500 millions d'euros de surcoût, 130 défauts majeurs, des factures qui s'envolent, des délais qui s'étirent... L'hôpital Sud Francilien s'est enlisé dans son partenariat public-privé, désormais en état de mort clinique.
"PPP", trois lettres qui constituent le nouveau dogme gouvernemental. L'arme fatale contre le déficit. PPP par ci (et hop, un hôpital), PPP par là (et hop, une école)... "Partenariat-public-privé" : en clair, c'est le privé qui se charge de l'investissement, de la construction et de l'entretien, tandis que le public se contente de payer un loyer tous les mois, avant de devenir proprio quelques décennies plus tard. Sur le papier, c'est tout bonus : "accélération de la réalisation des projets", "innovation qui bénéficie à la collectivité par le dynamisme et la créativité du privé", réduction du "coût global", "garantie de performance dans le temps", "répartition du risque optimale entre secteur public et privé"... dixit le Ministère de l'Economie. Une véritable formule magique, puisqu'on vous le dit.
Un "projet emblématique", "victoire de la Modernisation de l'Etat"...
Prenons un exemple pour illustrer cette merveilleuse invention : au hasard, le projet de l'hôpital Sud Francilien, qui doit à terme remplacer plusieurs hostos de la région. Pas tout à fait au hasard, en fait, puisque ce montage est considéré comme LA vitrine des PPP. Il a même été primé à deux reprises : en 2009, lors des "Victoires de la Modernisation de l'Etat" organisées par le magazine institutionnel "Acteurs publics", et en 2007, en tant que "projet emblématique" salué par le Club des partenariats publics-privés, un machin regroupant le gratin de ce qui se fait de mieux en matière de PPP : des associations d'élus, des entreprises du BTP, des banques, des cabinets de conseil, des cabinets d'avocats...
Sale coût pour l'Hôpital
Le coût de la construction de cet hôpital a été initialement estimé à 344 millions d'euros, à la charge du groupe Eiffage. En contrepartie, l'hôpital devra s'acquitter d'une obole de 38.8 millions d'euros annuels pendant 30 ans. Ce qui ramène le montant global de l'ordonnance à... 1,2 milliard d'euros ! Remboursé par la Sécu, aux deux-tiers. Un énorme gouffre financier, selon la Cour des comptes, qui estimait en septembre dernier que "le recours à une maîtrise d'ouvrage publique financée par l'emprunt aurait été une solution moins coûteuse, moins hasardeuse et surtout davantage maîtrisable pour l'établissement". Et pour cause, l'institution estimait que le montant final de la douloureuse n'aurait jamais dû dépasser les 760 millions d'euros ! Soit une perte sèche de 450 millions pour la collectivité. Bravo !
Un hôpital sous anesthésie totale
Le pire, c'est que sur le terrain, la réalisation est une catastrophe. L'hôpital aurait dû être livré en janvier 2011 pour accueillir ses premiers patients au mois de juin suivant. Las, l'ouverture est reportée à la fin de l'année, au mieux. En attendant, l'administration doit raquer pour des locaux inutilisables. Car l'hôpital a passé au scanner plus de 7 000 points souffrant de finitions insuffisantes, dont 130 défauts de construction importants : une biberonnie "oubliée" au service néonat', des meubles en aggloméré qui s’avèrent être de véritables nids à microbes en réanimation, des groupes électrogènes défaillants, des installations électriques hors-normes qui ont déjà nécessité l'intervention des pompiers... Cerise sur le gâteau, Eiffage demande une rallonge de 100 millions d'euros (près de 30% du budget initial) !
Résultat de cet énorme gâchis : le conseil de surveillance de l'hôpital et le conseil général de l'Essonne viennent purement et simplement de demander... la fin de ce partenariat public-privé. Avec une belle petite prime de compensation pour le groupe Eiffage à la clé. Tout bonus. Comme "projet emblématique" des PPP, on n'aurait pas mieux trouvé... Comme "victoire de la Modernisation de l'Etat", par contre...
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