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31/03/2009

Moraliser le capitalisme? La grande imposture...

Il paraît que la crise mondiale tient à certaines déviances du capitalisme. En vrac, Juan cite les excès des traders, les comportements amoraux de certains patrons, les stock-options des uns, les parachutes dorés des autres, le copinage Sarkozy-Tapie, etc. En résumé, le capitalisme n'est pas moral et il nous le prouve bien!

(photo : Jacob Bøtter - Flickr - cc)
(photo : Jacob Bøtter - Flickr - cc)
Les paradis fiscaux, paradis durables
Nicolas Sarkozy est très motivé à supprimer les paradis fiscaux dans le monde. Il paraît même qu'ils sont l'une des causes de la crise mondiale actuelle... Samedi 28 mars, l'hebdomadaire Marianne révélait que « les banques françaises disposaient au 30 juin 2008 de plus de 532 milliards de dollars (environ 370 milliards d’euros). » Ces placements génèreraient un manque à gagner fiscal de quelques 20 milliards d'euros pour l'Etat. Question naïve : pourquoi donc l'Etat n'a-t-il pas exigé des 6 banques qu'il soutient depuis novembre qu'elles renoncent à ces dépôts iniques ?

Les stock-options, de quoi parle-t-on ?
La presse et l'opinion se sont émues des stock-options attribuées aux dirigeants de la Société Générale. certains médias se sont empressés de racourcir la réalité : on assimile trop les stock-options à des actions gratuites. Ce sont le droit d'acquérir à un prix fixé à l'avance un certain nombre d'actions. Les assimiler à la valeur des actions concernées est erroné. Le principe est pourtant simple à comprendre : le conseil d'administration attribue le droit d'acheter un certain nombre d'actions à une valeur donnée. La réglementation actuelle (i.e. depuis octobre 2007) prévoit que l'heureux bénéficiaire doit attendre 4 années au minimum avant d'exercer ses options, c'est-à-dire acheter au prix fixé préalablement le nombre d'actions qu'on lui a attribuées. S'il décide d'exercer son droit, il doit payer ses actions. Son avantage éventuel intervient à deux reprises: primo, il réside dans la plus-value qu'il peut réaliser en achetant moins cher que le cours du marché (i.e. si le prix d'exercice de son option est inférieur au cours de bourse). Dans ce cas, le rabais obtenu est soumise à la CSG et la CRDS (comme un salaire) puis il est taxé : à 33% jusqu'à 152 500 euros (soit un taux de taxation global de 44%) et à 43% au-delà de 152 500 euros (soit un taux global de 54%).
Ensuite, quand le dirigeant décide de céder ses actions, son avantage réside dans la plus-value qu'il réalise en revendant à un cours de bourse plus élevé. Dans ce cas, cette plus-value de cession est taxée à 18%, comme toute plus-value de cession de valeurs mobilières (+ CSG, CRDS et prélèvements sociaux en vigueur, soit environ 29% au total).

Rappelons enfin que le prix d'exercice des options ne peut être inférieur à 80% d'une valeur de référence égale à la moyenne des cours cotées aux vingt séances de bourse précédant le jour d'attribution des stock-options. Fiscalement, les plus-values sur les stock-options ne sont pas une niche fiscale autant qu'on le pense : primo, elles sont taxées à 41%, un taux loin d'être anecdotique.

Le scandale de la Société Générale
Le vrai scandale de l'affaire Société Générale est ailleurs : en attribuant des stock-options au plus bas des cours de leur entreprise, le Conseil d'administration fait un beau cadeau aux dirigeants. De surcroît aidée par l'État, on peut estimer que la banque améliorera son cours de bourse dans les années à venir. Là est le cadeau ! A la date de leur attribution, L'Expansion notait que les plus-values potentielles étaient de 3,7 millions d'euros pour le seul Daniel Bouton, PDG de la banque.
Dimanche 29 mars, François Hollande a eu les mots justes sur les travers des stock-options : « Ce mode de rémunérations doit être écarté du mode de financement des dirigeants d'entreprises », y compris dans les sociétés qui ne sont pas aidées par l'Etat, car il « aboutit à introduire un critère spéculatif ».

Les salaires des patrons
Claude Guéant, le secrétaire général adjoint de l'UMP sur Europe 1 a expliqué dimanche 29 mars : « Le Premier ministre et le président de la République ont tranché : en début de semaine, lundi ou mardi, sera pris un décret qui va dire très clairement que les dirigeants des sociétés qui ont bénéficié de l'aide de l'Etat doivent renoncer à toutes ces dispositions : stock-options, bonus, parachutes dorés... »
L'ancien président du Medef, le baron Ernest Antoine Seillières est évidemment mesuré : « Il y a des abus » (...) « Ce qui est choquant, c'est quand quelqu'un reste bien payé dans une entreprise qui va mal, c'est pour ça qu'ont été conçues les rémunérations variables ». Pas un mot sur les aides publiques. Un patron d'une entreprise aidée par l'Etat ne devrait-il pas calmer ses émoluments ?

Les entreprises aidées par l'Etat
Rue89 publie justement les éléments de rémunérations des patrons de quelques entreprises aidées par l'Etat. A l'instar de l'analyse que nous avons faite sur Nicolas Sarkozy il y a quelques jours, le site rappelle que « la rémunération de ces patrons ne se limite pas à un salaire fixe. Elle comprend aussi :
- Une part variable, le fameux « bonus », dont le montant dépend des résultats de l'entreprise;
- Les jetons de présence, qui rémunèrent la présence aux conseils d'administration du groupe;
- Les avantages en nature, comme la voiture ou le logement de fonction. »

On apprend ainsi que Daniel Bouton, PDG de la Société Générale, dispose d'un salaire de 350 000 euros en 2008 (versus 1,2 millions en 2007), sans stock-options (il y a renoncé et ses précédentes options ne valent plus rien), ni bonus (versus 2 millions en 2007), ni parachute en cas de départ.
Michel Pébereau, son homologue de BNP Paribas, a reçu 731 400 euros de salaire en 2008, sans parachute en cas de départ, ni bonus. Carlos Ghosn, le patron de Renault, a touché un salaire fixe de 1,2 millions d'euros, des jettons de présence pour 28 000 euros, des avantages en nature évalués à 10 000 euros, pas de bonus ni stock-options, mais « il a pu toucher 2,5 millions d'euros en utilisant des options acquises en 2002 et 2003. »
Le site reste flou sur les stock-options : il ne précise pas si les sommes indiquées concernent la valeur des options que les dirigeants peuvent acheter ou une estimation de la plus-value de cession (improbable compte tenu de la chute des cours de bourse l'an passé).

Et l'affaire Tapie ?
Voici un autre ancien patron, Bernard Tapie, très correctement aidé par Nicolas Sarkozy : les deux hommes se connaissent depuis 25 ans (à Neuilly), liés à divers étapes de leurs carrières respectives. Un livre rappelle les rencontres dès 1995 entre Sarkozy, à l'époque simple soutien de Balladur, et Tapie. Tout y passe. Qui a parlé de moraliser le capitalisme ? Voici l'un des plus grands scandales de la Républiques. 390 millions d'euros en faveur de Bernard Tapie par une décision arbitrale sur conseil de l'Elysée. Qui dit mieux ?

Marianne2 - 31.03.09

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