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06/10/2009

Les « centres de fusion » de Big Brother font partie de l’appareil de renseignement et de surveillance intérieur

Tom Burghardt - Mondialisation.ca, Le 5 octobre 2009

Les centres de fusion auront accès aux renseignements militaires classifiés

Lors d’une allocution le 15 septembre au Commonwealth Club de San Francisco, le directeur du renseignement national, l’amiral Dennis C. Blair, a révélé que l’actuel budget annuel pour la « communauté du renseignement » (CR)de 16 agences se chiffre 75 milliards de dollars et emploie 200 000 personnes à travers le monde, incluant des contractuels de l’entreprise privée.

En dévoilant une version non classifiée de la Stratégie de renseignement national (National Intelligence Strategy, NIS), M. Blair soutient qu’il cherche à abolir « cette vieille distinction entre le renseignement militaire et non militaire », en affirmant que la traditionnelle « ligne de faille » séparant les programmes militaires secrets de l’ensemble des activités de renseignement n’est plus pertinente.

Comme pour souligner la nature radicale des propos de M. Blair, Federal Computer Week rapportait le 17 septembre que « certains officiels non fédéraux ayant les autorisations requises et qui travaillent aux centres de fusions des données du renseignement partout au pays auront bientôt un accès limité à de l’information classifiée liée au terrorisme se trouvant dans le réseau d’information classifiée du département de la Défense » . Selon la publication :

Dans le cadre de ce programme, les officiels étatiques, locaux ou tribaux autorisés pourront accéder à des données pré-approuvées sur le Secret Internet Protocol Router Network. Ils n’auront pas la capacité de téléverser des données ou d’éditer du contenu existant, ont déclaré les officiels. Ils n’auront pas non plus accès à toutes les informations classifiées, mais seulement à celles que les officiels fédéraux mettront à leur diposition.

Les officiels non fédéraux auront accès par le Réseau de données de niveau secret du département de la Sécurité intérieure (Homeland Security, DHS). Selon le DHS, ce réseau est actuellement déployé dans 27 des plus de 70 centres de fusion partout au pays. Des officiels de divers niveaux du gouvernement partagent de l’information liée à la sécurité intérieure par le biais des centres de fusion. (Ben Bain, "DOD opens some classified information to non-federal officials," Federal Computer Week, 17 septembre 2009)

Depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001, le gouvernement fédéral a encouragé la croissance explosive des centres de fusion. Comme l’envisageaient les sécuritaristes, ces institutions hybrides ont élargi la collecte d’informations et les pratiques de partage à une grande variété de sources, incluant les bases de données commerciales, entre les autorités policières locales et étatiques, le secteur privé et les agences fédérales de sécurité, y compris le renseignement militaire.

Toutefois, les centres de fusion, à l’instar des fameuses « brigades rouges » des années 1960 et 1970, se sont rapidement métamorphosés en galeries marchandes de sécurité nationale, où les officiels surveillent non seulement les présumés terroristes, mais aussi les activistes de gauche et les militants écologistes, considérés comme une menace à l’ordre corporatif existant.

On ignore à ce jour le nombre d’analystes du renseignement militaire dans les centres de fusion, en quoi consiste leur rôle et s’ils se consacrent ou non à la surveillance intérieure.

Si les anciennes pratiques peuvent indiquer où mèneront la conduite actuelle du Office of the Director of National Intelligence (ODNI), en mettant un terme à la « traditionnelle ligne de faille » interdisant à l’armée de s’engager dans le maintien de l’ordre civil, alors un autre pas troublant aura été fait sur la voie obscure de la militarisation de la société étatsunienne.

U.S. Northern Command: nourrir la bête de la surveillance intérieure

Depuis sa défaillance de 2002, le US Northern Command (USNORTHCOM) et les attirails de renseignement militaire qui y sont rattachés, tels que la Defense Intelligence Agency (DIA) et la défunte Counterintelligence Field Activity (CIFA), ont participé à de vastes opérations de surveillance chez les groupes antiguerre et d’autres groupes d’activistes, en se connectant aux bases de données commerciales et à celles du Pentagone dans une quête chimérique de « profils suspects ».

Dans leur état actuel, les centres de fusion sont des entités généralement non imputables oeuvrant sans une supervision appropriée et ont été impliquées dans des violations flagrantes de droits civiques, comme la compilation de dossiers de sécurité nationale ayant fait atterrir des militants sur diverses listes de surveillance des terroristes.

Antifascist Calling révélait l’an dernier l’étrange affaire du sergent de la marine d’artillerie Gary Maziarz et du colonel Larry Richards, réservistes de la Marine stationnés à Camp Pendleton à San Diego. Le sergent Maziarz, le colonel Richards et un groupe de compagnons des marines, incluant le cofondateur du Los Angeles County Terrorist Early Warning Center (LACTEW) ont volé des dossiers secrets du Strategic Technical Operations Center (STOC).

Lorsqu’ils travaillaient au STOC, le cercle d’espionnage privé est disparu avec des centaines de dossiers classifiés, y compris ceux portant la mention « Top Secret, Special Compartmentalized Information » (Information spécialement classifiée très secrete), le plus haut niveau de classification du gouvernement des États-Unis. Les fichiers comprenaient des dossiers de surveillance sur la communauté musulmane et sur des militants antiguerre du sud de la Californie.

Selon le San Diego Union-Tribune, qui a révélé l’affaire en 2007, avant d’être pourchassés, le sergent Maziarz, le colonel Richards et le commandant réserviste de la Marine Lauren Martin, agente contractuelle du renseignement civil au USNORTHCOM, ont obtenu de l’information illégalement sur le Secret Internet Protocol Router Network (Réseau routeur secret de protocoles Internet, SIPRNET). Il s’agit du même système secret auquel les centres de fusion auront accès en vertu de la nouvelle proposition du département de la Défense.

Prétendant agir pour des « motifs patriotiques », les espions de la Marine ont partagé cette information classifiée sur le contre-terrorisme avec des entrepreneurs privés dans l’espoir d’obtenir un futur emploi. Bien qu’ils n’aient pas réussi à décrocher d’emplois éminents liés au contre-terrorisme dans le secteur privé, on ne peut pas exclure que des firmes de sécurité sans scrupules pourraient dans l’avenir être prêtes à mordre à l’hameçon afin d’avoir une longueur d’avance sur la compétition.

Jusqu’à maintenant, seuls les conspirateurs des plus bas échelons ont été accusés. D’après le Union-Tribune, « on a mentionné que les colonels Larry Richards et David Litaker, le major Mark Lowe et le commandant Lauren Martin, tous de la Marine, étaient également liés à cette affaire, mais aucun d’entre eux n’a été accusé ». L’avocat d’un des codéfendeurs, Kevin McDermott, a affirmé au journal : « C’est la situation classique où plus votre rang est élevé, plus vous avez de chances de ne pas être accusé. »

Ça vous dit quelque chose? Appelons ça les instructions permanentes d’opération aux États-Unis post-constitutionnels, où les officiels de haut rang et les officiers supérieurs s’en sortent indemnes pendant que les fantassins portent le fardeau et purgent une lourde peine pour les crimes de leurs supérieurs.

Les centres de fusion et le renseignement militaire : meilleurs amis pour toujours!

Une autre affaire emblématique de la coopération étroite entre les centres de fusion et le renseignement militaire est le cas de John J. Towery, un agent civil contractuel qui travaillait pour l’unité de protection des forces de Fort Lewis.

En juillet, The Olympian et Democracy Now! ont révélé comment John J. Towery avait infiltré et espionné le groupe antiguerre Olympia Port Militarization Resistance (OlyPMR) et partagé cette information avec la police.

Depuis 2006, le groupe a organisé des manifestations aux ports Washington et a cherché à empêcher l’envoi de cargaisons militaires en Irak. Selon The Olympian :

Brendan Maslauskas Dunn, membre de OlyPMR, a déclaré lundi dans une entrevue qu’il avait reçu une copie du courriel de la ville d’Olympia en réponse à une demande d’accès à des documents publics demandant toute information détenue par la ville sur les « anarchistes, l’anarchie, l’anarchisme, Students for a Democratic Society (Étudiants pour une société démocratique SDS), ou Industrial Workers of the World (Travailleurs industriels du monde IWW) ». (Jeremy Pawloski, « Fort Lewis investigates claims employee infiltrated Olympia peace group », The Olympian, 27 juillet 2009)

Ce que M. Dunn a découvert était grandement troublant, c’est le moins que l’on puisse dire. M. Towery, qui se faisait passer pour un anarchiste sous le nom de « John Jacob », avait infiltré OlyPMR et était l’un des nombreux administrateurs de LISTSERV contrôlant les communications électroniques de l’organisation.

L’agent du renseignement civil a admis à M. Dunn qu’il avait espionné le groupe mais prétendait que personne ne le payait et qu’il ne se rapportait pas à l’armée, une affirmation qui s’est révélée fausse.

Joseph Piek, un porte-parole de Fort Lewis a confirmé à The Olympian que M. Towery était un employé à contrat et que l’agent d’infiltration « effectu[ait] un travail délicat dans les installations de la communauté d’application de la loi, [mais] qu’il ne serait pas convenable pour lui de discuter de ses tâches avec les médias ».

En septembre, en réponse à sa demande d’accès aux documents publics, The Olympian a obtenu des milliers de pages de courriels de la Ville d’Olympia. Le journal a révélé que le Washington Joint Analytical Center (WJAC), un centre de fusion, avait copié des messages envoyés à M. Towery sur les activités de OlyPMR alors que l’association préparait sa manifestation au port en novembre 2007.

Le WJAC est un centre d’échanges de certains types d’informations antiterroristes et de renseignement sensible récoltés et distribués aux autorités policières à travers l’état. Le WJAC reçoit des fonds du gouvernement fédéral. .

L’essentiel de presque tous les courriels du WJAC à la police d’Olympia a été noirci dans les copies fournies à The Olympian. (Jeremy Pawloski, « Army e-mail sent to police and accused spy », The Olympian, 12 septembre 2009)

De plus, en juillet le site web dénonciateur Wikileaks a publié un fichier de 1525 pages sur les activités du WJAC.

Un document provenant du bureau local du FBI à Seattle décrivait le WJAC comme une agence « mettant à profit les efforts de renseignement existants de la part les agences locales, régionales et fédérales en organisant et en distribuant des informations sur les menaces et d’autres efforts de renseignement aux autorités policières, aux premiers intervenants et aux décideurs clés à travers le pays.

Les centres de fusions sont également des vaches à lait pour les entreprenants escrocs de la sécurité. Julian Assange, éditrice des enquêtes à Wikileaks, a décrit les portes tournantes existant entre les agences d’espionnage du Pentagone et les firmes privées de sécurité, qui récoltent des millions en plaçant des interrogateurs et des analystes au sein de appareils comme le WJAC.

Des débats approfondis ont eu lieu aux États-Unis sur le degré de sécurité relatif au transfert des détenus de Guantánamo en sol étatsunien. Mais qu’en est-il de leurs interrogateurs?

Kia Grapham, un officier du renseignement, est colportée par sa compagnie au Washington State Patrol. Dans son CV confidentiel, Mme Grapham vante son assistance à plus de 100 interrogatoires de « cibles de renseignement humain de grande importance » à Guantánamo. Elle poursuit en disant comment elle est formée et accréditée pour employer la technique d’interrogatoire réservée : Séparation, tel que spécifié par FM 2-22.3, annexe M.

D’autres, comme Neoma Syke, ont réussi à passer à plusieurs reprises du renseignement militaire au renseignement effectué par des entreprises privées, sans même changer d’édifice.

Le fichier énumère le placement de six entrepreneurs en renseignement au sein du WAJAC pour le compte du Washington State Patrol, au montant d’environ 110 000 dollars chacun par année. .

De tels centres de « fusion », lesquels combinent l’armée, le FBI, la police d’État et d’autres, ont été encouragés à l’interne par l’Armée étatsunienne comme moyen d’éviter des restrictions empêchant l’armée d’espionner la population. (Julian Assange, « The spy who billed me twice », Wikileaks, 29 juillet 2009)

Les documents de Wikileaks offrent des détails saisissants sur la façon dont des firmes comme Science Applications International Corporation (SAIC), The Sytex Group et Operational Applications Inc. placent régulièrement des opérateurs au sein du renseignement militaire et des centres de fusion civils à un prix élevé.

Julian Assange se demande si ces placements ne sont pas simplement une preuve de corruption, mais qu’ils sont plutôt « conçus pour échapper à une multitude de lois sur la surveillance durement gagnées s’appliquant à l’armée et à la police, mais pas aux agents contractuels? Est-ce pour tenir des employés sélectionnés hors de vue de l’inspecteur général »? Les preuves disponibles suggèrent fortement que oui.

Comme le documentaient la American Civil Liberties Union (ACLU) dans ses rapports de 2007 et 2008 sur les abus des centres de fusion, un des motifs est précisément de renverser les lois sur la surveillance, lesquelles ne s’appliquent pas au mercenaires contractuels des entreprises privées.

Le chien de garde des libertés civiles a qualifié l’expansion rapide des centres de fusion de menace pour nos droits constitutionnels et a cité des zones de préoccupations spécifiques : « leurs voies hiérarchiques ambiguës, le rôle troublant des entreprises privées, la participation de l’armée, l’utilisation de l’exploration de données et leur confidentialité excessive. »

Et en parlant des entreprise privées de sécurité imparties à une foule d’agences de renseignement, le journaliste d’investigation Tim Shorrock a révélé dans son indispensable livre Spies For Hire que depuis le 11 septembre, « la Central Intelligence Agency a dépensé de 50 à 60 pour cent de son budget pour des entreprises de contractuels à but lucratif, ou environ 2,5 milliards par an, et le nombre de ses employés à contrat excède maintenant les effectifs à temps plein de l’agence qui sont de 17 500 ».

En réalité, Tim Shorrock a appris que « pas moins de 70 pour cent du budget de renseignement du pays était dépensé en contrats ». Toutefois, la hausse fulgurante d’impartition à des entreprises de sécurité aisées vient avec très peu de surveillance efficace.

Le House Intelligence Committee rapportait en 2007 que l’administration Bush, et maintenant l’administration Obama, n’ont pas réussi à développer « une définition claire des fonctions de " nature gouvernementale" » signifiant en pratique, que bien des abus systématiques peuvent être dissimulés derrière le voile des « renseignements commerciaux de nature exclusive ».

Comme nous l’avons vu lorsque le scandale de la torture à Abu Ghraib a éclaté en 2004 et que le New York Times a tardivement sonné l’alarme sur la surveillance illégale généralisée des communications électroniques privées des Étatsuniens en 2005, les relations intimes du gouvernement avec les entreprises privées de sécurité, incluant celles qui sont intégrées dans les centres de fusions secrets, continueront à servir de « refuge » pour dissimuler et faciliter les crimes d’État contre la population étatsunienne.

Après tout, 75 milliards de dollars achète beaucoup de silence.

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