Un document interne du ministère de l’Éducation nationale détaille les pistes à explorer pour diminuer encore les effectifs d’enseignants entre 2011 et 2013. Décryptage d’une offensive sans précédent.
Évoqué lundi par l’Humanité, le Schéma d’emplois 2011-2013, discuté actuellement entre le ministère de l’Éducation nationale et les rectorats, n’aurait jamais dû être rendu public. Malheureusement pour Luc Chatel, certains responsables académiques ont dû estimer – à raison – que son contenu ne pouvait rester confidentiel. Résultat ? Depuis ce week-end, ce document « interne » circule en boucle sur Internet. Et révèle, sans gants ni pincettes, les pistes envisagées par le ministère pour continuer à supprimer des postes (environ 16 000 en 2011) et tenir, quel qu’en soit le prix, l’objectif du non-remplacement d’un prof sur deux partant à la retraite. Augmenter la taille des classes ? le document :
La liste de ces « gisements d’efficience », détaillés dans une douzaine de fiches, fait froid dans le dos : augmentation du nombre d’élèves par classe, suppression des Rased (les maîtres spécialisés dans la difficulté scolaire), « mise en extinction » des psychologues scolaires, baisse de la scolarisation des moins de trois ans, fermeture des petites écoles rurales, recours accru aux étudiants vacataires pour assurer les remplacements… Pour chacune de ces pistes, les recteurs doivent chiffrer les économies réalisables, un bilan global devant être fait le 15 juin. À aucun moment ne sont évoqués l’intérêt des élèves, ou même une quelconque préoccupation d’améliorer le fonctionnement de l’école. La seule recommandation du ministère aux recteurs est de réaliser ces objectifs comptables « sans dégrader les performances globales ». La divulgation du document a provoqué un tollé. Aussi bien dans l’opposition que chez les syndicats, qui voient leurs craintes confirmées noir sur blanc. « Rien n’échappe à cette chasse budgétaire qui explore les moindres recoins du système éducatif sans jamais s’interroger sur les finalités de l’école », s’alarme Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa. « Avec un parfait cynisme, Luc Chatel abat enfin ses cartes, note le Snes-FSU, principal syndicat du second degré. Ce document est la preuve qu’au gouvernement, et en particulier au ministère de l’Éducation nationale, il y a bien un discours côté cour et un discours côté jardin. » Décryptage de ce côté jardin.
De plus en plus d’élèves par classe
C’est la première des solutions prônées : augmenter le nombre d’élèves par classe, aussi bien en primaire qu’au collège. Car, voyez-vous, selon le ministère, « les études et expériences les plus récentes indiquent que la diminution des effectifs dans les classes n’a pas d’effets avérés sur les résultats des élèves et que les très petites écoles ne s’avèrent plus toujours performantes ». Conclusion : « L’augmentation de la taille des classes peut donc être globalement envisagée sans dégradation des résultats des élèves. » Pour parvenir à ce résultat, les recteurs sont invités, hormis dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), à relever les seuils d’ouverture de classe ou encore à organiser, « en accord avec les communes concernées », des « fusions » d’écoles afin de fermer celles ne comprenant qu’une ou deux classes (environ 12 000 écoles en France). La perspective est alléchante pour les comptables de la Rue de Grenelle : une augmentation d’un élève par classe en moyenne se traduirait par une économie de 10 000 classes, soit un peu plus de 4 % du total. Selon le Snuipp-FSU, premier syndicat dans le primaire, ce sont entre 6 000 et 7 000 postes qui disparaîtraient dans ce cadre. Et ce, alors même que « les classes sont déjà plus chargées en France que dans les autres pays européens ». Pour le SE-Unsa, on nage en pleine contradiction : « Ils envisagent une augmentation générale des effectifs, malgré les recommandations pédagogiques d’individualisation de l’enseignement… »
Des remplaçements moins en moins formés
Cette année, environ 25 000 emplois dans le premier degré sont affectés au remplacement, en grande majorité (21 000) de professeurs malades ou en congé maternité. Le reste se partage entre le remplacement de profs en stage de longue durée (760 emplois) ou en formation continue (3 100 emplois). C’est cette dernière qui est considérée comme la « principale variable d’ajustement » pour grappiller des postes. Comment ? En demandant aux académies d’organiser « tout ou partie des sessions de formation continue en dehors des pics d’absences (automne et printemps) ou, mieux, en dehors du temps scolaire (mercredi après-midi et pendant les vacances scolaires) ». Les enseignants apprécieront. L’autre piste est de généraliser le recours aux profs vacataires (le but est qu’ils assument 80 % des absences de moins de deux jours), étant entendu, souligne le ministère, que ces non-titulaires « présentent une ressource plus flexible dont le rendement est proche de 100 % ». Qui seront-ils ? Le ministère a son idée : « Dans le cadre de la réforme du recrutement, il est judicieux d’offrir à des étudiants la possibilité de se familiariser avec la pratique enseignante. » Les parents et les élèves apprécieront.
Baisse de la scolarisation des moins de trois ans
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