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18/01/2011

Groupe La Poste. Dérives du service public et facteurs low cost

Depuis le 1er janvier, La Poste n’a plus le monopole du courrier de moins de 50 grammes. Après la privatisation du 1er mars 2010, c’est une étape supplémentaire dans la dégradation du service public. Qui se traduit aussi par une dégradation des conditions de travail.
« Au matin du 1er janvier, il n’y a pas grand-chose qui va changer… », a minimisé Jean-Paul Bailly, PDG de La Poste. Pourtant, c’est bien le dernier monopole historique de La Poste sur le courrier qui a sauté le premier jour de 2011. Conformément à la troisième directive postale européenne, les plis de moins de 50 grammes ne sont plus l’apanage de l’ex-PTT. Les syndicats déplorent cette libéralisation totale des services postaux. Avec le changement de La Poste au 1er mars 2010, c’est une nouvelle étape dans la perte de service public. Et après l’ouverture à la concurrence de l’électricité, du gaz, du fret ferroviaire…, un choc supplémentaire pour les usagers ou clients. Surtout en milieu rural, où la présence postale se réduit comme une peau de chagrin.
Depuis le 18 décembre, les 3 000 âmes du bourg de Plozévet, (Finistère) sont mobilisées derrière l’unique salarié du bureau de proximité. Les habitants, dont beaucoup sont des personnes âgées, refusent qu’il soit fermé les lundis matin.
Alain Le Berre, secrétaire de la Fapt-CGT du Finistère sud, ne comprend pas cette décision. « Le bureau est rentable, il accueille 80 à 90 personnes par jour. Mais la logique de réduire les moyens partout, de remplacer petit à petit les vrais bureaux par des agences postales se poursuit. » Déjà cet automne, des grèves avaient été menées contre les suppressions d’emplois de postiers dans différentes bourgades finistériennes, à Bannalec, Rosporden…
À la tête du comité de soutien de la poste de Plozévet, Pierre Ferret, retraité de soixante-douze ans, refuse cet abandon du territoire. Dans ce contexte, la libéralisation du courrier ajoute une inquiétude. « On peut avoir des problèmes de confidentialité si nos lettres sont distribuées par ceux qui mettent la pub dans les boîtes aux lettres ou par des facteurs non salariés de La Poste. Je crains que l’on soit moins bien desservis… On sait que les attaques contre les usagers se font toujours en catimini. »
Les campagnes pourraient payer un lourd tribut. La CGT dénonce la fin de la péréquation entre les territoires favorisés et défavorisés, ce qui pourrait entraîner une disparité de tarifs. Comme le souligne Bernard Dupin, administrateur CGT à La Poste, « on va faire sauter le financement du recouvrement universel, l’acheminement du courrier en zone rurale va coûter plus cher. Il va y avoir des différences de services entre les petits et les gros usagers ».
D’autant que les nouveaux opérateurs ne devraient pas se ruer sur ces petits marchés, mais plutôt sur le juteux secteur du courrier d’entreprise. Pour l’heure, une vingtaine de distributeurs potentiels se sont déclarés à l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Mais aucun concurrent de taille n’a émergé. Les tentatives d’Alternative Post et 
d’Adrexo en 2009 ont été des échecs. Le premier avait « contourné » la législation pour se positionner sur le marché du petit courrier avant de baisser le rideau, en laissant 50 000 plis en souffrance d’après SUD PTT ! De son côté, Adrexo s’est recentré sur le marché du colis.
« La Poste avec son réseau a les moyens de faire taire cette concurrence mais va-t-elle continuer à maintenir un service de la même qualité en supprimant les postes à tout-va ? » s’inquiète Alain Le Berre. En réalité, l’ex-PTT est déjà passée à autre chose. Le courrier n’est plus la priorité de développement dans le groupe, dans le capital duquel la Caisse des dépôts vient d’entrer. La Poste prévoit 30 % de réduction d’activité pour la branche courrier d’ici à 2015. Une baisse en partie due à l’utilisation d’Internet. Désormais, la priorité est donnée à la Banque postale et au colis, qui devraient réaliser 55 % du chiffre d’affaires, contre 45 % pour le courrier dans quatre ans.
Le bilan social de La Poste 2009-2010 donne le tournis. 90 % des embauches en 2009 ont été des contrats précaires. L’objectif est de supprimer 50 000 postes d’ici à 2015. Dans le bureau du 2e arrondissement de Marseille, les 53 salariés et cadres sont mobilisés depuis quatre-vingt-dix-huit jours contre l’emploi précaire. Mais les directions régionale et nationale refusent tout net de pérenniser les postes.
Pour Alain Croce, secrétaire de la CGT, ce conflit est révélateur des priorités du groupe. « Ce qui se passe avec la distribution du courrier pendant cette grève est à l’image de ce que va engendrer la fin du monopole à l’avenir. La Poste met le paquet pour desservir les sociétés des docks et les usagers, eux, ne reçoivent leurs lettres que deux à trois fois par semaine. Elle ne remplit déjà plus son service public ! » Comme dans le Finistère, les postiers marseillais peuvent compter sur un élan de solidarité. Un retraité, un ancien cheminot, est venu du Vaucluse en train pour leur apporter un chèque de 2 500 euros.
Des soutiens qui évoquent la mobilisation populaire de la votation citoyenne contre la privatisation de La Poste. En octobre 2009, elle avait recueilli plus de 2 millions de votes contre la privatisation du service public.
Jeudi dernier, les postiers du bureau du 2e arrondissement marseillais sont allés à la rencontre de leurs collègues employés du bureau Colbert. L’agence historique du centre-ville de la cité phocéenne, depuis 1891, a fermé ses portes ce même jour.
Une décision hautement symbolique pour Alain Croce : « Les salariés sont victimes des restructurations à La Poste de Marseille. Le service public a été chassé du centre-ville. Le personnel dispersé. La population plutôt défavorisée du centre devra aller voir ailleurs. Sinon, dans le nouveau bureau, ces personnes qui ont besoin de conseils se retrouveront face à des automates. La Poste n’a que faire des usagers des zones urbaines sensibles (ZUS). »
Déjà plombés par le plan « facteur d’avenir » qui découpe les tournées de courrier et engendre des heures supplémentaires monstrueuses, les syndicats craignent aussi la mise en place d’un « facteur low cost » (1) avec la fin du monopole. Nicolas Galépidès, responsable fédéral chez SUD PTT, n’y va pas par quatre chemins. « Quand on voit ce qui se passe dans les autres pays, comme les Pays-Bas avec des facteurs en statut d’autoentrepreneur, pas de smic, ça fait peur. Pour éviter que cela nous arrive, il faut installer des conventions de branches pour barrer la route à ces dérives. La Poste agite le chiffon de la libéralisation pour supprimer des emplois. Il y a peut-être moins de courrier mais ce n’est pas pour autant que la tournée du facteur va plus vite. Il faudra toujours qu’il passe six jours sur sept ! » Pour la direction de La Poste, ces craintes de dégradation de service public sont infondées. « Avec la fin du monopole sur le courrier, il n’y a absolument pas de remise en cause de notre mission. Mais c’est un changement historique et on ne peut pas dire ce qu’il en sera demain pour les usagers. »

(1) À bas coûts.
Cécile Rousseau

http://www.humanite.fr/11_01_2011-groupe-la-poste-d%C3%A9rives-du-service-public-et-facteurs-low-cost-462073

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