à quatre sans-abri des lunettes équipées de mini-caméras. Résultat, des images brutes, hyperréalistes et en temps quasi réel, qui montrent à travers un film en ligne une journée sans fin, entre errance et stratégie de survie. Déroutant.













C’est un ovni visuel. La dernière campagne pour le Samu social est un film en ligne de 24 heures (www.danslapeaudunsansabri.com), qui déroule en temps quasi-réel la vie de SDF à Paris. Un projet imaginé par l’agence Publicis Conseil. « Sur ce genre de cause, on se heurte à une certaine indifférence du public, explique Véronique Sels, directrice de la création. Il fallait donc une forme inédite, une vraie expérience qui marque les esprits et provoque l’empathie. » L’équipe a distribué à quatre sans-abri, pour une journée, des lunettes équipées de mini-caméras. « L’idée était de ne plus prendre la parole à leur place, de les laisser montrer leur vie », raconte la directrice du Samu social, Stefania Parigi.


Résultat : 40 heures de rushes, réduits à un film de 24 heures, et une image à l’esthétique « caméra cachée ». Mais à la grande différence d’un documentaire comme celui de Jean-Charles Deniau, qui en 2006 avait passé 20 jours Dans la peau d’un SDF, il n’y a ici aucune intention filmique, et aucun effet de montage. « On n’a pas pris les “meilleurs moments” comme on l’aurait fait pour un reportage, explique Quentin Schweitzer, le directeur artistique du projet. Le film ne pouvait pas être plus réaliste ni plus objectif. »

Pour l’internaute, le visionnage en est d’autant plus déconcertant. Les séquences, en caméra subjective, s’étirent en longueur, il ne s’y passe quasiment rien. C’est la vie brute d'un sans-abri : son absence de projet, son éternel recommencement, son ennui vertigineux.
Ces SDF marchent. Beaucoup. Ils errent dans les rues, dans les jardins publics, descendent sur le quai du métro, font une course au supermarché ou la manche pendant deux heures devant une brasserie chic. Toujours invisibles pour les passants. Au fil de la journée, quelques altercations éclatent, la violence est latente.

“Passée la première sensation
d'ennui, l'internaute est
surpris d'avoir envie d'y revenir.”


Passée la première sensation d’ennui, l'internaute est surpris d’avoir envie d’y revenir, de voir ce qu’il se passe à 17h, à 19h30, la nuit. Soudain, une évidence s’impose : ces gens ne rentrent pas chez eux à la fin de la journée. Mais le film vise avant tout à sensibiliser le grand public à l’approche de l’été. Contrairement aux idées reçues, c’est une saison particulièrement difficile pour les sans-abri. Le « plan hiver » touche à sa fin, les structures d’accueil ferment, la fatigue de l’hiver provoque des états de décompensation psychique, et la chaleur de graves problèmes sanitaires.

Pour encourager les dons, un message lapidaire vient clore l’expérience déroutante de l’internaute. Au moment où il cherche à se déconnecter du site, une fenêtre apparaît : « Désolé, sortir de la rue est beaucoup plus difficile. »

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Perrine Dutreil

A noter que cette campagne en ligne est lancée alors même que le Samu social connaît actiellement une crise interne : une cinquantaine de salariés font grève depuis plus de 15 jours, réclamant notamment une hausse de salaires et une prime de risque pour ceux qui travaillent la nuit dans les maraudes.

http://www.telerama.fr/techno/la-camera-interieure-des-sdf,55007.php

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