Les marchés financiers mondiaux ont chuté hier pour la troisième journée consécutive en raison de l’inquiétude que la crise de la zone euro menace la stabilité de l’ensemble du système financier international.
Un jour de liquidation qui avait démarré en Asie s’est terminé avec le recul de 376 points de l’indice Dow Jones à Wall Street, une baisse de 3,6 pour cent, au milieu d’attentes que la chute continuera aujourd’hui, à l’ouverture des marchés. La chute cumulative de trois journées à Wall Street est de 825 points.
Les marchés sont sur le point d’atteindre les niveaux atteints durant le soi-disant « krach éclair » du 6 mai lorsqu’ils ont plongé de 1.000 points en moins de 20 minutes. Ce plongeon avait tout d’abord été attribué à une erreur humaine – une faute de frappe commise par un trader en passant un ordre – mais une enquête menée par la Securities and Exchange Commission n’a abouti à aucune preuve de ce genre.
Selon un trader cité par Reuters: « La principale force motrice [dans la chute de Wall Street] vient de l’Europe. Il subsiste encore des craintes d’une crise de la dette là-bas et le fait qu’elle puisse se répandre à travers l’ensemble du système bancaire. »
Le gouverneur de la Réserve fédérale (Fed) Dan Tarullo, a dit au Congrès américain qu’à cause de la crise de la zone euro, les banques américaines pourraient « resserrer leurs crédits comme elles l’avaient fait lors des graves dysfonctionnements des marchés financiers après la faillite de Lehman Brothers ». II a remarqué que dix grandes banques américaines étaient confrontées à des pertes de 60 milliards de dollars découlant d’une exposition aux pays européens, un montant correspondant à 9 pour cent de leurs fonds propres de base Tier 1, un critère clé pour mesurer leur stabilité financière.
La stimulation passagère des marchés due au plan d’aide de 750 milliards d’euros (1 billion de dollars américains) de l’Union européenne s’étant totalement évaporée, Tarullo a dit que les investisseurs « se rendaient compte que ce plan ne peut en fin de compte pas remplacer le besoin d’application de réformes fiscales véritables et certainement douloureuses dans la zone euro ».
L’on craint que les exigences du gouvernement allemand, dirigé par la chancelière Angela Merkel, d’infliger de lourdes pénalités aux membres de la zone euro qui contreviennent aux contraintes budgétaires pourraient aggraver les divisions déjà significatives de l’union monétaire.
Ces divisions étaient apparentes lors des querelles en coulisses qui avaient précédé, le 10 mai, l’annonce du plan d’aide de l’UE et devinrent visibles à tous avec la décision unilatérale de l’Allemagne cette semaine d’interdire « les ventes à découvert nues » -- pratique par laquelle les banques et les fonds spéculatifs vendent des titres qui ne sont ni possédés ni empruntés dans l’espoir de précipiter une chute des cours dont ils pourront tirer profit en rachetant les titres qu’ils avaient vendu auparavant.
Défendant cette mesure dans une interview accordée au Financial Times, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a dit que si la dette doit être contrôlée, des réglementations plus sévères des marchés financiers étaient également nécessaires. « Je suis convaincu que les marchés sont vraiment hors de contrôle. C’est pourquoi nous avons vraiment besoin d’une réglementation efficace, c’est-à-dire de créer un mécanisme de marché qui fonctionne correctement, » a-t-il déclaré.
Un peu plus tard, répondant à une question concernant l’opposition des marchés financiers à cette démarche, Schäuble a dit aux journalistes : « Si vous voulez assécher un marais, vous ne demandez pas un avis objectif aux grenouilles. »
Ces mesures, qui ne serviront en elles-mêmes pas à grand chose parce qu’elles pourront être facilement contournées, n’ont fait qu’accroître les turbulences des marchés parce qu’elles ont souligné les divisions entre les puissances européennes.
Un responsable britannique aurait dit que l’interdiction était « du vent ». Auparavant, la ministre française des Finances, Christine Lagarde, avait dit que la démarche était « effectivement discutable parce qu’il n’y a pas eu de concertation préalable. » Elle a insisté pour dire que l’euro n’était pas en danger en dépit des avertissements de Merkel que l’euro restait menacé et que le plan d’aide n’offrait qu’un répit passager.
Les commentaires de Merkel sur les dangers de l’euro ont suscité une réponse amère de la part d’autres dirigeants européens. Le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, qui préside la réunion des ministres des Finance de la zone euro, a dit : « J’estime que certains feraient mieux de réfléchir avant de parler … ils feraient parfois mieux de se taire. » Plus tard, il insista pour dire que ses commentaires ne visaient pas Merkel.
Yves Leterme, le premier ministre belge, a été plus direct : « Nous avons finalisé un accord pour défendre l’euro. Nous ne pouvons pas, comme Madame Merkel, mettre en question sa faisabilité. »
Outre son impact sur les Etats-Unis, la crise de l’euro suscite des craintes de récession économique significative en Chine et dans le reste de l’Asie. Qi Zhongyi, le directeur du service d’information de la Chambre de commerce de Chine pour l’import/export de machines-outils et de produits électroniques, a dit au Financial Times que beaucoup d’entreprises chinoises ont subi d’« énormes pertes » du fait de la baisse de 14,5 pour cent de l’euro par rapport au Renminbi (RMB) à ce jour. Il a dit que si aucune enquête sérieuse n’avait été effectuée, les pertes n’étaient toutefois pas limitées aux machines-outils et aux exportations électroniques.
L’UE est le plus gros marché d’exportation de la Chine, représentant 19,7 pour cent, de ses exportations l’année dernière, soit 236 milliards de dollars,. La forte baisse de l’euro a totalement perturbé le projet américain d’arriver à une réévaluation de la monnaie chinoise afin d’améliorer sa propre position commerciale.
Il y a aussi la crainte que du fait d’une faible croissance, la crise européenne n’affecte sérieusement les profits des entreprises de matières premières approvisionnant la Chine. Tom Albanese, le PDG du géant minier Tio Tinto, a dit qu’il craignait une répétition de la crise de 2008 lorsque le gel des marchés du crédit avait eu un impact majeur sur la croissance chinoise au quatrième trimestre.
Ces préoccupations sont reflétées dans la vague des ventes de valeurs australiennes qui a envahi les marchés financiers, entraînant une chute du dollar australien. La monnaie australienne est tombée à 82,5 cents américains contre 90 la semaine passée et 93 à la fin du mois dernier. Etant donné que le destin du dollar australien est étroitement lié à l’économie chinoise et à sa demande en matières premières, le dollar australien est souvent considéré comme un indice de risque. Son plongeon au cours des dix derniers jours est un signe sûr de la montée rapide des risques financiers et économiques.
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