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22/01/2011

Pour les Portugais, la rigueur ne fait que commencer

Sur fond de crise économique et de pression des marchés, les Portugais votent dimanche 23 janvier pour le premier tour de l’élection présidentielle. Ils redoutent les effets de l’austérité budgétaire.

Sur fond de crise économique et de pression des marchés, les Portugais votent dimanche 23 janvier pour le premier tour de l’élection présidentielle. Ils redoutent les effets de l’austérité budgétaire

«La TVA augmente/nos prix n’augmentent pas ». En lettres majuscules et couleurs vives, l’affichette trône à la vue de tous au-dessus de la caisse enregistreuse, à l’entrée d’un magasin de cosmétiques de Lisbonne.

« Les affaires ont été bonnes en fin d’année, explique la propriétaire, mais c’était artificiel car beaucoup ont anticipé leurs achats afin d’éviter la hausse de la TVA au 1er janvier. » Selon elle, «2011 s’annonce très difficile, entre la baisse des rémunérations des fonctionnaires, le gel des salaires dans le privé et la diminution des aides sociales. Du coup, on essaie de limiter les dégâts.»

Pas sûr que cela s’avère efficace. Alors que l’activité a progressé mieux que prévu en 2010, une récession est attendue cette année au Portugal, et le gouvernement vient de faire voter un budget d’austérité drastique, afin de redresser ses comptes et de rassurer les marchés.

« Du jour au lendemain, en début d’année, les gens ont déserté les magasins », s’exclame ce chauffeur de taxi en empruntant l’avenue de la Liberté, une artère commerçante de Lisbonne, vidée de ses piétons comme de ses embouteillages. Il a l’intention d’aller voter pour l’élection présidentielle ce dimanche, « mais je ne sais pas encore pour qui, soupire-t-il. Je suis désabusé vis-à-vis de nos responsables politiques de tous bords, qui ont mal géré l’économie depuis plus de quinze ans. »

Le plus dur reste à venir

Les difficultés du pays, Isabel Jonet en relève des traces depuis un an. Aux avant-postes. « Chaque jour ou presque, une boutique ferme ses portes dans ce quartier d’Alcântara, constate la présidente de la Banque alimentaire, qui a son siège ici. Les gens s’appauvrissent, alors ils se rabattent sur les grandes surfaces où les prix sont plus abordables. »

À l’extérieur, des bénévoles chargent les camionnettes à destination des associations caritatives de la ville, dans un ballet incessant. « Nous recevons des nouvelles demandes en permanence, de la part de familles qui n’arrivent plus à payer leurs factures, voire à rembourser leur crédit immobilier, décrit Isabel Jonet. Nous les orientons vers des organismes de soutien mais le problème, c’est que les aides sociales se réduisent. »

Les chiffres du chômage – 11 % de la population active en novembre 2010 –, sont en dessous de la réalité, estime-t-elle. « Beaucoup de personnes cumulent deux emplois. Si elles en perdent un, elles ne sont pas comptabilisées parmi les chômeurs mais le manque à gagner est énorme ! Et de nouvelles catégories, comme les jeunes diplômés, ont du mal à trouver du travail. »

Tous les Portugais s’accordent à le dire : le plus dur reste à venir. « Récemment, raconte un chef d’entreprise, une chaîne de télévision a organisé un débat intitulé “2010, l’année où la facture est arrivée”. Maintenant, il va bien falloir payer ! »

Textile, chaussure, ameublement, des secteurs en souffrance

Manuel Carvalho da Silva, secrétaire général de la CGTP, la principale centrale syndicale, dresse un sombre état des lieux. « Les secteurs en souffrance sont le textile, la chaussure, l’ameublement et les machines-outils, décrit-il depuis son bureau, au cinquième étage d’un immeuble avec vue sur l’océan. Les structures de petite taille sont les plus affectées. »

L’an dernier, des milliers de petites entreprises familiales ont dû mettre la clé sous la porte. À l’Université catholique de Lisbonne, Joao Borges de Assunçao, professeur d’économie, précise que «la crise a commencé par le Nord, où est implantée la quasi-totalité du textile. Aujourd’hui, ce secteur commence à relever la tête mais c’est au tour de Lisbonne, et plus largement du Sud, d’être touchés car c’est là que l’on trouve le plus de fonctionnaires. »

Les professionnels du textile, eux, espèrent avoir déjà payé leur écot. Avec 95 % des entreprises du secteur, Vila Nova de Famalicao, à 40 kilomètres au nord de Porto, vit au rythme de cette industrie, engagée dans une profonde mutation depuis 1991. De 300 000 salariés (directs), elle n’en emploie plus que 155 000 désormais, orientés vers une production à plus forte valeur ajoutée, pour survivre face à la concurrence chinoise.

« Malgré une reprise de la croissance et de nos exportations en 2010, le secteur a continué à détruire des emplois (– 4 % sur les neuf premiers mois de 2010, par rapport à la même période de 2009), et cette tendance devrait se poursuivre cette année », précise Paulo Vaz, directeur général de l’association du textile et de l’habillement du Portugal.

"L’année sera difficile et la contestation sociale peut se manifester"

Les syndicats redoutent une accentuation de la rigueur par le gouvernement socialiste de José Socrates. Et ne comptent pas sur Anibal Cavaco Silva, le président actuel, élu sous les couleurs de la droite pour renverser la vapeur. « Je crains que, s’il est réélu dimanche à la tête du pays, il amorce un virage socialement offensif, affirme Manuel Carvalho da Silva. Car même s’il a peu de pouvoir, le chef de l’État exerce toujours une forte influence sur les choix nationaux », affirme le syndicaliste.

Il compte organiser de nouvelles manifestations, après celle du 24 novembre. Luis, retraité de la marine marchande, partage son opinion. « Il y a quelques jours, le président sortant a déclaré à la télévision que le pays pourrait traverser une grave crise économique et sociale. C’est la première fois qu’il s’exprime ainsi. Les restrictions budgétaires risquent de se poursuivre, analyse-t-il, surtout si le pays est contraint de faire appel à l’aide financière de l’Europe et du FMI. »

Au gouvernement, on s’en tient aux mesures déjà annoncées. « L’année sera difficile et la contestation sociale peut se manifester, admet Pedro Lourtie, secrétaire d’État aux affaires européennes. Si nous expliquons notre stratégie, alors on peut espérer que la population comprenne. Les citoyens savent que cette crise mondiale et européenne exige des mesures sévères. »
Marie DANCER

http://www.la-croix.com/Pour-les-Portugais-la-rigueur-ne-fait-que-commencer/article/2452803/4077

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