Les tensions croissantes entre des sections de l’état-major et l’administration Obama ont éclaté au grand jour dans le conflit opposant le commandant en chef en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, et la Maison-Blanche.
Les demandes de plus en plus acharnées de McChrystal pour l’envoi de 40 000 soldats supplémentaires, couronnées par son discours la semaine dernière à Londres devant l’Institut international pour les études stratégiques (IISS), ont provoqué des réprimandes de la part du conseiller d’Obama à la sécurité nationale, le marine à la retraite, général James L. Jones, et de la part aussi du secrétaire à la Défense, Robert Gates.
Bien qu’aucun des deux officiels n’aient mentionné le nom de McChrystal, ils ont clairement souligné que sa campagne publique pour l’envoi de troupes additionnelles, avant même une prise de décision du président Obama, était en violation des règles de subordination des officiers militaires en service au commandant en chef civil.
Dimanche, lorsque CNN lui a posé la question s’il était approprié pour un officier en uniforme de faire campagne publiquement pour un choix spécifique de politique de guerre, Jones a déclaré que, « Idéalement, les conseils militaires devraient passer par la hiérarchie de commandements. »
Gates a fait une déclaration encore plus catégorique lundi, affirmant devant une convention de l’armée à Washington que les officiels civils et militaires avaient l’obligation de maintenir leurs opinions privées lorsqu’ils tentent de conseiller le président.
« Je crois que les décisions que va prendre le président pour la prochaine étape de la campagne afghane seront parmi les plus importante de sa présidence », a-t-il dit. « Il est donc important de prendre notre temps pour faire en sorte que ce soit les bonnes décisions. Et dans ce processus, il est impératif que tous ceux d’entre nous qui prennent part à ces délibérations (les civils tout comme les militaires) offrent leurs meilleurs conseils au président, franchement mais en privé. »
Il a ensuite ajouté : « Et parlant au nom du département de la Défense, une fois que le commandant en chef prendra ses décisions, nous allons saluer et exécuter fidèlement ces décisions au meilleur de nos capacités. »
Le 31 août, McChrystal a rendu un long rapport au Pentagone sur la position de l’armée en Afghanistan, qui a été suivi d’un appel officiel pour plus de troupes. Il a mis en garde sur le fait que le délai pour une victoire militaire américaine en Afghanistan se rétrécissait. Il a évalué ce délai à aussi peu que 12 mois, parce que les Talibans et d’autres insurgés gagnent en force et parce que l’appui populaire pour la guerre est en chute.
Il a appelé à une stratégie de contre-insurrection, impliquant beaucoup plus de troupes américaines que celles présentement déployées. Le rapport été approuvé par le général David H. Petraeus, le chef du CENTCOM américain ainsi que par l’amiral Mike Mullen, le chef d'état-major interarmées.
Selon plusieurs reportages médiatiques, des éléments de l’administration Obama, ainsi que de l’armée elle-même, sont sceptiques face à la proposition de McChrystal et soutiennent des alternatives, comme l’escalade des opérations militaires américaines ciblant les refuges talibans et les insurgés anti-américains au Pakistan.
Lundi, le Daily Telegraph britannique a publié un rapport intitulé « Barack Obama furieux contre le discours du général Stanley McChrystal en Afghanistan ». Dans son discours à Londres, McChrystal a référé à une autre stratégie « contre-terroriste » attribuée au vice-président Joseph Biden, la comparant à la stratégie du « chaosistan », dans laquelle on laisserait le pays sombrer dans le chaos pour ensuite s’en occuper « de l’extérieur ».
Lorsque quelques journalistes de l’auditoire lui ont demandé s’il croyait que la stratégie attribuée à Biden pourrait fonctionner, McChrystal a répondu : « La réponse courte et facile est non. »
Le Telegraph a noté que seulement un jour après le discours, McChrystal « fut convoqué à une réunion embarrassante de 25 minutes à bord d’Air Force One sur le tarmac de Copenhague, lors d’un entretien privé avec le président, où ce dernier était venu vendre, sans succès, la candidature de Chicago pour les Jeux olympiques ».
Il n’y a pas d’aile « pacifique » dans les discussions sur la politique en Afghanistan à l’intérieur du Pentagone ou de la Maison-Blanche. Cela a été mis en évidence dans une déclaration faite lundi par le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, qui a dit que l’« option » qui ne serait pas considérée dans l’examen des politiques était le retrait des troupes américaines du pays occupé.
Bien que toutes les parties dans le débat à Washington s’opposent à tout retrait de l’Afghanistan, cette politique est de plus en plus favorisée par la population américaine. De récents sondages ont confirmé qu’une claire majorité était opposée à la guerre.
L’intervention de commandants en uniforme dans la discussion sur la politique en Afghanistan est l’expression claire du rôle de plus en plus sûr de soi qu’adopte l’état-major militaire dans la vie politique américaine. Le Pentagone accapare actuellement la part du lion des dépenses discrétionnaires fédérales, soit plus de 700 milliards de dollars en dépenses militaires pour l’année fiscale en cours, incluant les deux guerres et la maintenance de l’énorme stock d’armes nucléaires des Etats-Unis.
L’an dernier, en pleine campagne électorale, l’amiral Mullen, le chef d'état-major interarmées, avait attaqué publiquement la politique irakienne défendue par Obama durant la campagne présidentielle. Il alla jusqu’à se présenter au réseau Fox, un organe des républicains, pour critiquer le candidat démocrate à la présidence.
Le fait que le secrétaire à la Défense Gates s’est senti obligé de rappeler publiquement au corps d’officiers qu’il est subordonné aux dirigeants civils élus est en soi une démonstration de l’immense développement, sur de nombreuses années, du pouvoir et de l’indépendance de l’appareil militaire et de sécurité. On ne peut que présumer, avec l’immense crise des Etats-Unis en Afghanistan, que des éléments au sein de l’armée menacent de défier ouvertement l’autorité civile.
Les travailleurs doivent considérer cela comme une mise en garde contre la profonde érosion des procédures démocratiques et la menace croissante de dictature. La combinaison de la crise militaire à l’étranger, la plus profonde crise économique depuis la Grande Dépression et le développement de la misère sociale et de l’inégalité économique pousse inévitablement la classe dirigeante vers des formes de pouvoir autoritaires et répressives.
La source fondamentale de la désintégration de la démocratie américaine se trouve dans la crise du système de profit. Il est impossible de maintenir des procédures démocratiques dans une société où tout le pouvoir est entre les mains d’une minuscule couche de super riches, qui contrôle le gros de la richesse et a à sa disposition l’énorme appareil militaire et de renseignement basé à Washington.
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