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04/04/2009

Les immigrés et leurs descendants face aux inégalités

Dans le domaine de l’emploi, du logement, de l’éducation, de la santé, les cinq millions d’immigrés en France sont la plupart du temps défavorisés par rapport à la population non immigrée alors que beaucoup d’entre eux possèdent la nationalité française. Une analyse de Noam Leandri de l’Observatoire des inégalités.

Deux immigrés sur cinq ont la nationalité française, un quart des Français a au moins un grand-parent immigré, et même un tiers si l’on remonte jusqu’aux arrières grands-parents. Pourtant, les cinq millions d’immigrés en France sont la plupart du temps défavorisés par rapport à la population non immigrée.

La question des discriminations a pris de plus en plus d’importance dans le débat public depuis les années 1990, sous l’impulsion européenne mais aussi par la mise au jour de plus en plus fréquente de cas et de manifestations dans les quartiers où vivent les immigrés.

Il ne s’agit plus seulement d’intégration dès lors que les enfants d’immigrés éduqués en France et, pour beaucoup, citoyens français, subissent les mêmes inégalités que leurs parents. Les nombreuses difficultés que rencontrent les personnes issues de l’immigration résultent du cumul de plusieurs mécanismes dont la part respective est difficile à identifier. D’une part, les lois qui excluent les étrangers les stigmatisent en même temps et peuvent entraîner des discriminations. D’autre part, l’origine souvent modeste des immigrés et leur ségrégation dans des quartiers pauvres jouent en leur défaveur ainsi que sur la destinée de leurs enfants.

Les immigrés connaissent en France un taux de chômage double, un taux de pauvreté triple et ils perçoivent un salaire un tiers plus faible que celui des non-immigrés. De plus, les chances de promotion des travailleurs immigrés sont inférieures. Parmi les ouvriers ou employés, 23 % des immigrés ont accédé à un emploi plus qualifié en 1999, contre 26% des non-immigrés [1]. A l’inverse, les immigrés qualifiés subissent un déclassement professionnel plus fréquent, l’OCDE estimant leur taux de déqualification 1,4 fois plus élevé que celui des non-immigrés.

Les emplois occupés sont fréquemment précaires : ainsi 12 % des travailleurs immigrés disposent d’un contrat d’intérim ou d’un CDD en 2006, contre 7 % des non-immigrés. Les femmes immigrées sont plus particulièrement touchées. Elles travaillent davantage à temps partiel (39 %) souvent subi (16 %). Ces constats sont encore plus marqués pour les personnes originaires d’Afrique, mais les immigrés européens sont également concernés par ces inégalités. Un rapport de l’OCDE sur les migrations [2] a montré que la situation d’emploi des immigrés en France était parmi les pires des pays occidentaux, avec les pays scandinaves où leur taux de chômage est doublé par rapport à celui des autochtones. Pourtant la France est historiquement un pays de forte immigration au même titre que les États-Unis où, par contre, les immigrés ont un taux de chômage légèrement inférieur à celui des Américains.

Emplois interdits et discriminations

Le taux de chômage des immigrés peut s’expliquer par trois facteurs principaux : les inégalités en droit, les discriminations et les inégalités sociales. Toutes les fonctions et positions ne sont pas ouvertes en France. Les étrangers non ressortissants de pays de l’Union européenne se voient fermer entre 6 et 7 millions d’emplois, selon une étude menée en 2000, soit un quart de l’ensemble des emplois [3] . Ils ne disposent pas non plus du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ou européennes, contrairement aux citoyens européens ou à l’image de nombreux pays européens qui accordent le droit de vote aux étrangers résidents, telle l’Irlande depuis 1965.

Le travail n’est pas libre pour les étrangers, qui forment une part importante des immigrés (trois millions sur cinq). L’exercice d’un emploi est soumis à la possession d’une carte de séjour assortie d’une autorisation de travail. Le durcissement de la législation du droit au séjour et à l’asile entrepris ces dernières années n’a pas facilité le travail des étrangers. Les employeurs craignent - à juste titre - que l’étranger recruté ne voit pas sa carte de séjour renouvelée, auquel cas sa formation et son expérience seront perdues. Plusieurs de nos voisins ont ainsi massivement régularisé la situation de travailleurs irréguliers (Espagne, Italie) ou déboutés du droit d’asile (Pays-Bas). Cette situation critique est alimentée par les discours politiques de longue date, allant de l’ « odeur » à l’ « immigration choisie », qui stigmatisent, qui montrent du doigt certains immigrés.

Le fait que les enfants d’étrangers, généralement Français et surtout éduqués dans les écoles de la République, sont, de manière équivalente à leurs parents, confrontés un taux de chômage deux fois plus important (25 %) que les enfants de Français (13 %) laisse présumer l’existence de discriminations fondées sur l’origine [4]. Les tests de situation (ou « testing ») menés depuis plusieurs années attestent ainsi de l’existence d’une discrimination à l’embauche ou à l’accès au logement pour les personnes d’origine étrangère réelle ou supposée. Par exemple, dans un test réalisé en 2006, les candidats à un emploi de serveur reçoivent en moyenne une invitation à un entretien d’embauche pour six CV envoyés s’ils ont un nom et un prénom français, alors qu’il faut envoyer 17 CV s’ils ont un nom et un prénom marocains [5] .

Des études statistiques sur des échantillons plus vastes montrent également que les personnes dont les parents sont étrangers sont plus souvent au chômage ou moins bien rémunérées à compétences équivalentes [6] . Moins du tiers des écarts de salaire et la moitié de la différence du taux de chômage entre les descendants de Français de naissance et les actifs ayant au moins un parent né sur le continent africain ne peuvent s’expliquer par les écarts de niveau d’études, d’expérience ou de lieu d’habitation.

Grâce à l’arsenal juridique de lutte contre les discriminations, les victimes peuvent saisir la justice pour obtenir réparation et faire condamner pénalement les auteurs. Cependant, il est très difficile de prouver que le traitement subi était discriminatoire, car il faudrait pouvoir comparer avec quelqu’un d’autre qui serait parfaitement semblable à la victime hormis la caractéristique discriminée (couleur de peau, etc.). Ainsi, alors que le nombre des réclamations adressées à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) progresse, les parquets ont été saisis en 2007 de seulement 2 affaires pour discrimination contre 42 en 2006 selon le président de la Halde [7] .

Le rôle des inégalités sociales

Dans la course aux positions sociales, il est juste de lever les obstacles dressés sur la route des enfants d’immigrés, mais il ne faut pas oublier qu’ils roulent en 4L alors que leurs concurrents ont hérité de Ferrari. Les difficultés des immigrés sont étroitement liées aux inégalités sociales. Les étrangers et les immigrés sont principalement ouvriers (42% des étrangers et 40% des immigrés) contre 24 % pour les Français de naissance, d’après l’enquête emploi 2004 de l’Insee. Les métiers qu’ils occupent sont en grande partie peu ou pas qualifiés (ouvrier non qualifié, femme de ménage) et dans des secteurs d’activité (bâtiment, services à la personne) où la formation continue est peu développée. En outre, le chômage touche plus durement les moins diplômés. Les difficultés scolaires des enfants d’immigrés sont surtout imputables à leur origine sociale. En effet, trois-quarts des élèves de famille immigrée appartiennent à une famille dont la personne de référence est ouvrière, employée de services ou inactive contre un tiers des jeunes dont aucun des parents n’est immigré. D’après une étude du ministère de l’Éducation nationale, les chances de préparer un Bac général pour les enfants immigrés seraient égales à celles des élèves de même environnement familial et de même milieu social mais non-immigrés [8]. A milieu social équivalent, les immigrés ne réussissent pas moins bien.

Il n’en demeure pas moins que les enfants d’immigrés sont les premiers touchés par l’impuissance de l’école à réduire les inégalités. L’enquête PISA 2006 [9] de l’OCDE sur la réussite scolaire montre qu’en France les résultats en sciences ou en lecture des élèves de 15 ans sont considérablement corrélés à la catégorie sociale des parents ainsi qu’à leurs origines. En France, 21 % des écarts de performances en sciences s’expliquent par l’origine sociale pour une moyenne de 14 % dans les pays de l’OCDE. Les élèves immigrés ou enfants d’immigrés ont un score en mathématiques inférieur de 12 % et 9 % à celui des autochtones. L’école n’est pas discriminante en elle-même mais son mode de fonctionnement pénalise les immigrés comme l’ensemble des milieux défavorisés.

Au-delà des discriminations, les inégalités sociales sociales jouent un rôle majeur, comme l’a rappelé le président Nicolas Sarkozy dans son discours à l’école Polytechnique le 17 décembre 2008 : « C’est par le critère social qu’il faut prendre le problème [des discriminations liées à l’origine] parce que les inégalités sociales englobent toutes les autres. », a-t-il indiqué. Les problèmes que rencontrent les immigrés et leurs descendants sont bien souvent d’ordre social, ces derniers étant surreprésentés dans les classes populaires. Malheureusement, on met de plus en plus l’accent sur les discriminations. Typiquement, on présente plus souvent la ministre de la Justice Rachida Dati comme une ministre issue d’une « minorité visible » que d’origine modeste. Pierre Bérégovoy, l’ancien Premier ministre, fournit un bon contre-exemple, puisqu’on mettait davantage en avant son passé ouvrier que son origine immigrée. Mais de la sorte, on évite une réflexion plus large, et on préserve un système globalement inégalitaire.

Quand la discrimination fonctionne toute seule
La crainte d’une discrimination peut conduire à des formes d’auto-discrimination. En effet, les expériences de discriminations subies par les parents ou les aînés dans le monde du travail incitent peu les jeunes élèves d’origine immigrée à poursuivre des études longues. Qu’il s’agisse d’immigrés comme de l’ensemble des catégories populaires, les inégalités persistent aussi parce que les personnes qui se savent défavorisées ont parfois intériorisé le système de discriminations lui-même. Nul ne peut nier aujourd’hui l’existence des discriminations liées à l’origine. Cependant, il ne faudrait pas tout imputer à des comportements isolés de quelques individus racistes. L’ensemble de la société produit des discriminations par des règles coutumières ou légales.


[1] Fanny Mikol et Chloé Tavan, La mobilité professionnelle des ouvriers et employés immigrés, Données sociales - La société française, Insee, 2006.

[2] Perspectives des migrations internationales, OCDE, 2007.

[3] Une forme méconnue de discrimination : les emplois fermés aux étrangers, Groupe d’étude des discriminations, mars 2000.

[4] « Génération 2004, des jeunes pénalisés par la conjoncture », Bref, n° 248, janvier 2008, Céreq.

[5] Emmanuel Duguet, Noam Leandri, Yannick L’Horty, Pascale Petit, Discriminations à l’embauche : un testing sur les jeunes des banlieues d’Île-de-France, Centre d’analyse stratégique, 2007.

[6] Romain Aeberhardt, Denis Fougère, Julien Pouget et Roland Rathelot, « Wages and Employement of French Workers with African Origin », juin 2007, CRESTInsee. Jean-Luc Richard, « Présomptions de discriminations à l’encontre des enfants d’immigré(s) africain(s) », Migrations société, n° 105, mai-août 2006.

[7] Rapport annuel 2007 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde).

[8] Jean-Paul Caille, « Perception du système éducatif et projets d’avenir des enfants d’immigrés », Éducation et formations, N° 74, avril 2007.

[9] PISA 2006 : Les compétences scientifiques : un atout pour l’avenir, OCDE, décembre 2007.

Observatoires des Inégalités - 02.04.09

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