Chris Talbot - Mondialisation.ca, Le 4 juillet 2010
Après un examen détaillé des mesures budgétaires de la coalition au pouvoir en Angleterre, l’Institut des études fiscales (IFS - Institute for Fiscal Studies) a dit que le pays se trouvait devant « la période la plus longue, la plus intense, la plus soutenue de restrictions des dépenses publiques au moins depuis la deuxième Guerre mondiale ». C’est la première fois qu’un gouvernement anglais propose d’effectuer des coupes budgétaires sur six années consécutives.
L’IFS a réfuté le discours du gouvernement des conservateurs et des libéraux selon ce « serait plus douloureux » pour les riches que pour les pauvres et dit : « Si vous regardez les réformes devant être introduites en 2013 et 2014, elles frappent le plus durement les plus pauvres et continue effectivement de les frapper de plus en plus fort chaque année. »
L’IFS déclare aussi que « les coupes menaçant dans les services publics… vont vraisemblablement frapper les ménages plus pauvres nettement plus que les ménages plus affluents. »
Lorsque les experts eurent examiné les implications des clauses en petits caractères du Livre rouge du ministère des Finances qui précise les détails du budget, il devint clair que plus d’un million de personnes sont menacées d’être expulsées de leurs logements. Quelque 900.000 personnes en location dans des logements privés perdront leur allocation logement, le plan du ministre des Finances, George Osborne, prévoyant de réduire de 40 pour cent les dépenses pour cette allocation. Des centaines de milliers de gens louant des logements de municipalités et d’associations seront forcées de quitter des logements pour familles, dû à des changements dans l’attribution et la taille des allocations. Un total de trois millions de gens sera touché par ces changements.
Une estimation conservatrice suggère que 750.000 emplois seront perdus dans le secteur public dans les cinq années à venir. Il est vraisemblable que 200.000 personnes vont perdre leur emploi dû à l’augmentation de la TVA. Le chiffre officiel actuel du chômage est de 2,51 millions, soit 8 pour cent de la population active. Les mesures du gouvernement ajouteront au moins un million à ce chiffre.
Le nombre réel des personnes au chômage et de ceux qui sont sous-employés est considérablement plus élevé. Plus d’un million de personnes sont actuellement employées à temps partiel parce qu’elles sont incapables de trouver un emploi à plein temps.
Nick Clegg, le vice-premier ministre et chef du Parti libéral démocrate a dit à l’émission Today de la BBC que le gouvernement avait été forcé de prendre des mesures dures à cause de la situation économique internationale. « Nous avons affaire à cette sorte de tempête sur le pas de notre porte en Europe ou les marchés mettent une pression énorme sur un pays après l’autre, frappant à la porte de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal et ainsi de suite. L’inquiétude est réelle que si nous n’agissons pas maintenant nous seront la prochaine victime, si vous voulez, de cette sorte de panique des marchés. »
Le ministre des Finances du cabinet fantôme, Alistair Darling, a critiqué le budget de la coalition, avertissant de ce qu’il risquait de pousser le Royaume-Uni dans une double récession et affirmant que le Parti travailliste n’aurait pas opéré des coupes aussi drastiques. La vérité est que beaucoup de ces coupes étaient déjà en route lorsque cette coalition arriva au pouvoir. Les Travaillistes préparaient une réduction générale de 20 pour cent de toutes les dépenses. S’ils étaient restés au pouvoir, ils auraient élargi les mesures déjà proposées afin de satisfaire l’élite financière.
Les marchés ont réagi favorablement au fur et à mesure qu’ils ont saisi l’impact des mesures budgétaires de la coalition. L’agence de notation Moody’s a confirmé le statut AAA du gouvernement et déclaré que le budget était « un pas crucial vers un renversement de la détérioration considérable de la position financière du gouvernement telle qu’elle s’est produite au cours des deux dernières années. »
Les marchés des obligations étaient satisfaits de ce budget. La raison de la confiance des marchés est le caractère massif des coupes. Alors qu’Osborne a parlé d’une réduction des dépenses de 25 pour cent pour chaque secteur de l’administration, le niveau réel des coupes sera vraisemblablement selon le IFS, de 33 pour cent.
« Margaret Thatcher, fameuse, ou infâme, pour son enthousiasme à prendre la hache et à l’appliquer au gros Etat, n’a jamais osé faire des coupes si profondes », commenta Philip Stephens dans le Financial Times.
Comme le fait remarquer Martin Wolf, lui aussi dans le Financial Times, cela signifie un tiers d’argent de moins dans l’Enseignement supérieur, le ministère de l’Intérieur, la Justice, les Transports et le Logement. Cela ne s’avérera probablement pas maintenable du point de vue politique…» écrit-il, ajoutant : « Il est également évident que d’autres coupes seront nécessaires dans les prestations sociales. Selon l’IFS, les coupes affectant les autres départements ne seraient ‘que’ de 25 pour cent, en termes réels, si le gouvernement pouvait identifier encore 13 milliards de coupes dans les prestations. »
Ces coupes viendront avec la revue des dépenses en automne et dans celle revues des retraites et des emplois du secteur public qui sont en cours.
La colonne Bagehot du périodique Economist envoya une note d’alarme sur les coupes à venir et la réaction qu’elles produiront :
« Derrière le rapport altier entre la réduction des dépenses publiques et les hausses d’impôts de M. Osborne il y a des êtres humains. Beaucoup savent à présent qu’ils vont devoir payer, mais beaucoup de ceux qui devront payer le plus – c'est-à-dire avec leur emploi – ne le savent pas encore. Quand, dans un pays autoritaire, des parties entières de la population sont abandonnées à l’envahisseur ou sacrifiées dans une bataille, il n’y a pas grand-chose que les victimes puissent faire pour ennuyer les commissaires. En Grande-Bretagne oui : elles peuvent voter, bien sûr, mais elles peuvent aussi défiler dans Londres, paralyser le pays par des grèves et même aller jusqu’à l’émeute. »
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