En échange d’un prêt de 78 milliards d’euros, le premier ministre socialiste accepte un superprogramme d’austérité avec gel des salaires, chute des prestations sociales, mise à mal des services publics et privatisations.
José rit et les Portugais pleurent. Le premier ministre socialiste affiche une satisfaction surprenante après l’accord avec la troïka – le FMI, la Commission européenne (CE), et la Banque centrale européenne (BCE). Droit dans ses bottes, José Socrates a qualifié mardi de « bon accord » le mémorandum conditionnant
le prêt financier de 78 milliards d’euros sur trois ans à un programme de super-austérité. L’attitude a fait tousser jusque dans la rédaction du Financial Times, l’un de ses éditorialistes estimant que « les commentaires au ton complaisant de Socrates laissent croire que le paquet de sauvetage serait relativement indolore ». Hier, le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, et le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, ont remis les pendules à l’heure. « Le programme nécessitera des efforts majeurs de la population portugaise », ont-ils conjointement écrit. On veut bien les croire sur parole. D’ailleurs, le document de la troïka ne dit pas autre chose, au prétexte de réduire le déficit et la dette publique, dans la droite ligne du pacte pour l’euro plus (voir repères). L’administration publique, dont le régime durant les deux mandats de José Socrates s’est réduit au pain sec et à l’eau, devra dégager une économie de 1 milliard d’euros dans les deux prochaines années. Des services qualifiés aux yeux de ces « experts » d’« inutiles » seront supprimés. Les embauches comme les salaires seront gelés, en vue de réduire d’ici à deux ans de 3 % la masse salariale. Idem dans l’éducation et la santé avec un ticket modérateur, un forfait hospitalier et des prix des médicaments revus à la hausse. La durée des allocations chômage passera de trois ans à dix-huit mois et leur montant sera lui aussi comprimé.
Au pays de la précarité généralisée grâce à un Code du travail détricoté – déjà un travailleur sur deux est touché –, le coût des licenciements sera une nouvelle fois allégé. Pis, les salariés en CDD licenciés verront leurs indemnités amputées de deux tiers (de trente à dix jours par année travaillée). En matière d’impôts, la TVA va de nouveau être revue à la hausse ainsi que les taxes sur les véhicules et le tabac.
Les foyers portugais devront désormais s’acquitter d’un nouvel impôt sur leur consommation d’électricité. En matière de financement, les pensions supérieures à 1 500 euros seront amputées pour financer les « assurances emploi », les entreprises publiques et les futurs transferts de compétences vers les administrations locales et régionales. Les déductions fiscales de certaines entreprises seront, elles aussi, revues à la baisse, comme celles dont jouissent les quasi-paradis fiscaux régionaux que sont les Açores et Madère.
Le secteur bancaire, déjà grand bénéficiaire des deniers publics depuis le début de la crise, sera renfloué de 12 milliards sur les 78 du prêt consenti. La Banque populaire des affaires (BPN) bénéficiera de 5 milliards avant d’être de nouveau privatisée. La Caixa geral de depositos sera « recapitalisée ». Privatisations également dans les domaines de l’énergie (électricité), des transports (aériens), de la poste… Enfin, le gouvernement s’est engagé à émettre des bons du Trésor, en limitant leur valeur à 35 milliards.
D’où vient alors l’enthousiasme de Socrates ? Sans doute de se voir conforté par la troïka. Car le mémorandum de cette dernière n’est rien d’autre qu’une copie de l’ex-pacte de stabilité du premier ministre. Ce superprogramme d’austérité, salué par Bruxelles mais repoussé par l’Assemblée nationale, l’avait contraint à démissionner et, de ce fait, à convoquer des élections législatives anticipées pour le 5 juin.
Le revoilà donc sur la table au mépris tant du vote du Parlement que de la consultation populaire à venir. Et ce sans compter sur l’inefficacité de cette fuite en avant libérale pour résorber la crise financière. Preuve en est, le ministre portugais des Finances, Fernando Teixeira Dos Santos, a tablé hier sur une récession économique de 2 % du PIB en 2011 et en 2012. L’opposition de gauche – le Parti communiste et le Bloc de gauche – a vivement critiqué les propositions avancées. La droite du PSD, elle, apporte son soutien au gouvernement mais espère bien rafler les voix du mécontentement national face à un Socrates étrangement confiant.
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