Des centaines de milliards de dollars pour les institutions financières internationales, gonflement des plans de relance et de sauvetage des banques, création d’un bureau superviseur du système financier international, le moins qu’on puisse dire est que le G20, réuni hier à Londres, a mis le paquet pour tenter de ranimer le capitalisme aux urgences. Il s’agit coûte que coûte de retendre ses ressorts intimes, ceux de la rentabilité financière, tous très fortement affectés par le formidable krach de ces derniers mois dont les effets sont en train de se diffuser à toute la planète économique.
« résister au protectionnisme »
Pas question de remises en cause fondamentales du système : l’objectif proclamé par les Vingt dans l’introduction de leur déclaration finale est on ne peut plus clair : « Nous pensons qu’une économie ouverte fondée sur les principes du marché » est le moyen d’assurer « une globalisation soutenable ». Pour assurer le sauvetage il faudrait « résister au protectionnisme, réformer nos marchés et nos institutions futures ».
Dans le rôle de super-docteur, le Fonds monétaire international (FMI) va se voir tripler ses fonds qui devraient passer à 750 milliards de dollars (530 milliards d’euros). Dans le cadre de prêts bilatéraux, le Japon et l’Union européenne (UE) lui avaient déjà accordé chacun 100 milliards de dollars (75 milliards d’euros) avant même l’ouverture du sommet. D’autres dispositions du même type devraient être prises par des pays comme le Canada ou la Norvège. Des accords d’emprunts créés en 1998 seront réactivés pour compléter ces nouveaux moyens. Et l’institution se voit autorisée à recourir à un montant de 250 milliards de dollars (190 milliards d’euros) de droits de tirages spéciaux (DTS), sa propre unité monétaire, pour financer ses prêts aux pays les plus touchés par la crise.
Et pour les pays les plus pauvres ?
Le besoin de recours à une démarche de ce type se faisait sentir de plus en plus fortement compte tenu précisément des besoins de financement nés des conséquences dramatiques de la crise pour les pays les plus pauvres. Les critères d’attribution de ces crédits sont souvent très restrictifs en matière de dépenses publiques et sociales, ce qui, jusqu’à aujourd’hui, avait pour effet de « plomber » les pays récipiendaires de l’aide. La contradiction est devenue toutefois si manifeste que le G20 recommande de faire preuve de davantage de flexibilité en allégeant les conditions d’octroi de ses prêts.
le dollar et ses prérogatives
Il n’est pas question pour autant d’élargir le recours aux DTS pour leur faire jouer le rôle d’une véritable monnaie commune mondiale, se substituant peu à peu au dollar. Ce défi avait pourtant fait irruption dans les débats d’avant G20. Pékin, premier détenteur de bons du Trésor US et inquiet de voir les États-Unis laisser filer le billet vert de façon à réduire mécaniquement leur endettement, avait ainsi évoqué la semaine dernière l’idée de transformer les DTS en monnaie internationale. Barack Obama, qui a misé sur des gigantesques plans de relance et de sauvetage du système bancaire, financé par de très lourds déficits, s’y est opposé fortement. Il a défendu les prérogatives du dollar qui permet aux États-Unis de s’endetter à bon compte sur le dos du reste de la planète.
Décidé à tenir compte de la colère qui affleure si fortement au sein des opinions publiques quand les citoyens s’étonnent partout des efforts grandioses déployés pour les banques alors que l’on continue de rationner les dépenses sociales, le G20 a donné des gages en matière de régulation. Il va rendre public une liste noire de paradis fiscaux ne respectant pas les normes exigées en matière de contrôle et de transparence par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). Des sanctions sont prévues contre ceux qui continueraient de refuser de coopérer avec les instances internationales. Un bureau chargé de la supervision financière et de « prévenir les risques systémiques » est créé. Les agences de notation sont promises à une surveillance beaucoup plus étroite.
Cette panoplie de mesures a été accueillie triomphalement par le président Sarkozy (voir ci-contre). Il avait certes soigneusement préparé le terrain, sur ce thème de la régulation, en se livrant, la veille du sommet, à une minutieuse dramatisation avec la complicité de la chancelière Angela Merkel.
Les traders sabraient le champagne, hier
On ne regrettera naturellement pas que certains îlots sulfureux puissent y laisser, à terme, quelques plumes. Mais la mécanique est globalement préservée. Les traders britanniques sabraient d’ailleurs le champagne hier soir, la Bourse de Londres bondissant à l’annonce des conclusions du G20. Pourtant la City est, elle-même, l’un des plus grands paradis fiscaux du monde. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, des milliers de riches contribuables français ne s’y sont-ils pas délocalisés ?…
Une autre régulation, une vraie, reste donc à faire. Le défaut majeur de celle que le G20 annonce est de rester totalement aux mains d’organismes situés dans son périmètre - ignorant donc la majorité de l’humanité qui habite les pays les moins développés. Ces organismes-là sont présentés comme « indépendants ». Traduisez : inaccessibles à l’intervention du commun des citoyens. Ce sont pourtant eux qui payent le plus lourd tribut à la crise et qui seraient les meilleurs garants d’une véritable transparence, d’un contrôle des fonds publics, comme de ceux de leurs entreprises. Mais cette régulation-là induirait l’ébauche d’un dépassement du système, de l’accès à un autre âge de la démocratie, alors que le G20 n’avait en tête hier que la préservation du vieil ordre économique et financier.
L'Humanité - 03.04.09
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