À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

30/07/2009

"Comment a-t-on pu laisser mourir Gamma ?"

Le groupe Eyedea Press, détenteur de Gamma, a été déclaré ce mardi en cessation de paiement. Une annonce dramatique pour l'avenir du photojournalisme et de l'information en générale, selon Noël Quidu, photographe à Gamma depuis 21 ans.

Gamma, cette mythique agence de photojournalisme fondée par Hubert Henrotte, Hugues Vassal et Jean Monteux ( et rejoint par Raymond Depardon et Gilles Caron), peut-elle vraiment déposer le bilan ?

Noël Quidu. Oui, elle le peut, car personne n'a mis en place de plan de sauvetage pour la préserver. Cette situation est incroyable : comment a-t-on pu laisser mourir Gamma, cette agence qui a tout fait pour la liberté des photographes et de l'information, qui a inventé le copyright et les crédits photographiques ?

L'agence, créée en 1966, perd plusieurs centaines de milliers d'euros par mois... Comment en est-on arrivé là ?

En ne faisant pas le nécessaire pour qu'elle se redresse. Eyedea (Le groupe qui détient, entre autres, Gamma, NDLR) aurait dû vendre une partie de ses actifs, lancer un plan de sauvetage pour la cinquantaine de salariés de Gamma. Mais il n'y a eu aucune communication et l'omerta a été absolue sur la situation de l'agence. La direction nous disait « Ne vous inquiétez pas, des repreneurs arrivent ». Et puis, rien. On a bloqué les fonds, les commandes. En 21 ans, c'était la première fois qu'on ne me laissait pas partir en reportage, comme s'il y avait la volonté que tout s'arrête.

La presse est-elle en partie responsable ?

Il n'y a pas de coupable tout désigné, mais la presse a désormais une politique de récupération d'images qu'elle acquiert gratuitement ou à très bas coût. Les prestataires, comme Gamma, trinquent donc en premier et les reportages deviennent vides, sans émotion, ni vécu. Pour faire plus de fric, on économise sur les photos...

Que pensez-vous des photos que certains journaux rachètent à des amateurs, parfois prises depuis un téléphone portable ?

C'est à vous, les médias, de vous interroger sur ces pratiques et de vous remettre en question. Maintenant, on prend tout et n'importe quoi sous prétexte que ce n'est pas cher. Où est la déontologie, la recherche d'information et de vérité dans tout ça ?

L'information est-elle vraiment en danger si une agence de photojournalisme comme Gamma ferme ses portes ?

Gamma n'est qu'un symbole de ce qui va se produire si on continue à marchander les photos. Si le photojournalisme s'arrête, il y aura des zones d'ombre sur la planète et les dictatures feront leur choux gras de cette situation. On pourra taire les guerres, les conflits, faire croire aux gens ce qu'on veut. Les photos seront récupérées sans s'assurer qu'il ne s'agit pas de montage ou de faux. Les rumeurs ne seront pas vérifiées. Vous savez, sans image, il n'y a pas de preuve, pas d'information.

C'est cela votre rôle de photojournaliste, prouver ?

Prouver et bien plus. Notre rôle c'est même de « foutre la merde ». Alarmer, dénoncer, montrer ce qui se passe à travers le monde. Ne pas accepter les paroles toutes faites des gouvernements. Chez Gamma, chaque reportage est un reportage concerné, c'est-à-dire que le journaliste a une autorité pour choisir un sujet et aussi une liberté de pensées et d'actions.

Tout le monde sait photographier, mais tout le monde n'est pas photographe. Et comme son nom l'indique, le photojournaliste est un journaliste à part entière : quand il part sur le terrain, il ne photographie pas à tout-va. Il rentre avec une histoire de A à Z, une histoire construite qui évoque une vision prise à endroit donné, à un moment donné.

56 des 95 salariés du groupe sont menacés de licenciement. Comment envisagez-vous l'avenir ?

C'est dur à dire. Moi, je suis un enfant de Gilles Caron (célèbre photographe de l'agence Gamma, NDLR). Je fais ce métier par philosophie et je continuerai d'une manière ou d'une autre. Mais les photographes sont des solitaires et le silence autour de cette question est assourdissant. Les gens semblent anéantis, mais en même temps, au sein de Gamma, personne n'est monté au créneau pour nous défendre. Gamma, c'est l'histoire de 40 ans de news internationales, ce serait bien que les syndicats soient un peu plus actifs pour sauver ce qui mérite de l'être. - Les plus belles photographies de Gamma

L?Expansion.com - 29.07.09

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