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04/06/2010

Comment supprimer 16.000 postes de professeurs par an

Louise Fessard

Le site du Café pédagogique a publié, lundi 31 mai, treize documents confidentiels, remis début mai aux recteurs et aux inspecteurs d’académie par le ministère de l’éducation pour leur suggérer des gisements d’emploi possibles au niveau local. A partir des remontées des inspecteurs d’académie, chargés de traquer le moindre écart à la moyenne nationale (nombre d’enfants par classe, taux de scolarisation des enfants de moins de deux ans, taux de rendement des remplaçants, etc.), une réunion de consolidation nationale fixera, le 15 juin, le schéma d’emploi 2011-2013.

Après la suppression de 40.000 postes depuis 2008, le ministère doit en effet trouver 16.000 autres postes à supprimer dès la rentrée 2011 pour respecter le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Pour Daniel Robin, secrétaire général du Snes, le principal syndicat enseignant du secondaire, le recours aux recteurs montrerait que le ministère est « dans une impasse ». « Comme pour la formation des futurs enseignants (en partie déléguée aux rectorats par la réforme récente, ndlr), ils veulent faire quelque chose de difficile, ils ne savent pas s’en dépêtrer, donc ils refilent la patate chaude au niveau local », estime-t-il.

Pour chacune des treize fiches, à charge de l’inspecteur d’académie de compléter un diagnostic, selon le contexte local, et de proposer un « gain total en emplois ». Dans le primaire, le ministère suggère d’augmenter la taille des classes et de regrouper les petites écoles pour diminuer le nombre de classes. Jusqu’alors « l’évolution du réseau des écoles (...) repose sur des finalités essentiellement pédagogiques », regrette le document. Désormais, les regroupements d’écoles devront conduire à une « économie significative de moyens ». « Une augmentation d’un élève par classe en moyenne devrait se traduire, au niveau national, par une économie de près de 10.000 classes, soit un peu plus de 4% du contingent total », détaille le document.

S’appuyant sur la réforme du primaire, qui a créé deux heures d’aide personnalisée pour les élèves en difficulté, le ministère revient à la charge contre les Rased (réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté). Dans un des scénarios proposés, tous les postes enseignants spécialisés et de psychologues scolaires seraient supprimés. « C’est en totale contradiction avec tous les discours et tous les rapports récents concernant l’échec scolaire et les phénomènes de violence », réagit la Fnaren, fédération qui regroupe ces rééducateurs.

« Masques tombés »

Autre source d’économie, la baisse de la scolarisation des enfants de deux ans, déjà passée de 35% à 15% en dix ans, est ouvertement préconisée. Le ministère constate que, contrairement à la loi qui assure un accueil prioritaire aux moins de trois ans dans les écoles maternelles situées dans un environnement social défavorisé, « certains départements particulièrement défavorisés ont des taux de scolarisation parmi les plus faibles. » Conclusion, il faut égaliser... à la baisse. Mauvais élève, l’académie de Lille affiche un taux de scolarisation des moins de deux ans de 42% et ferait mieux de prendre exemple sur les 4% de Paris.

Même régime dans les collèges, où il n’est « pas démontré que la taille des classes ait un effet probant sur la réussite des élèves ». Suggéré à titre d’exemple, le passage de 24 élèves par classe (la moyenne dans les collèges en 2009) à 29 élèves permettrait d’économiser 1,6 poste de professeur à temps plein rien que sur 10 classes. Concernant les lycées généraux et technologiques, épargnés pour cause de réforme récente, le ministère signale tout de même « des possibilités significatives d’optimisation » pour l’avenir. La création d’un tronc commun en première, prévue par la réforme, permettrait ainsi de constituer des « classes réunissant des élèves des différentes séries ».

Pour « optimiser » les remplacements, les académies sont incitées à recourir à des remplaçants non-titulaires, « une ressource plus flexible dont le rendement est proche de 100% », et à organiser les stages de formation continue « en dehors du temps scolaire », le mercredi après-midi et pendant les vacances scolaires.

Selon Daniel Robin, « les masques sont tombés ». « On a la preuve qu’il y avait un discours côté jardin et un autre côté cour, juge-t-il. Selon le ministère, les suppressions de poste ne changeaient pas le taux d’encadrement et le nombre d’élèves par classe : le document propose de l’augmenter. Et le président de la République avait affirmé que la réforme des lycées se ferait à moyens constants. Or le ministère reconnaît lui-même qu’il instrumentalise la réforme du lycée pour diminuer le nombre de professeurs. »

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article3813

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