Les classes moyennes reviennent dans le débat public. Mais de qui parle-t-on exactement ? Le concept est plus que flou. Quelques éléments pour tenter d’y voir plus clair. Par Valérie Schneider et Louis Maurin, Observatoire des inégalités.
Qui sont les classes moyennes ?
Le concept de classes moyennes est vague. Jusque très récemment, on s’intéressait au sort des "classes moyennes supérieures", couches aisées rebaptisées moyennes pour justifier les politiques de réduction d’impôt sur le revenu. C’est ainsi que l’on a intégré dans les "classes moyennes", des personnes seules ayant un revenu mensuel de 4 000 €, faisant partie des 5 % des mieux rémunérés.
Comme pour la pauvreté, il n’existe pas de définition objective des classes moyennes. Libre à chacun de placer la barre où il l’entend. Jusqu’où aller ? Parler de "moyennes", pour des catégories situées parmi les 10 % voire les 5 % les plus aisés n’a pas grand sens. Quasiment toute la société devient moyenne, vidant de tout intérêt la hiérarchie sociale ainsi constituée.
Pour clarifier le débat, l’Observatoire des inégalités propose de reprendre le découpage suivant, en s’appuyant sur la définition utilisée par le Crédoc [1].
Les 30 % les plus démunis composent les catégories "modestes".
Les 20 % les plus riches composent les catégories "aisées".
Les classes moyennes forment 50 % de la population, situés entre les 30 % les plus démunis et les 20 % les mieux rémunérés.
A quelle catégorie appartient-on selon son niveau de vie ?
Si l’on considère les revenus après impôts et prestations sociales (données 2006), on obtient les seuils suivants :
Quel revenu pour quelle catégorie sociale ? | |
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Pour une personne seule | Seuils |
Les catégories modestes | de 0 à 1 160 € |
Les classes moyennes | de 1 160 à 2 150 € |
Les catégories aisées | 2 150 € et plus |
Pour un couple sans enfants | Seuils |
Les catégories modestes | de 0 à 1 745 € |
Les classes moyennes | de 1 745 à 3 225 € |
Les catégories aisées | 3 225 € et plus |
Pour un couple avec deux enfants* | Seuils |
Les catégories modestes | de 0 à 2 443 € |
Les classes moyennes | de 2 443 à 4 415 € |
Les catégories aisées | 4 415 € et plus |
* de moins de 14 ans | |
Source : Observatoire des inégalités, d’après Insee et Crédoc |
Les limites de cette définition
Les bornes utilisées sont subjectives, mais c’est le cas de toute définition. Elle n’est ni plus ni moins subjective que la définition que donne l’Insee de la pauvreté, pourtant largement reprise. [2]. Dans le tableau ci-dessous nous donnons des éléments les plus fins disponibles. Malheureusement, l’Insee ne diffuse pas de données sur les niveaux de vie par tranche de 1 % ou 5 %. Notre découpage est très rudimentaire. Nous pourrions par exemple sans doute élargir l’ensemble des catégories modestes et restreindre la partie des catégories aisées aux 15 % les plus riches. Nous n’utilisons pas ici la notion de "richesse". Nous aurions pu, par exemple, choisir comme seuil de richesse le double du revenu médian [3], soit 3 000 € pour une personne seule.
Il ne s’agit pas d’une définition "sociologique" des groupes sociaux, elle ne tient aucunement compte d’autres éléments, comme le niveau de diplôme, le statut de l’emploi, etc. qui peuvent influencer la position sociale. Il ne s’agit que d’une vision "monétaire" de la hiérarchie sociale.
Cette définition utilise des données après impôts. Elle est plus proche des véritables niveaux de vie, mais s’éloigne des revenus perçus effectivement, notamment pour les plus aisés.
Nous ne tenons pas compte du coût du logement. Le locataire d’un appartement à Paris aura, après loyer, un niveau de vie très inférieur à celui d’une ville moyenne de province. Un studio de 20 m2 par exemple coûte au minimum 500 € mensuel à Paris, contre moitié moins dans d’autres villes.
Les écarts sont considérables au sein des catégories "aisées", entre le cadre moyen dont le niveau de vie équivaut à 2 200 € mensuel (surtout s’il vit à Paris) et les dizaines de milliers d’euros que peuvent toucher quelques cadres dirigeants.
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Et les autres types de familles ? |
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Nous n’avons pas présenté l’ensemble des configurations familiales, notamment les familles monoparentales et les familles nombreuses. Pour calculer les seuils, il suffit de prendre les valeurs pour une personne seule, de multiplier par 1 + 0,5 par personne de plus de 14 ans et 0,3 pour les moins de 14 ans [4]. Par exemple, pour un couple et trois enfants de moins de 14 ans, le seuil qui sépare les catégories modestes et les classes moyennes est de 1 160 € x (1+0,5+0,3+0,3+0,3)= 1 160 € x 2,4 = 2 784 € |
Lire aussi :
"Les classes moyennes se sentent menacées par le chômage", entretien avec Régis Bigot, du Crédoc.
Les classes moyennes en quête de définition
[1] "Les classes moyennes sous pression", Régis Bigot, Cahier de recherche n°249, Crédoc, à paraître.
[2] Dans un article récent nous avons critiqué la façon dont le nouveau seuil de pauvreté en exagère le niveau (lire l’article).
[3] Définition présentée dans "Qui est riche en France ?", Louis Maurin, Alternatives Economiques, n°153, novembre 1997.
[4] Ce système de parts s’appelle des "unités de consommation" en langage statistique, il permet de tenir compte de la taille des familles mais exagère le coût des enfants des familles aisées, car celui-ci n’est pas complètement proportionnel au revenu.
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