L’annonce par François Fillon d’un budget pour 2010 avec le déficit record de 8,5% du PIB a provoqué de nombreuses réactions. Jean-Pierre Raffarin a ainsi, sur Canal+, trouvé ce chiffre trop important. Il est dans son rôle traditionnel et cela n’étonne personne. Par contre, les déclarations de Benoît Hamon le 27 septembre selon lequel la France « était ruinée » sont beaucoup plus surprenantes (1). Elles ont été confirmées, mais ceci est un peu moins surprenant, par des déclarations allant dans le même sens de François Hollande.
Ainsi, les socialistes se seraient convertis à la rigueur budgétaire ?
Venant après leur conversion à l’Europe libérale, ceci ne serait guère étonnant, si cela n’introduisait une dissonance majeure dans leur discours. Disons-le tout net : il est peu probable que les socialistes gagnent en crédibilité sur cet argument, mais ils perdront certainement celle qu’il pouvait encore conserver, et en particulier Benoît Hamon, sur d’autres arguments comme la politique industrielle ou le protectionnisme européen (2).
Benoît Hamon est-il idiot ? (1/3)
Il faut tout d’abord reprendre les chiffres, et visiblement Benoît Hamon ne les connaît pas, ni tous ceux qui tiennent un discours catastrophiste sur la dette.
Tout d’abord, il est clair que la France n’est pas spécifiquement ruinée. Elle se trouve même légèrement au-dessous de la moyenne de la zone Euro avec 81,5% prévu pour 2010 contre une moyenne pondérée de 83,6%. Ensuite, la dette ne s’accroît pas en France plus vite qu’ailleurs.
Ici encore, on constate que la France est dans la moyenne des pays industrialisés. La dette s’accroît bien plus vite chez les ex-« bons élèves » que furent les Pays-Bas, la Finlande, l’Irlande et l’Espagne. Il est vrai que pour les pays les plus endettés il n’y avait guère de marges de manœuvres (Italie, Grèce et Belgique).
Cependant, ceci ne donne qu’une image partielle du problème de l’endettement. À la dette publique, encore faut-il ajouter celle des ménages et celle des entreprises. Et là, une surprise nous attend. En 2006, la France était le moins endettée de tous les grands pays d’Europe (Figure 1 ci-dessous). Ceci était dû à la relative faiblesse de l’endettement des ménages. Les deux champions de l’endettement étaient l’Espagne et la Grande-Bretagne. Quant aux États-Unis, avec plus de 240% de dette globale, ils apparaissaient bien comme les champions toute catégorie.
Si l’on regarde maintenant 2010, avec des calculs supposant que les ménages se désendettent dans tous les pays où ils sont fortement endettés, et que l’endettement des entreprises tend à s’accroître, on constate alors que l’endettement de la France reste légèrement inférieur à celui de l’Allemagne, et très nettement inférieur à celui de la Grande-Bretagne et de l’Espagne (Figure 2 ci-dessous). Il est exact que ces chiffres n’incluent pas, et cela est vrai pour TOUS les pays, la totalité de la dette publique. Ainsi, certains des comptes sociaux, ou la dette garantie par l’État de certaines entreprises aux Etats-Unis, ne sont pas inclus dans la dette publique. Les chiffres ici doivent être compris comme des chiffres comparables mais non pas complets.
Benoît Hamon est-il idiot ? (2/3)
Il faut maintenant revenir sur le fonds de l’argumentation. Dans une récession, si l’on veut faire de la relance, il n’y a pas d’autres solutions que d’injecter de l’argent, et cela s’appelle le déficit budgétaire. Même le modèle IS-LM, qui est à Keynes ce que la musique militaire est à la musique et les restaurants universitaires à la gastronomie, le montre (5). Cela, un dirigeant du PS aspirant aux plus hautes fonctions devrait le savoir.
On peut certes toujours ergoter sur la manière dont les fonds sont distribués, trouver que l’on a fait trop de cadeaux aux plus riches (c’est vrai), que l’on n’exerce pas assez de contrôle sur les entreprises qui bénéficieront des subsides de l’État (c’est aussi vrai…), et que le plan de relance n’est probablement pas assez efficace (c’est encore vrai). Bref, les thèmes sur lesquels on peut critiquer le gouvernement et le Président ne manquent pas. On peut aussi rappeler que notre Président s’était engagé en faveur des hypothèques rechargeables, dont on a vu le succès aux États-Unis avec les « subprimes ». On peut dénoncer sa gestion par le discours de la crise, ses effets d’annonce jamais suivis de transformation en mesures réelles et concrètes, sa capacité à présenter comme une avancée majeure des micro-mesures.
Mais, attaquer sur la dérive budgétaire alors que nous sommes en pleine crise et que cette crise va durer est tout bonnement irresponsable. Ce qui menace la France et l’Europe aujourd’hui c’est la déflation, pas le déficit public. Vouloir entonner cette antienne c’est préparer les verges avec lesquelles on se fera battre une fois au pouvoir. Car, nos apprentis pères la rigueur du PS trouveront toujours plus à droite et toujours plus rigoureux qu’eux.
La raison pour laquelle il faut du déficit budgétaire est simple. D’une part, et on l’a dit, il faut injecter de l’argent dans l’économie et ce à un moment où les effets de la crise de liquidité ne sont pas pleinement surmontés. Dans le secteur des PMI/PME, le nombre des faillites est déjà en train d’augmenter (6) et les plans sociaux qui seront annoncés cet automne risquent d’avoir un effet désastreux.
D’autre part, seul l’État peut investir dans une telle situation et ce alors que l’investissement est globalement paralysé. La France a pris du retard en ce domaine, entre autres choses par la faute de l’Europe qui impose peu à peu sa déréglementation dans les services publics (7). La période se serait prêtée à un grand plan de développement des transports fondés sur la re-dynamisation de la SNCF. On peut en dire autant dans le domaine de l’énergie, où l’on va comprendre – mais un peu tard – que la logique du « découplage » entre producteurs et réseaux de transports, qui a été mise en œuvre afin d’imposer la concurrence, va nous conduire à des choix qui seront à la fois malthusiens (avec comme conséquence des « black-out » à répétition (8) ) et écologiquement non durables (9).
S’il y a une chose, que l’on peut reprocher au plan de relance du gouvernement, c’est de ne pas mettre l’accent sur les investissements publics – les sommes engagées sont dérisoires – et de ne pas avoir exigé de la Commission de Bruxelles un moratoire sur l’application des directives concernant la concurrence. Il y avait là une bataille qui avait un sens et qui aurait préparé l’opinion à une autre politique. Mais peut-être est-ce cela que l’on veut éviter ?
Bref, il est clair que Benoît Hamon a dit là quelque chose qu’il regrettera, et qui ne reflète d’ailleurs probablement pas sa pensée. Pour cela on peut bien lui tirer (un peu) les oreilles…
Benoît Hamon est-il idiot ? (3/3)
Ceci nous ramène à ce qui semble être devenu la stratégie du PS. Quoi qu’il arrive, c’est la faute de Sarkozy et du gouvernement. Il pleut ? C’est la faute de Sarko ! Il fait trop chaud ? C’est la faute de Sarko !
Que l’on ne se méprenne pas sur mon propos. Il y a plein de choses à critiquer dans la politique de Sarkozy et de ce gouvernement. Je l’ai dit, et je le répète. En particulier dans sa gestion de la crise, dans sa politique qui consiste à tenir des discours ronflants et à ne rien faire, voire à faire le contraire, par la suite. On doit aussi lui reprocher de tout ramener à lui et d’avoir, par son ego démesuré, mis à mal les institutions. Quant à la politique de François Fillon avant le déclenchement de la phase aiguë de la crise, elle pouvait s’apparenter à celle d‘un Pierre Laval dans les mêmes circonstances. En cherchant à affaiblir le système de protection social du pays, il a en réalité rendu la crise plus violente quand celle-ci s’est déclenchée. Nombre des mesures prises dans l’urgence sont aussi très discutables. Ainsi la « prime à la casse », qui incontestablement donne de bons résultats dans l’immédiat, n’est rien d’autre qu’une mesure qui avance aujourd’hui une consommation qui était prévue demain. Mais le total de la consommation tel qu’il se répartit dans le temps en reste inchangé (10).
Bref, il y a de quoi articuler une réelle critique de gauche contre le gouvernement et contre notre Président. Mais, tenir ce discours du « c’est la faute à Sarko » sur tout et n’importe quoi va poser un redoutable problème de cohérence à ses opposants.
Ils n’arrivent même pas à comprendre que ce qui maintient en un sens Sarkozy au pouvoir, outre bien sûr les institutions, c’est l’incohérence et donc le manque de crédibilité de l’opposition. Ce n’est pas en épousant pour un instant le discours de la rigueur, quitte le lendemain à revenir brutalement aux sources d’un discours beaucoup plus traditionnel, que le PS sortira de son problème de crédibilité.
Il faut aussi comprendre que ce problème est consubstantiel à TOUS les partis sociaux-démocrates qui ont fait leur tournant libéral. Le SPD l’a payé durement lors des récentes élections en Allemagne, non seulement au profit du Linke qui est passé de 7% à 13%, mais aussi, et c’est plus grave pour toute la gauche allemande, au profit d’une abstention importante qui a permis à la droite de former une majorité. C’est bien la politique du SPD qui, en écoeurant ses propres électeurs, a permis la victoire d’Angéla Merkel et des libéraux.
Ce qui nous ramène au problème stratégique du PS et à celui de Benoît Hamon. À dire sur France 2 avec emphase « la France est ruinée » (ce qu’il a répété à trois reprises) il a oublié les choses suivantes :
1 - Que la France n’est pas plus ruinée que les autres pays d’Europe, ce que j’ai montré au début de ce texte.
2 - Que ce qui ruine la France, c’est plutôt une politique fiscale induite par l’absence (durable) de compromis européen en la matière, situation qui nous expose à être les jouets des politiques fiscales d’autres pays, bien décidés à faire de la concurrence fiscale leur maître mot. En l’absence de barrières protectionnistes face à ses pays, nous n’avons plus de réelles capacités à gérer notre fiscalité.
3 - Que ce qui ruine la France, c’est d’abord la désindustrialisation induite par la mise en concurrence sur la base « moins coûtant » entre des économies où la formation des coûts se fait sur des bases très différentes, mais où la productivité converge avec la nôtre, par le biais des investissements étrangers (11). C’est pour lutter contre ce phénomène que nous avons dans un premier temps détaxé nos entreprises puis dans un deuxième temps que nous avons subventionné ces mêmes entreprises (par le remboursement des charges sociales), en n’arrivant au bout du compte qu’à freiner le processus mas pas à l’arrêter. Seules des mesures protectionnistes sont en mesure d’inverser cette situation, ce que Benoît Hamon sait bien, puisqu’il se prononce en faveur de ces mesures (12).
4 - Que ce qui ruine la France c’est, pour finir, une politique de financiarisation de l’économie qui a soumis l’ensemble de nos activités à la loi de la formation des profits sur les marchés financiers. Non seulement cette politique ruine la France, mais elle tue les travailleurs, comme le montre la montée des coûts de santé directement liés au « stress au travail » et comme en témoignent les suicides à France-Telecom. Notons ici que le PS, et Benoît Hamon, aurait été mieux inspiré s’ils avaient déposé une plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui » contre le PDG de cette compagnie.
Ce sont ces politiques les premières responsables des maux que nous connaissons. La responsabilité en est cependant partagée entre la droite et le PS, et telle est probablement la raison pour laquelle Benoît Hamon ne peut, ou ne veut, tenir le discours de la vérité. Rappelons ici la politique désastreuse de Jacques Delors, alors Ministre des Finances de François Mitterrand, suivie de la politique non moins désastreuse de Pierre Bérégovoy toujours en tant que Ministre des Finances (paix à ses cendres…), enfin la politique du gouvernement Jospin de 1997 à 2002. S’il y a une leçon à tirer de toute cette histoire, c’est que la gauche quand elle mène une politique de droite finit toujours par faire le lit de cette dernière.
En fait, Benoît Hamon n’est pas idiot. En tant que porte-parole d’un parti qui a abdiqué toute prétention à changer notre société, il est obligé de donner dans la plus basse démagogie, au risque de rendre son propre discours – celui qu’il tient en tant que dirigeant du courant Un Monde d’Avance – complètement inintelligible et inaudible. Le Benoît Hamon de UMA arrivera-t-il à faire oublier ce que le Benoît Hamon, porte-parole du PS, a dit ? Rien n’est moins sûr. La cohérence est l’un des atouts majeurs en politique, ce que nous savons depuis des lustres. Pour avoir oublié cette leçon, Benoît Hamon mérite bien qu’on lui tire (un peu) les oreilles.
Comment en sortir ?
Ceci étant, la dette publique pose bien le problème de son remboursement. Certes, pas dans les termes catastrophistes que l’on nous présente, de Benoît Hamon à quelques autres. Mais, il est clair que cette dette pose le problème du risque d’une déflation, et donc d’une inscription dans une dépression de longue durée.
Il faut ici poser une question, autrement plus importante que celles qui sont posées par le porte-parole du PS : pourquoi la Banque Centrale Européenne prête-t-elle à 1% aux banques alors que le gouvernement doit emprunter à 3,51% ?
Il y a là un scandale qui est autrement plus grave que celui du Budget prévu pour 2010. Pourquoi la BCE ne reconnaît-elle pas l’effort que font les gouvernements pour maintenir l’activité, et n’accorde-t-elle pas à ces derniers les mêmes faveurs qu’aux banques, qui sont quand même, il ne faudrait pas l’oublier, les responsables de la crise dans laquelle nous sommes plongés ?
Bien entendu, nous connaissons la réponse : le statut de la BCE. Celui-ci fait obligation à cette dernière de lutter contre l’inflation.
Sauf que, le financement d’une partie de la dette publique par la Banque Centrale ne provoque pas obligatoirement une inflation. On connaît l’histoire de l’Allemagne en 1923-24, mais on oublie que la Banque Centrale Allemande a eu à financer, outre les dettes accumulées, un déficit budgétaire dépassant les 30% et lié au financement par l’État de la grève générale dans la Ruhr pour protester contre l’occupation par les troupes belges, françaises et italiennes. On pourrait multiplier les exemples et l’on s’apercevrait que les hyper-inflations ont, à chaque fois, été déclenchées par un choc exogène violent (occupation de la Ruhr, financement d’un chasseur dans le cas d’Israël, etc.). De plus, nous sommes actuellement beaucoup plus menacés par la déflation que par l’inflation.
Dans ces conditions, et si nous étions dans un monde, si ce n’est parfait, du moins composé de gens raisonnables, nous pourrions avoir une décision de la BCE de financer à 1%, voire à 0%, la partie du déficit qui est (a) directement liée à la crise (soit le résultat des baisses de collecte fiscale et des plans de relance) et (b) qui porte sur les efforts d’investissement que font les États. Ceci ne concernerait pas les dépenses courantes. Ces conditions seraient généralisées pour la seconde partie mentionnées ici de ces déficits, et seraient par contre restreintes à la durée de la crise pour la première partie.
Dès lors, le financement des mesures nécessaires à la sortie de la crise pourrait avoir lieu sans exercer une contrainte sur la croissance future et mettrait fin à l’actuelle surévaluation de l’Euro qui coûte si cher à l’économie française (13).
Mais, et nous le savons bien, nous ne sommes pas dans un monde peuplé de gens raisonnables. L’expérience passée le prouve, hélas ; on a sacrifié la croissance à une certaine conception de la zone Euro (14). Il faut alors penser comment y faire triompher la raison.
Une première solution serait de menacer de quitter la zone Euro. Cette menace ne serait pas prise à la légère par nos partenaires, surtout si elle s’accompagnait de mesures préparatoires rendant possible une telle sortie. L’Allemagne, pour ne parler que d’elle, ne saurait voir sans effroi la France sortir de la zone Euro et dévaluer sa monnaie d’environ 20% à 25%. L’impact sur le commerce extérieur Allemand serait immédiat. Ceci devrait logiquement nous éviter d’avoir recours à cette extrémité, et l’on peut penser qu ‘un compromis est possible sur le statut de la BCE.
Cependant, ce compromis ne sera possible que si nos partenaires sont réellement convaincus de notre volonté de quitter la zone Euro. Aussi faut-il envisager sérieusement cette solution, ne serait-ce que pour ne pas avoir à l’appliquer.
La sortie de la zone Euro pose en réalité trois problèmes : un problème technique (l’impression de nouveaux billets), un problème monétaire (quel taux de change et quelle convertibilité), enfin le problème de la dette accumulée. Ce sont des problèmes sérieux, mais nullement insolubles.
Le premier problème, celui de l’impression des nouveaux billets, peut être résolu dans un délai de 6 mois. C’est d’ailleurs le délai que le gouvernement français devrait donner à ses partenaires dans la négociation.
Le second problème est celui du taux de change. Il est clair qu’une sortie de la zone Euro doit s’accompagner d’une dévaluation de 20% à 25% pour être efficace. La première chose à faire sera de réintroduire immédiatement un contrôle des changes et des capitaux, et ceci dès l’annonce du délai que nous donnons à nos partenaires. Cette mesure les convaincra par ailleurs du sérieux de notre volonté. Si un accord peut être atteint avant l’échéance des 6 mois, ce que je souhaite, il est clair que ces mesures seront levées. Sinon, elles sont appelées à être maintenues pour stabiliser le cours du Franc tant à la baisse qu’à la hausse. Pour certaines d’entre elles, un assouplissement progressif est concevable (essentiellement pour les mesures portant sur les délais de change liés aux opérations commerciales). Rappelons enfin que le développement de la pratique des cartes bancaires rendra le contrôle des changes beaucoup plus efficace que ce qu’il n’était auparavant. Un problème connexe est celui de la transformation des comptes bancaires de l’Euro en Franc. On peut proposer que cette transformation se fasse à des taux différents suivant les montants. Par exemple, si nous partons de l’hypothèse qu’un Franc vaudra 0,8 Euro (dévaluation de 20% à partir de l’Euro ou de 25% à partir du nouveau cours du Franc), nous pourrions avoir une transformation sur la base d’un coefficient de 1,25 (soit 1,25 Franc pour 1 Euro) pour les livrets A et tous les comptes d’épargne populaire à hauteur de 50 000 Euros. Le taux pourrait alors passer progressivement de 1,25 à 1 pour les autres comptes et les tranches supérieures. Bien entendu, ceci s’appliquerait uniquement aux personnes résidant en France et, sous certaines conditions qui resteraient à préciser, aux français non-résidents. Pour tous les résidents par contre, leur endettement sera transformé en Franc au cours de 1 pour 1. En établissant ainsi une différence entre le traitement des dépôts et des dettes, on contribuera à alléger la dette des ménages les plus exposés et l’on contribuera à leur solvabilité.
Reste le troisième problème, celui de la dette, qui est de loin le plus délicat. Notre dette est désormais libellée en Euro. Elle ne pourra donc que s’accroître face à la dévaluation de notre PIB calculé en Francs. La solution ici réside dans le rachat de cette dette par tranches annuelles successives, par l’émission d’une dette nouvelle en Francs, ou dans un défaut partiel. La première de ces solutions est à souhaiter, dans la mesure où un défaut, même partiel, nous condamnerait pour un certain temps à renoncer aux marchés financiers étrangers. Cependant, dans la mesure où la convertibilité du Franc serait limitée aux opérations commerciales, un tel renoncement aurait probablement moins d’effets que ce que l’on peut imaginer. Notons qu’en ce qui concerne des nouveaux déficits, les règles expliquées plus haut s’appliqueraient, et qu’il ne serait pas question de faire financer, sauf exception due à une conjoncture économique particulièrement mauvaise, les déficits de fonctionnement par la Banque Centrale (qui serait redevenue la Banque de France). Ceci aurait aussi pour effet d’obliger l’État dans la présentation de son budget à soigneusement distinguer ce qui relève du fonctionnement de ce qui relève de l’investissement.
Nul ne doute que sortir de l’Euro serait une opération difficile, mais elle est loin d’être impossible. Mieux vaudrait ne pas avoir à le faire, mais ceci reste largement suspendu à la décision de nos partenaires. Prévoir le plus mauvais des scenarii relève donc d’une politique réaliste. Non que l’on souhaite une telle issue, mais on la considère comme possible.
Il faut ici noter que si, par malheur, nous devions sortir de la zone Euro, alors la dévaluation de 25% que l’on préconise pourrait nous permettre de renoncer, du moins temporairement, à l’adoption d’un système protectionniste vis-à-vis des autres pays de l’Union Européenne. Le problème se poserait cependant toujours pour des pays extérieurs à cette zone.
On peut certes rétorquer que l’on aurait alors mis à mal ce qui passe aux yeux de certains pour la plus grande conquête du second septennat de François Mitterrand. À cela on peut répondre qu’il n’y a que les imbéciles qui fétichisent un symbole, et qu’il est bien plus important d’assurer la prospérité de la France que de se cramponner à un symbole. Pour autant que je le sache Benoît Hamon n’est pas un imbécile.
(1) Associated Press, 29/09/2009.
(2) Agoravox, 30 septembre 2009, Interview de Benoît Hamon.
(3) Et on rappellera ici qu’une partie de la dette publique des Länder n’est pas consolidée avec la dette publique en Allemagne, que les Etats-Unis ont étendu la garantie de l’État à diverses entreprises financières dont la dette représente environ 15% du PIB, qu’en Grande-Bretagne la dette des collectivités locales n’est pas consolidée à la dette publique, etc…
(4) Et ici, l’auteur de ce texte plaide coupable d’avoir, dans le début des années 1980, contribué à enseigner ce modèle à des étudiants en 2ème année d’économie, tout en sachant pertinemment qu’il était très loin de représenter le raisonnement de Keynes. Mais il plaide aussi les circonstances atténuantes. Le professeur en titre s’appelait Dominique Strauss-Kahn.
(5) La Tribune, 29 septembre 2009.
(6) On lira avec profit sur les effets de la politique européenne de la concurrence dans le domaine de l’assurance D. Scalera et A. Zazzaro, « The Unpleasant Effects of Price Deregulation in the European Third-Party Motor Insurance Market : A Theoretical Framework », The B.E. Journal of Economic Analysis & Policy, vol. 7 (2007) : Issue I (Contribution), Article 50. Cet article peut tout à fait s’appliquer au secteur des services publics.
(7) S. Borenstein, « The trouble with electricity markets: Understanding California's restructuring disaster » in Journal of Economic Perspective, vol. 16, n°1/2002, pp. 191-211.
(8) J. Percebois et P. Wright, « Electricity consumers under the state and the private sector: comparing price performance of the French and UK electricity industries, 1990-2000 » in Utilities Policy, n°10/2001, pp. 167-179.
(9) Ce que l’on appelle la consommation inter-temporelle.
(10) P. Artus, « Quels risques pèsent sur les salaries européens ? », Flash-Economie n°2006-153, 11 avril 2006, IXIS, Paris. Voir aussi P. Artus, « Pourquoi l’ouverture aux échanges semble être défavorables dans certains cas ? », Flash-Economie n°2004-53, 17 février 2004, CDC-IXIS, Paris.
(11) Voir son interview dans Agoravox du 30/09/2009.
(12) F. Cachia, « Les effets de l’appréciation de l’Euro sur l’économie française », in Note de Synthèse de l’INSEE, INSEE, Paris, 20 Juin 2008.
(13) J. Bibow, « Global Imbalances, Bretton Woods II and Euroland’s Role in All This » in J. Bibow and A. Terzi (eds), Euroland and the World Economy: Global Player or Global Drag?, New York (NY), Palgrave Macmillan, 2007.
Marianne2 - 05.10.09
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