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19/10/2009

Adieu veaux, vaches, cochons ?

Weronika Zarachowicz

L'explosion de l'industrie de la viande est un fléau pour la planète. Exemple : le méthane des vents bovins, un gaz à effet de serre plus nocif que le CO2 ! Pour sa survie, l'homme devra-t-il devenir végétarien ? Trop simple. On en profite pour revoir (en lien ci-dessous) trois vidéos sur l’élevage des porcs. Vous reprendrez bien un peu de charcuterie ?

Le réchauffement climatique aura-t-il la peau du gigot d'agneau et du rosbif ? Derrière cette question d'apparence loufoque se cache l'un des enjeux majeurs du siècle. Nous savions la planète menacée par nos voitures, nos logements surchauffés et nos long-courriers. Sachez que notre appétit pour les bonnes grosses côtes de boeuf se paye lui aussi au prix fort. Jugez plutôt : l'industrie de la viande est aujourd'hui la deuxième émettrice de gaz à effet de serre au monde, juste derrière l'industrie de l'énergie. Elle en produit 18 %, soit plus que tous les trans­ports planétaires réunis (14 %) ! 18 %, émis tout au long de la chaîne de fabrication de nos steaks : depuis les engrais chimiques pour les fourrages jusqu'à l'azote du fumier, via les pets et surtout les rots de vaches chargés en méthane, un gaz à effet de serre vingt-cinq fois plus puissant que le gaz carbonique. Ce chiffre monstrueux a été publié pour la première fois en 2006 dans un rapport explosif de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Et confirmé, depuis, par une série d'études. A tel point que la Suède envisagerait de mettre la viande au sommaire du prochain sommet sur le climat de Copenhague, en décembre prochain. Le XXIe siècle verra-t-il la fin du régime carné pour des raisons – que l'on n'attendait pas – écologiques et sanitaires ?

La litanie des méfaits de l'industrie de la viande est longue, comme le rappelle le journaliste Fabrice Nicolino dans un livre coup de poing, Bidoche, l'industrie de la viande menace le monde. Il y a bien sûr les conditions barbares dans lesquelles les poules – bec coupé –, les cochons – sans queue ni dents –, les vaches – écornées – vivent leur moderne existence de « marchandises animales ». Rien de très nouveau sous la plume de Nicolino. Une poignée de livres fondateurs et quelques documentaires avaient déjà exposé l'absurdité et l'horreur de l'industrie de la bidoche (1). Mais cela vaut d'être répété, tant les puissantes filières de « production animale » font tout pour en dissimuler la violence.

“Si les Chinois se mettaient à consommer
des produits laitiers, et les Indiens
de la viande, ce serait un tremblement
de terre pour l'agriculture mondiale.”

Il y a aussi les risques pour la santé d'une surconsommation de viande rouge, charcuteries industrielles et autres produits transformés : maladies cardio-vasculaires, obésité, diabète et bien sûr cancers... « Les études sont nombreuses et concordantes, constate Nicolino, mais les esprits ne sont pas mûrs pour l'entendre. Comme à la fin des années 60 face au tabac, quand coexistaient le cow-boy Marlboro et les premiers cris d'alerte. » Car la demande explose, accompagnée par la prolifération d'exploitations hors-sol à travers le monde, et en particulier en Asie. De 71 millions de tonnes en 1961, la production de viande a atteint 284 millions de tonnes en 2007. La consommation globale, elle, a doublé en quarante ans. Dans les pays en développement, elle a même doublé dans les seules vingt dernières années ! « Partout, l'augmentation des revenus s'accompagne de celle de la consommation de viande, ce qui est une bonne nouvelle pour les pays pauvres. L'événement planétaire de ces vingt dernières années, c'est la poule au pot du Chinois ! » résume Bruno Parmentier, auteur de Nourrir l'humanité. Nos 15 millions de cochons français ne pèsent plus grand-chose face à leurs 489 millions de cousins chinois. Et que dire des 4,4 milliards de poules et des 115 millions de bovins chinois ! « Une grande partie de l'humanité est encore végétarienne, ajoute Parmentier. D'où ces interrogations, essentielles pour notre avenir alimentaire : les Chinois, qui ne consomment pratiquement pas de produits laitiers, vont-ils modifier leurs habitudes ? Les Indiens, pour la plupart végétariens du fait de la croyance hindoue en la réincarnation, vont-ils un jour devenir carnivores ? Si c'était le cas, ce serait un tremblement de terre pour l'agriculture mondiale. »

La croissance actuelle du consumérisme carné donne déjà un avant-goût des conséquences en chaîne pour l'humanité. A commencer par la multiplication des virus, deux tiers des affections humaines provenant des animaux. Selon Bruno Parmentier, « les conditions sont réunies pour que l'élevage, en particulier de volailles et de porcs, connaisse des crises sanitaires croissantes, notamment en Asie : grande densité de population, développement accéléré des élevages à proximité des habitations, faible système de contrôle sanitaire, conditions de transport et chaînes du froid approximatives... ». Mais, surtout, « produire » (car impossible de parler d'« élevage » dès lors qu'il s'agit d'infrastructures ultra intensives et souvent hors-sol) de la viande à grande échelle demande des ressources vertigineuses : selon la FAO, la production de protéines animales engloutit 70 % des terres agricoles, plus de 30 % des terres émergées et 45 % de l'eau mondiale. Bien que le nombre d'affamés dépasse le milliard (et augmente chaque année de 50 mil­lions), la majeure partie du maïs et du soja sert à nourrir cochons, vaches et poulets. Et si la forêt amazonienne disparaît comme peau de chagrin, c'est d'abord au « profit » de l'élevage. « A destination du marché intérieur brésilien, qui a vu la consommation de viande multipliée par quatre entre 1979 et 1997, précise le géographe Guillaume Marchand, auteur d'un instructif décryptage de l'"effet papillon" entre consumérisme carné et déboisement. Mais aussi pour la filière d'exportation, qui s'est développée à la demande de l'Union européenne à la suite de la crise de la "vache folle". » Ne manque plus, pour compléter un tableau déjà apocalyptique, « que » la pollution massive des airs, des sols et des eaux (les déjections animales étant 130 fois supérieures en volume aux déchets des hommes et hautement productrices de résidus d'azote et de phosphore).

Alors, que faire, quand on sait que la production de viande - et celle de lait - s'apprête à doubler d'ici à 2050 ? Devenir végétariens ? « Attention, tempère Guillaume Marchand. En Amazonie, par exemple, le bétail est souvent la seule manière de s'en sortir pour les petits paysans. » Au sud, le bétail reste un moyen de traction et un apport primordial de protéines et de lipides. Au nord, les animaux valorisent des prairies qui captent mieux le carbone que les terres mises en culture. « Choisir le tout-végétarien reviendrait à nier des cultures millénaires, ajoute la sociologue Jocelyne Porcher. N'oublions pas que l'élevage, à la différence des productions industrielles de viande, ne vise pas qu'à produire des aliments. Il nous a permis de construire une relation avec les animaux, depuis le début de la domestication. Et puis, en éliminant la viande, on conforte les industriels agro-alimentaires, qui veulent produire de la viande artificielle par cultures cellulaires et se débarrasser définitivement des animaux ! »

Mieux vaudrait donc revoir la façon dont la viande est produite. Promouvoir une agriculture et un élevage « écologiques », relocalisés, plutôt qu'intensifier toujours plus nos modes de production. Et, surtout, convaincre les riches de ne plus se gaver de bidoche. « Voilà le grand enjeu, poursuit Bruno Parmentier, les pays riches seront-ils assez responsables pour s'occuper de leur santé, diminuer leur consommation et permettre à l'humanité de s'en sortir ? » A Gand, en Belgique, on y croit. Depuis mai dernier, chaque jeudi, c'est donderdag veggiedag - jeudi sans viande -, et c'est une première en Europe.

Telerama - 18.10.09

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