À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

29/03/2009

Eugénisme, écologie et malthusianisme, le complot fasciste des bébés

Herr Grimaud

La bonne parole écologiste

J’ai évoqué en commentaire d’un précédent billet un texte de Michel Tarrier sur la dénatalité. Plein de bon sens, l’auteur expose dans cette Éloge de la dénatalité les raisons rationnelles qui justifient un stricte contrôle des naissances, pour le bien de tous et de l’orange bleue qui nous héberge. Il y développe entre autres la pénurie prévisible de matières premières et l’incapacité absolue de la planète à entretenir un tel nombre de bipèdes vicieux à un tel niveau de consommation. Il attire également l’attention sur les désordres que produisent la surpopulation en matière sanitaire, guerrière et alimentaire. Enfin, il dénonce les politiques natalistes et l’idéologie nationaliste sous-jacente du travail-famille-patrie. Il en appelle même, le coquin, à la réhabilitation du discours mathusien et cite le commandant Cousteau (très bel observateur de crustacés politiquement contestable). Cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille… Surtout quand il évoque à propos du tiers-monde, « une politique contraceptive et anti-démographique imposée ».

Bref, je me suis laissé prendre par la rationalité de l’argumentation en me promettant de me dépêcher de faire des enfants avant qu’un de ces fous d’écologiste arrive au pouvoir (ce qui ne saurait tarder).

Ceux qui nous gouvernent

Me voilà donc gagné par cette volonté de dénatalité écologiste malgré ma méfiance instinctive par rapport à un mouvement écologiste très moraliste. Et puis j’ai regardé un documentaire d’Alex Jones qui s’appelle End Game [1], dont l’objet est de dévoiler au monde la conspiration de puissants qui décide du destin de l’humanité depuis plus d’un siècle. Aujourd’hui, explique t-il, les machinations s’ourdissent sous le couvert d’un groupe créé dans les années 50, qui se réunit tous les cinq ans : le groupe Bilderberg [2]. Au début, pour qui n’en a pas encore entendu parler, ça évoque plutôt un délire conspirationniste paranoïaque. Mais en regardant ce qui défile à l’écran, on se dit que tout compte fait, les plus grosses fortunes du monde qui se réunissent avec des maîtres de l’échiquier politique et qui réfléchissent à comment amasser encore plus de pouvoir, c’est presque banal tellement c’est humain.

Régulièrement, des informations filtrent de ces réunions de maîtres du monde, ce qui permet de tracer une ligne directrice flippante. En fait, la bande de gros salauds (c’est objectif, ils ont tendance à l’embonpoint) gigote depuis un bon siècle pour créer un gouvernement mondial : SDN au sortir de la première guerre mondiale, OTAN, ONU, FMI, OMC, UE… Toute ces tentatives visant à regrouper le monde en zone de contrôles régionales, Amérique du Nord, Europe, Asie du Sud-Est, ou à placer des pans de l’activité humaine sous contrôle supra-étatique. Un truc indéboulonnable et hyper-puissant, le cauchemar du libertaire moyen.

Le lien qui pue entre les deux

En reprenant de la base et pour faire le lien avec la dénatalité écolo, l’un des grands soucis du mouvement eugéniste, particulièrement virulent aux Etats-Unis et en Europe - et en France aussi, faut pas rêver : Charles Richet et Alexis Carrel ont obtenu des prix Nobels en 1912 et 1913 sur la base de leurs théories eugénistes -, est de remédier au problème de la surpopulation. Une pensée affleure sous cette préoccupation, c’est : « Ouh-ouh, attention, il y plein de bougnoules qui se reproduisent comme des lapins et qui vont pourrir le réservoir génétique de l’humanité. » Et de sortir de leurs caboches pourries une palanquée de solutions telle que la stérilisation forcée (pratiquée jusque dans les années 60) pour éviter que cette classe/race dangereuse ne devienne si nombreuse qu’elle ne renverse l’ordre établi.

Après la Seconde Guerre mondiale, il est devenu impensable de se revendiquer de l’eugénisme. C’est à ce moment que s’est opéré un basculement, l’aspect idéologique de la question, une béquille désormais bien encombrante, s’est vu remplacer par le développement de la génétique. L’eugénisme ne disparaît pas avec le troisième Reich, au contraire, il MUTE. Je prend pour exemple quelques gouttes de génome pervers pour alimenter mon moulin :
- L’élection à la tête de l’UNESCO en 1948 de Julian Huxley (le frère de l’autre), farouche partisan de l’eugénisme.
- Le prix Nobel attribué à Hermann Muller (eugéniste extrémiste également) la même année.
- Et une petite citation de Francis Crick (prix Nobel de 1962 pour sa découverte du génome humain) : « Aucun enfant nouveau-né ne devrait être reconnu humain avant d’avoir passé un certain nombre de tests portant sur sa dotation génétique […]. S’il ne réussit pas ces tests, il perd son droit à la vie. »

Le lien qui m’intéresse là-dedans, c’est que ces associations eugéniques prônant le contrôle de la natalité sont aussi à l’origine des premières préoccupations écologistes du siècle. Pour mémoire, WWF, le gentil Panda, une des premières ONG écologiste, a été créé sur la base de dons des puissants, avec à sa tête le prince Phillip (mari d’Elisabeth II qui disait vouloir se réincarner en virus pour solutionner le problème de la surpopulation) et le prince Bernhard des Pays-Bas (ancien officier nazi). Par ailleurs, le gentil panda a régulièrement fait preuve d’un racisme larvé dans son appréhension des problèmes du tiers-monde (pour ceux qui en veulent plus sur le panda, ICI).

En fait, dés les années 1960, ces personnes profondément préoccupées de l’avenir de l’homme ont postulé que l’écologie serait un excellent moyen de parvenir à leurs fins. A titre d’exemple, des passages tirés d’une des bibles de l’eugénisme écologique : La faim du monde, La population augmente, la terre s’épuise, mangerons-nous demain ?, de William Vogt, (1950) :

« Une guerre bactériologique à grande échelle serait un moyen efficace, si elle était énergiquement menée, de rendre à la terre la forêt et ses pâturages. »

« … La nourriture est devenue une arme politique de premier plan sur le champ de bataille mondial. […] Nous entretenons de même les vieillards, les incurables, les fous, les pauvres et ceux que l’on pourrait appeler les ignorants écologiques, éleveurs et bergers subventionnés par exemple. […]. Si nous envisagions notre avenir avec une réelle intelligence, nous nous rendrions compte que ces gens là sont les foyers d’infection du champ écologique, propagateurs de la maladie dont ils nous contaminent tous. »

Un bel exemple de rhétorique nationale-socialiste…

Et pour finir :

« La plus grande tragédie qui puisse atteindre la Chine, à l’heure actuelle, serait une réduction de son taux de mortalité. »

Je sais pas ce que ça vous évoque mais moi, ça me donne une furieuse envie de ressortir le 4X4 et de faire des "burns" dans la forêt…

La mue actuelle de l’eugénisme, sous ses dehors scientifiques, ne prône plus une approche phénoméniste et mathématique de la démographie mais une approche moléculaire. « La génétique d’aujourd’hui s’intéresse à la physiologie de l’hérédité, et non pas à des statistiques de phénotypes », explique André Pichot dans La Société pure. Ou, pour dire les choses pour qu’on les comprenne : l’âge de l’eugénisme d’état est mort (pour le moment) et a laissé la place à une sorte d’eugénisme individuel. Ou comment faire flipper des mères en agitant le spectre de la malformation et de la trisomie 21, et ainsi leur vendre un sachet de tests qui permettent de déterminer si la vie de l’enfant vaut la peine d’être vécue affectivement, socialement et écologiquement. Je forcis légèrement le trait et, sans condamner personne, j’y vois des relents malsains.

Encore une petite citation, pour les fans, tirée de Les gènes de l’Espoir, un bouquin de Daniel Cohen, généticien et fondateur du Téléthon : « A bas la dictature de la sélection naturelle, vive la maîtrise humaine du vivant ! […]. Je suis persuadé que l’homme futur, celui qui maîtrisera parfaitement les lois de la génétique, pourra être l’artisan de sa propre évolution biologique, et non celui de sa dégénérescence. »

A bien y regarder, cette grande kermesse du bon sentiment qu’est le Téléthon a plusieurs finalités intéressantes pour la génétique : faire flipper les gens sur les maladies génétiques rares, mettre les projecteurs sur la génétique et amasser de la caillasse. Ce n’est évidemment pas une attaque contre les enfants victimes de maladies rares et leurs familles, mais contre l’instrumentalisation de la douleur.

Pour revenir sur la possibilité de la dénatalité, il n’y pas cinquante possibilités. Il y a la sensibilisation qui me paraît la seule possible, hormis la contrainte législative (pas la peine de rappeler la monstruosité de la politique de l’enfant unique en Chine) et fiscale, qui revient, à moyen terme, à favoriser la reproduction des classes aisées et à limiter celle des classes populaires…
Ça me ramène à une angoisse profonde que fait naitre dans mon moi libertaire le développement de l’écologie institutionnelle. Si on écarte la théorie du complot d’Alex Jones, il reste la perspective d’une réglementation et d’une surveillance systématique du quotidien sous prétexte de conformité à des normes écologiques draconiennes.

Méfions-nous de ceux qui nous veulent du bien

Pour finir sur cette divergence de points de vue, le premier peut apparaître très rationnel pour une personne d’extrême-gauche préoccupée par l’écologie et l’avenir de l’humanité. Le principe est incontestable : on vivrait sans doute mieux si on était moins nombreux. Je pense cependant qu’il y a une faille en chemin, une peau de banane explosive sur le chemin vers la sainteté démographique et écologique. L’aboutissement pratique de cette économie des populations me paraît inévitablement malsain. Darwin avait évoqué cette possible dérive de sa théorie de l’évolution en eugénisme et la repoussait en y voyant la perte de toute humanité. D’autre part, le film d’Alex Jones est très intéressant (la première moitié est quand même un peu chiante), et, sur le chapitre de la manipulation écologique, je pense qu’il est dans le vrai. Pour finir, la petite voix d’André Pichot, le seul point de vue un poil objectif que j’ai discerné dans cette affaire :

« Ce petit monde a ainsi reconstitué, sans s’en rendre compte, le schéma du début du siècle. D’un côté, les opposants catholiques rétrogrades ; de l’autre, les généticiens et leurs partisans progressistes (en général antipapistes), à qui s’ajoute en douce les théoriciens du nazisme, eux aussi partisans de l’eugénisme. Le tout laminant ceux qui essayent de faire entendre la voix de la raison. »

La voix de la raison, en l’occurrence, c’est la constatation empirique des problèmes inhérents à la génétique. Le battage médiatique autour des maladies héréditaires omet complètement les difficultés techniques et la faible probabilité que cette médecine prédictive soit un jour d’une quelconque efficacité sur la santé de l’ensemble de la population (pour les développements sur cette question, je renvoie à l’ouvrage d’André Pichot, Une société Pure, de Darwin à Hitler [3]). Une des seules perspectives pratique de cette science ressort donc plus ou moins directement de l’eugénisme. Les seules perspectives financières également.

En fait, je n’ai pas étudié cette question pour savoir si le commissaire politique qui veille dans un coin de mon cerveau me permettrait, le jour où j’en éprouverai le désir, de faire des chiards. C’est plutôt la curiosité par rapport à l’affrontement de deux idéologies qui se renvoient le fascisme dans la gueule qui m’a poussé à m’intéresser à la question. Arrivé à ce point là où, effectivement, les deux points de vue me paraissent également puants, je démissionne et en arrive à la seule conclusion logique : que chacun se démerde en son âme et conscience.

Notes

[1] Ce documentaire est visible sur Dailymotion, en version originale sous-titrée : partie 1, partie 2, partie 3, partie 4, partie 5, partie 6, partie 7, partie 8. Attention : Alex Jones est l’un des piliers du mouvement Re-open 911, même si ce n’est en rien le sujet de ce documentaire. La crédibilité du bonhomme est donc forcément sujette à caution. A vous de vous faire une opinion, comme des grands.

[2] Le groupe Bilderberg ne relève pas du conspirationnisme, puisqu’il existe bel et bien. Tout le débat est de savoir quelle influence il faut lui prêter.

[3] Une partie des citations de ce billet sont d’ailleurs tirées de cet ouvrage d’André Pichot

Article11.info - 27.03.09

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