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05/07/2010

Eurosatory : le business militaro-industriel s’expose sans complexe

Ivan du Roy, Olivier Marcolin

Des businessmen, en costume trois pièces, qui jouent les snipers ou admirent un blindé en action entre deux exhibitions de danseuses. Des femmes d’affaires, tailleur et chaussures à talon, qui s’essaient au tir de missile antichar. Bienvenue à Eurosatory, vitrine du marché de l’armement. Dans un monde en crise, le commerce des armes demeure florissant avec un marché estimé à 1.500 milliards de dollars.

« Venez jouer sérieusement la guerre de demain sur le stand du ministère de la Défense. » Ainsi communique la Direction générale de l’armement (DGA), à l’occasion du salon Eurosatory, qui s’est tenu du 14 au 18 juin 2010 à Villepinte. Eurosatory, c’est « le plus grand salon international de défense terrestre, aéroterrestre et de la sécurité ». Autrement dit, le plus grand hypermarché des armes de guerre, du fusil pour sniper aux blindés anti-émeutes en passant par les drones high-tech ou les missiles téléguidés. Mais chut ! Ne dîtes pas « supermarché de la mort et de la destruction » mais « Semaine internationale de la défense », comme l’ont baptisé les organisateurs d’Eurosatory, le ministère de la Défense et les industriels français de l’armement. Une « Semaine internationale de la défense » comme d’autres organiseraient une semaine internationale de la biodiversité ou de la solidarité…
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Les dépenses militaires mondiales sont estimées, en 2008, à 1.500 milliards de dollars, selon le centre de recherche suédois Sipri (Stockholm International Peace Research Institute) [1]. Après s’être ralentie au milieu des années 90, la course aux armements est repartie de plus belle. Elle a même dépassé son niveau de 1988, juste avant la fin de la guerre froide. Les businessmen d’Eurosatory peuvent se frotter les mains entre deux jeux de guerre vidéos. L’ensemble de ces données sur le commerce mondial des armes et ses acteurs – États et multinationales – sont compilées dans un précieux et détaillé rapport du Groupe d’information sur la paix et la sécurité (Grip), basé à Bruxelles.
C’est en Afrique, en Amérique du Nord et en Asie que les dépenses militaires ont le plus augmenté pendant la dernière décennie : 84% en Afrique, 66% en Amérique du Nord et 57% en Asie. Deux pays de l’Europe occidentale figurent cependant parmi le « top 5 » des États les plus dépensiers : la France et le Royaume-Uni (65 milliards de dollars chacun), juste derrière la Chine (85 milliards), tous très loin derrière les États-Unis. À elle seule, la patrie d’Obama concentre 41,5% des dépenses militaires mondiales ! Soit 607 milliards de dollars. L’ancien ennemi d’hier, la Russie, dépense dix fois moins. Dans l’Union européenne, seuls l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Hongrie et la Suède ont diminué leurs dépenses militaires sur la dernière décennie. Cette tendance au réarmement perdure malgré la crise.
Investir dans l’armement, une valeur sûre
Parmi les dix premières multinationales de production d’armement, on retrouve sept firmes états-uniennes, une britannique, une italienne et une franco-allemande (EADS, dont l’État français et le groupe Lagardère sont actionnaires). Entre 2007 et 2008, leur chiffre d’affaires a augmenté de 10%. L’invasion de l’Irak, en mars 2003, a fait grimper en flèche les cotations boursières et guerrières. Elles se sont ensuite affaissées avec la crise financière, pour allègrement remonter depuis le printemps 2009. « Les investisseurs stables dans le secteur de l’armement ont été récompensés, renouant avec les plus-values boursières bien avant les autres secteurs de l’économie », commente le GRIP. En matière d’exportation, États-Unis et Russie continuent de contrôler plus de 50% du marché. Quant au « Top 10 » des importateurs, on retrouve la Chine bien sûr, mais aussi la très inégalitaire Inde, la Grèce au bord de la banqueroute ou Israël en état de guerre permanent.
La principale inquiétude des grands groupes militaro-industriels est désormais une baisse du budget militaire des États-Unis et, plus accessoirement, des États européens. Washington dépense 2.000 dollars par habitant et par an, le double de la France, qui reste, avec l’Arabie Saoudite, le Royaume-Uni et l’Australie, l’un des pays qui consacre le plus d’argent par habitant à ses extras guerriers (en Allemagne ou en Espagne, c’est moitié moins, soit environ 500 dollars par habitant).
Entre la pénurie des ressources en pétrole ou en eau qui se profile, les turbulences sociales provoquées par la crise, l’afflux de réfugiés climatiques, ou la remontée de nationalismes dans les pays riches, le marché de la guerre a cependant de beaux jours devant lui, malgré l’austérité généralisée. À contre-courant, une coalition d’ONG (Amnesty International, Oxfam…) demande toujours un traité pour contrôler le commerce des armes. Les visiteurs d’Eurosatory ne semblent pas, pour l’instant, s’en inquiéter.
Texte : Ivan du Roy
Reportage vidéo : Olivier Marcolin, en partenariat avec le site Ouvertures

Notes

[1] Créé en 1966 à l’initiative du parlement suédois afin de commémorer 150 ans d’une paix ininterrompue pour la Suède. Le SIPRI inclut dans sa définition des dépenses militaires toutes les dépenses de personnel (salaires, pensions et services sociaux du personnel civil et militaire), d’acquisition d’équipement, de recherche et développement, d’opérations et de maintenance, de construction d’infrastructures, d’activités spatiales militaires, et d’assistance militaire à l’étranger engagées par les ministères de la Défense ainsi que par les agences gouvernementales engagées dans des projets militaires.

http://www.bastamag.net/article1105.html

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