Le plan de dé-dollarisation du marché pétrolier discuté en public et en secret pendant au moins deux ans et largement démenti hier par les suspects habituels - en tête desquels l’Arabie saoudite comme on pouvait s’y attendre - reflète le ressentiment croissant au Moyen-Orient, en Europe et en Chine envers des décennies de domination politique et économique américaine.
Nulle part ailleurs au monde, cette décision ne revêt une importance symbolique plus grande qu’au Moyen-Orient, où les Émirats Arabes Unis détiennent à eux seuls 900 milliards de dollars en réserve de devises et où l’Arabie saoudite a discrètement coordonné avec les Russes sa défense, ses armements et ses politiques pétrolières depuis 2007.
Cela n’indique pas le début d’une guerre commerciale avec les USA - pas encore - mais les régimes arabes du Golfe sont de plus en plus rétifs vis-à-vis de leur dépendance économique et politique à Washington depuis de nombreuses années. Sur les 7 200 milliards de dollars de réserves internationales, 2 100 milliards sont détenus par les pays arabes, et environ 2 300 milliards par la Chine. Les nations intéressées à l’abandon du dollar dans le commerce pétrolier sont présumées détenir plus de 80% des réserves internationales en dollars.
Les démentis de l’Arabie saoudite ont été considérés par les banquiers arabes comme relevant des us et coutumes politiques du Golfe. Les Saoudiens avaient persisté à nier que l’Irak ait envahi le Koweït en 1990 - alors même que les légions de Saddam Hussein se tenaient à la frontière saoudienne, jusqu’à ce que les États-Unis diffusent dans le monde entier l’information de l’agression irakienne.
Les banquiers saoudiens sont bien conscients que d’ici à neuf ans - le délai de transition prévu pour l’abandon du dollar dans le commerce du pétrole au profit des devises japonaise et chinoise, de l’euro, l’or et d’une éventuelle nouvelle monnaie du Golfe - La Chine aura doublé son PIB, pour atteindre les 10 000 milliards de dollars (en supposant un taux de croissance de 7%), et que les États-Unis pourraient alors ne plus peser que 20% du PIB mondial.
Des changements aussi radicaux dans l’économie et la finance, encouragés par la dé-dollarisation du pétrole, auront d’énormes répercussions politiques au Moyen-Orient, en particulier si la rivalité des superpuissances économiques américaine et chinoise en vient devient prédominante pour le monde arabe. Le soutien économique apporté à Israël par les USA sera-t-il encore aussi loyal dans neuf ans si la Chine et les pays Arabes sont devenus les forces motrices dans les marchés financiers mondiaux ? De fait - ayant peut-être cela en tête - certains financiers israéliens ont témoigné au cours des deux dernières années leur intérêt pour des investissements non libellés en dollars dans des banques arabes. Chaque fois qu’un changement de cette ampleur se déroule sur plusieurs années, il doit être amorcé en secret.
On ne peut nier que ce projet de négoce pétrolier hors du dollar ait de profonds motifs politiques. L’effondrement de l’Union soviétique a permis aux États-Unis de dominer le Moyen-Orient, plus que toute autre région du monde, et les Arabes - qui ne peuvent plus envisager un boycott pétrolier du type de celui qu’ils imposèrent à l’occident après la guerre de 1973 au Moyen-Orient - sont toujours désireux de prouver qu’ils peuvent utiliser leur pouvoir économique pour impulser des changements.
L’offre faite par l’Arabie Saoudite et la Ligue Arabe de reconnaître Israël et son besoin de sécurité en échange d’un retrait israélien des territoires arabes occupés n’a pas - d’après les Saoudiens eux-mêmes - une durée de validité indéterminée. Si elle est ignorée ou repoussée, ils peuvent alors rechercher d’autres alliés, par le biais de nouvelles institutions financières, pour imposer la naissance d’un nouveau Moyen-Orient. La Chine sera heureuse de les y aider.
ContreInfo - 07.10.09
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