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10/07/2011

Urgence d’un changement civilisationnel face à la nouvelle ruée minière mondiale, entretien avec William Sacher

Maxime Combes

En 2008, les éditions Ecosociété publiaient Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique d’Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher, révélant les agissements hautement critiquables des sociétés minières et pétrolifères canadiennes en Afrique. Les multinationales minières canadiennes Barrick Gold (premier producteur d’or mondial) et Banro poursuivent la maison d’édition ainsi que les trois auteurs pour diffamation en leur réclamant un total de 11 millions de $ canadiens, dans ce qu’il y a lieu de qualifier de poursuites-bâillon (appelées SLAPP en anglais). Le procès est prévu pour cet automne. Derrière ce procès, ce sont la liberté d’expression, le droit à l’information, le droit à la participation au débat public sans intimidation et la possibilité de publier des travaux de recherches de qualité et sans complaisance, qui sont remis en cause.
Afin de soutenir (http://slapp.ecosociete.org/) les auteurs et la maison d’édition, et pour contribuer à lever le voile sur les agissements des entreprises minières sur la planète, Mouvements publie une interview de William Sacher, réalisée par Maxime Combes dans le cadre du projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org) qui explique comment le Canada est devenu un véritable "paradis judiciaire et réglementaire" pour les entreprises minières. Il contribue ainsi à une "nouvelle ruée minière" visant à satisfaire les besoins croissants en matières premières de nos modèles de consommation, sans tenir compte des conséquences environnementales, sociales et démocratiques sur les populations directement impactées par l’extraction. Là où, au contraire, un "changement de paradigme civilisationnel" serait nécessaire.
Mouvements : À l’échelle internationale, on observe une véritable ruée minière, que ce soit pour l’or, l’argent, le cuivre ou des métaux plus rares et spécifiques, dont les prix ne cessent d’ailleurs de s’accroître sur les marchés internationaux. Comment l’expliquer ? Y a-t-il des régions particulièrement concernées ? Lesquelles ?
William Sacher : Nous sommes en effet dans une nouvelle ère minière. La production de nombreux minéraux a explosé au cours des dix dernières années, tandis que les dépenses d’exploration dans l’industrie atteignent des sommets [1].
Il est possible d’isoler une série de facteurs explicatifs. Tout d’abord, il y a la croissance soutenue des pays dits « émergents » (e.g l’lnde, la Chine). L’augmentation de la demande de biens de consommation, l’explosion immobilière et les grands travaux nécessaires à l’industrialisation galopante que connaissent ces pays exercent une forte pression sur la demande mondiale en minéraux de tous types [2].
Un autre facteur important concerne le commerce des métaux précieux, et tout particulièrement le recours à l’or comme valeur-refuge. La Chine veut se constituer un stock d’or [3] afin de soutenir sa monnaie, se positionner face à la menace d’éventuelles crises ultérieures et de dévaluation de ses réserves de change. Les États, les grandes institutions financières, les fonds d’investissements, ou encore les particuliers se tournent aussi vers le métal précieux. À ceci s’ajoute la possibilité de retours sur investissements conséquents, ce qui a déclenché une vague spéculative sur le métal jaune, et l’inévitable prolifération de produits financiers dérivés. Résultat : les cours de l’or explosent. Nombreuses sont les sociétés d’exploration (dénommées juniors) qui surfent sur cette vague, en promettant des gains records à leurs éventuels investisseurs [4].
On peut également citer l’augmentation vertigineuse de la demande liée à l’avènement des ordinateurs et téléphones portables personnels, des consoles de jeux vidéos, etc., ou encore l’accroissement continu des dépenses militaires mondiales [5]. Les équipements de défense high-tech requièrent des alliages spéciaux à base de métaux rares comme le titane ou les métaux du groupe platine, auxquels il faut bien entendu ajouter l’uranium. L’avenir de ce dernier fait d’ailleurs l’objet de grandes spéculations. Dans ses applications civiles, en particulier comme source alternative d’énergie aux énergie fossiles, le métal radioactif n’a sans doute pas dit son dernier mot, bien qu’il n’ait pas particulièrement le vent en poupe ces derniers temps. Il faudra voir si le souvenir de Fukushima pourrait s’estomper aussi rapidement que celui de Tchernobyl.
Enfin, d’une manière générale, les grands pays consommateurs sont soucieux d’assurer leurs approvisionnements ou de parer à d’éventuelles pénuries, et s’emploient à sécuriser leur accès à des minéraux économiquement et stratégiquement sensibles qu’ils ne peuvent substituer, et dont les gisements se situent en grande majorité hors de leurs frontières [6]...
Cette nouvelle fièvre minière se déploie sur tous les continents. Certes, les veines s’épuisent dans les régions minières traditionnelles. Néanmoins, les nouvelles techniques et les prix élevés permettent encore d’extraire de façon rentable les gisements de faible concentration. C’est la raison pour laquelle il y a un regain de projets d’exploitation dans des pays comme le Canada ou l’Australie. Cela dit, l’Amérique Latine, l’Afrique ou encore l’Indonésie se trouvent particulièrement exposées à cette nouvelle avancée de la frontière d’exploitation, vers des territoires encore vierges d’exploitation industrielle, et souvent écologiquement et culturellement sensibles. Dans nombre de pays constituant ces parties du monde, les réformes néolibérales impulsées par la Banque Mondiale au cours des deux dernières décennies ont créé des cadres d’investissement très favorables aux transnationales minières (en termes légaux, de fiscalité et de soutien gouvernemental), et ont institutionnalisé leurs droits. S’en est suivi une invasion massive d’entreprise minières étrangères dans les pays de ces régions.
Mouvements : Arrêtons-nous sur la volonté des pays les plus puissants, Etats-Unis, Europe et Chine en tête, de "sécuriser l’accès aux ressources". Pouvez-vous nous en dire plus sur les stratégies qu’ils développent et par quels moyens ils parviennent à leur fin ?
William Sacher : La Chine aurait investit 9,2 milliards $ dans 33 opérations minières à l’étranger en 2009-2010 [7], notamment en Afrique et en Amérique Latine. Les chinois sont d’autant plus en position de force que leur pays est un gros producteur de minerais et dispose à la fois d’énormes liquidités pour développer les projets miniers, et des capacités techniques faisant défaut dans de nombreux pays du Sud, où ils octroient des prêts à taux réduits en échange de contrats miniers signés avec ses entreprises minières d’État.
Une autre stratégie consiste à acquérir des entreprises minières étrangères. Des sociétés juniors de Toronto ou de Londres sont déjà tombées entre les mains des chinois. Des offres hostiles ont même récemment été faites sur des sociétés majors canadiennes (e.g Equinoxe et Lundin mining).
Une troisième voie suivie par la Chine privilégie les alliances stratégiques avec des sociétés occidentales, dans le cadre de projets d’exploitation mixtes. Les entreprises chinoises étant moins frileuses que les institutions financières occidentales pour financer les projets miniers, notamment suite à la récente crise et la relative chute des cours, les juniors de Toronto y voient un moyen de se développer quand toutes les autres portes se ferment.
Quant à l’Europe et aux États-Unis, ils s’appuient sur les cadres imposés dans les pays géologiquement riches par les institutions financières internationales ou d’autres formes d’organisation commerciale (OMC, traités de libre-échange, …) et même de coopération ou d’aide au développement. Pour optimiser ces politiques de flexibilisation, l’Union Européenne s’est dotée en 2008 d’une stratégie dénommée l’Initiative sur les Matières Premières, dont l’objectif est notamment de veiller à s’approvisionner à bon marché en minéraux dans les pays du Sud Global [8]. Par ailleurs, des capitaux Etatsuniens contrôlent la majorité des grandes sociétés minières de Toronto, et d’autres à Londres ou à Sydney, l’exploitation minière étant largement sous domination anglo-saxonne, et leur garantie d’accès à de nouveaux gisements repose largement sur la capacité de déploiement des sociétés juniors, authentique version moderne des conquistadores de l’époque coloniale hispanique. Mais, comme nous l’avons mentionné, cette hégémonie est de plus en plus contestée par les appétits chinois.
L’ingérence militaire permet aussi aux États-Unis de maintenir un contrôle serré sur nombre de ressources minérales, tandis que l’Europe n’écarte pas cette solution si la conjoncture l’exige [9]. On invoque souvent le pétrole, mais la présence militaire de l’OTAN et des États-Unis en Afghanistan et au Pakistan est sans doute à interpréter aussi dans ce sens. On peut enfin citer la République Démocratique du Congo, dont la déstabilisation à la fin des années 90 serait, selon de nombreux analystes, l’œuvre de l’intelligence et l’armée américaine et aurait eu pour dessein l’accaparement des immenses gisements congolais.
Mouvements : Quelles sont les conséquences de cette ruée minière ? Pourquoi voit-on aujourd’hui tant de mines à ciel ouvert au détriment des mines souterraines traditionnelles ? Quelles sont les conséquences environnementales d’une telle exploitation ? Quelles réactions suscitent-elles auprès des populations locales ?
William Sacher : Cette soif accrue pour les minéraux se traduit par la généralisation d’un nouveau modèle d’extraction, bien loin de l’image d’Épinal du chercheur d’or et de son tamis : celui de la méga-exploitation minière. Ce type d’exploitation concerne les gisements où les minéraux « utiles » se trouvent en très faibles concentrations. Dans ce contexte, les mines souterraines continuent de représenter une alternative rentable dans certains cas, mais la tendance actuelle est le recours aux mines à ciel ouvert, plus rentables, et aux dimensions inouïes : des cratères de plusieurs km de diamètre et de plusieurs centaines de mètres de profondeur.
Les techniques d’extraction se sont perfectionnées (avec, par exemple, le recours quasi-systématique au cyanure dans les mines d’or) et, même si, à l’image des sables bitumineux dans l’industrie pétrolière, les besoins énergétiques et en eau liés à ce type d’exploitation sont colossaux, les prix des minéraux en hausse constante permettent d’exploiter avec de telles méthodes. Les déchets générés, souvent toxiques, s’en trouvent démultipliés au point d’atteindre des proportions inimaginables. Une seule mine, OK Tedi en Papouasie Nouvelle-Guinée, génère chaque jour 200 000 tonnes de déchets, soit plus de que toutes les villes du Japon, de l’Australie et du Canada réunies [10]. Pour les métaux courants moins d’1% de la roche est traitée, les 99% restant se convertissant en déchets. Dans le cas de l’or, le ratio frise l’absurde, puisqu’on exploite actuellement des gisements contenant moins de 0.5 grammes d’or par tonnes de roches traitées.
Les risques sont énormes en termes de pollution chronique et accidentelle des eaux et des sols, par drainage minier acide, métaux lourds, et autres substances toxiques, ou encore par le bruit et la poussière, et les conséquences généralement dramatiques tant pour les écosystèmes environnants qu’en terme de santé publique [11] Le gigantisme de ce modèle d’exploitation pose un problème pour la science : celui de son incapacité à diagnostiquer et à prévoir avec précision tous ses effets en terme d’extension spatiale et temporelle, due à la complexité des systèmes naturels ainsi physiquement et chimiquement perturbés (les phénomènes à représenter sont multilinéaires et souvent chaotiques). Ceci pose un vrai problème en terme d’héritage laissé aux générations futures.
Quant aux impacts socio-économiques, ils sont tout aussi difficiles à caractériser, bien qu’on sache que l’activité minière (et les infrastructures d’énergie et de transport qu’elle requiert), s’accompagne souvent d’une série de conséquences psycho-socio-economico-culturelles irréversibles pour les communautés affectées. Elle détruit les économies locales et les bases matérielles des cultures autochtones, tout en implantant de nouveaux imaginaires de consommation. Elle marginalise les femmes, les agriculteurs et les populations autochtones, ces dernières étant particulièrement menacées : nombre de gisements encore inexploités sont situés sur leurs territoires. Il convient également de mentionner les impacts en terme de santé publique dus aux pollutions engendrées (auxquels il faut ajouter l’alcoolisme, la toxicomanie, la prostitution, et la forte prévalence des MST).
Enfin, les pays su Sud qui décident d’opter pour un modèle économique d’extraction-exportation s’exposent à une certaine condamnation au « sous-développement » et à la pérennisation de leur statut d’enclave coloniale, malgré l’illusion de « développement » que peut représenter l’industrie minière. Se développe plutôt une économie nationale rentière aux mains de l’oligarchie locale autour d’un secteur extractif hypertrophié, tandis que les autres secteurs de l’économie ne profitent pas de la manne. À cela il faut ajouter la fragilisation systématique des conditions d’exercice de la démocratie, la prévalence de la corruption, ou encore l’aboutissement à des conflits armés, une série de tares que l’universitaire américain Terry Karl qualifie de « paradoxe de l’abondance » [12].
Face à cette nouvelle phase « d’accumulation par dépossession » du Capital minier, pour reprendre les termes de David Harvey [13], basée sur la marchandisation, la prédation et la destruction de l’environnement, et perpétuant la domination des grands centres économiques de la planète sur leurs périphéries, des centaines de communautés se trouvent en résistance de part le monde. Elles dénoncent la fuite en avant de ce modèle en s’appuyant le plus souvent sur l’écologie politique, l’économie sociale et les cosmovisions autochtones.
Mouvements : Vous qualifiez le Canada de "paradis judiciaire et réglementaire" pour les entreprises minières. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? En quoi cette situation concerne l’ensemble des citoyens de la planète et pas les seuls citoyens canadiens ?
C’est un concept que nous développons avec mon collègue Alain Deneault pour tenter d’expliquer les raisons pour lesquelles le Canada se trouve aujourd’hui en position de leader mondial de l’industrie minière.
Au cours des dernières décennies, le Canada s’est progressivement mué en un havre privilégié pour l’industrie minière à l’échelle mondiale, une sorte de Suisse du domaine extractif. Pas moins de 75 % des sociétés minières de la planète sont canadiennes, bien que leurs capitaux soient australiens, belges, israéliens, suédois, étatsuniens, etc. Nous avons identifié 6 caractéristiques principales qui font la particularité de cette législation de complaisance :
1. La possibilité de spéculer sans entraves sur les ressources minières, grâce à la Bourse de Toronto et sa réglementation permissive, historiquement taillée sur mesure ;
2. L’investissement massif de fonds publics via des agences gouvernementales et l’incitation soutenue par le gouvernement auprès des particulier à investir dans le secteur minier via de multiples congés fiscaux ;
3. La couverture politique et judiciaire systématique des sociétés minières au point d’offrir une impunité de fait face aux multiples externalités générées. Malgré les nombreuses allégations d’abus qui pèsent sur les sociétés de Toronto de part le monde en matière de violations de droits humains, de criminalité financière, de pollution massive ou encore d’association avec des chefs de factions armées accusés de crimes de guerre, les sociétés du secteur ne sont jamais inquiétées par les tribunaux canadiens ;
4. Rendre justiciable uniquement les acteurs critiques. C’est une conséquence de la préséance du droit à la réputation sur celui de la liberté d’expression. Au Canada, cette dernière est largement menacée par l’instrumentalisation des tribunaux de la part des sociétés minières. Chercheurs universitaires, journalistes, auteurs ou encore militants se voient poursuivis en diffamation, même s’ils ne font que citer des sources publiques crédibles ;
5. Développer une propagande intérieure, en particulier au sein de l’éducation. Les universités se trouvent noyautées et potentiellement bâillonnées par l’omniprésence des financements de la recherche provenant largement de l’industrie minière ;
6. Assurer une diplomatie de complaisance dans les pays où les sociétés minières canadienne sont présentes, ce qui se révèle dans les pays du Sud un lobby minier officieux.
C’est cet État que nous proposons de le qualifier de "paradis judiciaire et réglementaire" de l’industrie extractive mondiale, par analogie avec le concept de paradis fiscal.
Les affres de la législation canadienne ont des répercussions partout sur la planète. Les sociétés inscrites dans ce havre minier sévissent en Amérique latine, en Afrique, en Asie, en Europe de l’Est et même dans les DOM-TOM français (cf le cas du projet aurifère à Kaw en Guyane). Le Canada leur offre sa couverture et son soutien, et constitue la plateforme idéale à partir de laquelle des projets miniers sont pilotés à travers le monde. Mais l’Europe n’est pas en reste. Nombre de projets miniers financés par la Banque Européenne d’investissement, ou encore des agences de financement nationale telle que l’AFD et sa filiale Proparco, ont été à l’origine développés par des juniors canadiennes. Les économies européennes, et celle de la France en particulier, sont hautement dépendantes de cette exploitation de minerais à grande échelle, utilisés dans tous les secteurs de l’économie : agriculture, construction, transports, électronique.
Mouvements : Vous êtes extrêmement critique de l’industrie minière. Pourtant, n’est-il pas possible de réguler ce secteur et développer des mines socialement et écologiquement responsables ?
William Sacher : Les stratégies discursives de l’industrie minière et des gouvernements qui la soutiennent sont efficaces pour convaincre le grand public d’une telle possibilité. Le secteur minier soigne son image. La sémantique est luisante comme les couvertures de papier glacé des rapports annuels : on parle de « responsabilité sociale », « développement durable », « codes d’éthiques volontaires », etc.
Cependant, l’histoire récente de l’exploitation minière parlent d’elle-même. Au Canada, pays qui se targue souvent de pratiquer les meilleurs standards en la matière, 10.000 mines abandonnées menacent les réseaux hydrographiques de pollutions aux métaux lourds, et il n’existe aucune mine ayant été fermée avec les décontaminations qui s’imposent.
Malgré toutes les précautions qu’on pourrait prendre, les inévitables impacts sociaux et environnementaux du modèle d’exploitation à l’œuvre sont à l’image de son gigantisme. Comme je l’ai mentionné, dans de nombreux cas, ils sont même incommensurables. Dans ce domaine, il est urgent de se démarquer de tout dogme techno-scientifique ou autre mythe du progrès, auxquels s’accrochent les sociétés minières. Prétendre qu’il est possible de « restaurer » un site d’extraction minière est une véritable gageure, puisqu’on ne sait pas exactement ce qu’on détruit. Quant aux conditions de travail, redevances et autres impôts, ce sont sans doute les domaines où il serait le plus aisé d’améliorer la situation (en général, l’industrie minière paie très peu d’impôts).
Cependant, considérer les conséquences environnementales, même si elles étaient contrôlables, ou la question fiscale, de façon isolées est insuffisant pour répondre à votre question. Pour tenter d’être complet, il est nécessaire d’examiner les conditions économiques, politiques, légales, et sociologiques globales de l’avènement de l’actuel modèle d’exploitation minière. Pour de nombreux pays du Sud, l’implémentation (ou la pérennisation) d’un modèle « extractivo-exportateur » se fait dans un contexte de domination économique de la part des pays importateurs. D’une manière générale, l’exploitation minière est le fait d’une oligarchie transnationale qui dispose, avec les paradis fiscaux et bancaires, d’outils pour se soustraire aux obligations imposées par les États de droits, même les plus fortement institutionnalisés. Quant aux gouvernements de ces derniers, leur marge de manœuvre est souvent réduite tant ils sont assujettis aux intérêts de puissantes sociétés transnationales. Enfin, l’existence d’un paradis judiciaire comme le Canada permet aux sociétés minières de répondre aux exigences de rentabilité de leurs actionnaires en se livrant à une gestion environnementale et sociale exécrable, sans jamais être inquiétées par la justice.
Mouvements : Quelles sont vos préconisations ?
William Sacher : Une première voie à explorer serait celle du recyclage intensif des minéraux déjà extraits, une grande partie se trouvant d’ailleurs dans nos déchets. Cela dit, le recyclage est lui-même coûteux en énergie et éventuellement polluant.
Ainsi, la remise en question de notre mode de développement et d’exploitation des ressources naturelles est incontournable. Mais cette remise en question va bien au-delà d’une réduction de la consommation. Bien entendu, on peut se cantonner au carcan libéral et exiger l’abolition des paradis fiscaux et bancaires, l’information libre et transparente des agents économiques, ou encore le contrôle des marchés. Mais la crise systémique aux multiples dimension à laquelle nous sommes confrontés (alimentaire, écologique, économique, énergétique, migratoire, etc.), nous montre qu’il apparaît urgent de remettre en question la modernité et son bagage techno-scientifique, de définir un nouveau rapport à la nature, de prendre en compte les générations futures et de leur droit à disposer d’un environnement sain, bref changer de paradigme « civilisationnel », tant s’accumulent ses limites à travers les preuves de sa capacité de destruction de multiples formes de richesses mettant en péril les conditions de de la continuité de la vie humaine à moyen terme.
Propos recueillis par Maxime Combes, dans le cadre du projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)
Pour soutenir la maison d’édition et les auteurs : http://slapp.ecosociete.org/

http://www.mouvements.info/Nouvelle-ruee-miniere-contre.html

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