Merci à la revue Prescrire et au Collectif Europe et Médicament qu'elle soutient de nous avoir envoyé leur communiqué de presse en date du 12 juin 2009. Le voilà dans son intégralité. Vous pouvez le lire en continuité avec le communiqué précédent, plus détaillé, en date du 18 mai 2009 ("L'éducation thérapeutique des patients abandonnée à l'industrie pharmaceutique par le Sénat"), ainsi qu'avec la note de Pharmacritique "Associations de patients financées par les labos: leurs conflits d'intérêts en font des moyens de pression sur les décisions politiques".
C'est sur les associations - instrumentalisées à cet effet - que se sont basés les sénateurs pour obtenir que l'industrie pharmaceutique puisse financer des programmes d'éducation thérapeutique des patients, et donc avoir un moyen supplémentaire d'influence sur les patients, et pas des moindres, puisque les associations gardent toujours cette image d'action désintéressée et occultent de ce fait les visées bassement commerciales des firmes... Décidément, on déroule le tapis rouge à l'industrie et on la comble de cadeaux, la pôôvre. Pôvre, car les profits de Sanofi-Aventis ne sont estimés qu'à 7 milliards 200 millions en 2009, ce qui place la firme en deuxième position après Total. O misère...
Les syntagmes "santé publique", "intérêt général" et autres anachronismes républicains de ce genre, ne sont plus de mise lorsque le monarque Sarkozy 1er en
personne a tellement de liens - de conflits d'intérêts - avec l'industrie pharmaceutique, en particulier avec Sanofi-Aventis... Son frère aussi, le Dr François Sarkozy. Nous en avons parlé surtout dans cette note et dans celle-ci.
J'ai suivi les débats au Sénat et reviendrai plus tard sur quelques perles qui y ont été prononcées... Mais le communiqué du Collectif a aussi le mérite de la concision, d'autant plus appréciable lorsqu'on est débordé et qu'on a pas soi-même le temps de faire une note là-dessus...
Voici le texte intégral du communiqué du Collectif Europe et Médicament:
(C'est Pharmacritique qui souligne en gras et en rouge)
"L'éducation thérapeutique des patients bientôt abandonnée aux firmes ? Les parlementaires peuvent encore dire non"
"Au printemps 2007, le ministre de la Santé Xavier Bertrand avait dû retirer un projet de légalisation des programmes dits d'"aide à l'observance" (alias accompagnement) des firmes pharmaceutiques, tant ce projet avait suscité d’oppositions.
Ces programmes sont avant tout guidés par des considérations économiques (a). Consciente de cette stratégie commerciale des firmes, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) s’était prononcée sans ambiguïté contre la confusion des rôles [1]. La Cour des comptes a considéré "qu'il appartient en priorité aux pouvoirs publics de répondre au besoin, bien réel, d'accompagnement des patients, et que celui-ci ne doit pas être abandonné aux firmes pharmaceutiques"
La ministre de la Santé elle-même, Roselyne Bachelot, avait aussi affirmé en 2008 souhaiter interdire tous contacts directs entre firmes et patients [3].
Pourtant, l'article 22 du projet de loi "Hôpital, patients, santé, territoire", adopté le 5 juin 2009 au Sénat (après avoir fait l’objet de plusieurs amendements du gouvernement), vide de leur sens les interdictions de contacts entre firmes et patients voulues par l’Assemblée nationale. Il permet en effet que les « entreprises se livrant à l'exploitation d'un médicament, des personnes responsables de la mise sur le marché d’un dispositif médical ou d’un dispositif médical de diagnostic in vitro ou des entreprises proposant des prestations en lien avec la santé (…) [puissent] prendre part aux actions ou programmes mentionnés aux articles L. 1161-2 et L. 1161-3, notamment pour leur financement, dès lors que des professionnels de santé et des associations mentionnées à l’article L. 1114-1 élaborent et mettent en œuvre ces programmes ou actions." [4]
Les conflits d’intérêts manifestes des firmes pharmaceutiques sont ainsi susceptibles de s’exercer par ricochet sur leurs prestataires, les professionnels de santé qu’elles rémunèreront et les associations de patients qu'elles financent.
Cette "éducation thérapeutique" risque alors fort de se réduire à de la publicité déguisée auprès du public, y compris pour des médicaments de prescription, publicité d'ailleurs interdite en Europe. Dans l’intérêt de la santé publique, l’éducation thérapeutique ne doit en aucun cas servir de cheval de Troie aux firmes pharmaceutiques pour la mise en œuvre de leurs actions promotionnelles.
C’est pourquoi Le Collectif Europe et Médicament demande aux membres de la Commission mixte paritaire, qui se réunit le 16 juin 2009, de rééquilibrer l’article 22 en en supprimant la partie litigieuse (reproduite ci-dessus en rouge et en gras), en conformité par exemple avec les articles L.5122-1 et L.5122-6 du Code de la santé publique relatifs à la publicité.
D'une façon ou d'une autre “l’éducation thérapeutique” ainsi conçue sera, in fine, financée par la collectivité (remboursement de plus de médicaments, fixation de prix plus élevés pour les nouveaux médicaments).
C'est pourquoi le Collectif Europe et Médicament demande la création immédiate d’un fonds public pour financer une éducation thérapeutique indépendante, adaptée aux besoins des patients et usagers, et non soumise à l’agenda commercial des firmes (recommandation 19 du rapport Saout). Ce fonds pourra aussi être alimenté par les firmes pharmaceutiques et agroalimentaires dans le cadre de la lutte contre l’obésité et l’alcoolisme grâce à des taxes sur les dépenses promotionnelles par exemple.
a) Au lieu de partir des besoins des patients et usagers, ces programmes concernent très souvent des médicaments à balance bénéfices-risques défavorable, ou insuffisamment évalués, ou pour lesquels il existe des médicaments qui leurs sont préférables (plus pratiques, mieux tolérés, moins coûteux). Analyse disponible en accès libre ici : http://www.prescrire.org/editoriaux/observanceNonJustif.pdf."
Le Collectif Europe et Médicament
Contacts
- Pierre Chirac (pierrechirac@aol.com ; Prescrire) ;
- Antoine Vial (europedumedicament@free.fr ; Coordination du Collectif)
- 1. Duhamel G et coll. "Encadrement des programmes d'accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques". Site lesrapports. ladocumentationfrancaise.fr consulté le 11 février 2008 : 96 pages.
- 2. Annexe 6 au rapport de la MECSS "Communication de la cour des comptes concernanr la consommation et la prescription des médicaments": http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i0848.asp#P... : page 62.
- 3. Conférence de presse du 2 septembre 2008.
- 4. Art. L. 1161-4 (dans l’article 22). Projet de loi adopté le 5 juin 2009 par le Sénat : http://www.senat.fr/leg/tas08-088.pdf
20minutes.fr - 13.06.09
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