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18/10/2009

Casques bleus: quand on a intérêt à faire durer la guerre...

Salvador Capote - Mondialisation.ca, Le 17 octobre 2009

La crise au Honduras n’est toujours pas résolue et pourrait mener à un conflit majeur qui pourra coûter cher à l’oligarchie de ce pays. Il n’est donc pas surprenant que dans les cercles les plus réactionnaires de cette nation d’Amérique Centrale, ainsi qu’aux USA, on pense déjà à faire appel à un des moyens les plus efficaces pour rompre la montée au pouvoir des secteurs populaires ; imposer l’envoi de troupes « pacificatrices », les casques bleus de l’ONU.

Quelques ingénus penseront que ces troupes, qu’elles soient de l’ONU ou sous le drapeau d’autres organisations multilatérales, interviennent de façon juste et équitable avec la participation de tous les pays membres et que leur rôle est d’installer et maintenir la paix. En fait, dans la majorité des cas, si pas tous, la présence de forces étrangères aggrave le conflit et ce que ces troupes maintiennent c’est un statu quo, toujours en faveur des classes privilégiées. Les missions dites de paix de l’ONU sont financées principalement par les USA et les pays européens de l’OTAN, tandis que les simples soldats proviennent des pays du Tiers-Monde. Il y a ceux qui paient et il y a ceux qui meurent. Celui qui paie décide.

Selon des données officielles, les cinq pays qui ont apporté, en 2008, le plus grand nombre de soldats aux missions de l’ONU sont : Pakistan, Bangladesh, Inde, Nigeria et Népal. Les trois premiers couvrent le tiers des 100.000 casques bleus déployés dans les zones de conflit dans le monde. Du dernier proviennent les féroces gurkhas.

L’ONU paie mensuellement aux gouvernements respectifs 1.101$ par soldat et 1.404$ s’il a une qualification militaire. Ensuite chaque gouvernement paie aux troupes la somme qu’il estime correspondre (toujours une infime partie de la somme reçue). Ces salaires, plus l’armement, équipements et entraînements fournis par l’ONU, permettent à des pays pauvres de maintenir une modernité dans leurs armées qu’ils ne pourraient s’offrir autrement. Le paradoxe est là, un militarisme alimenté par les missions de paix. De plus, la participation à ces missions étant lucrative pour les gouvernements et assurant leur emploi aux soldats, les uns comme les autres ont tout intérêt, économiquement et militairement, à ce que ces conflits se prolongent.

L’ONU manque d’une logistique propre, elle dépend entièrement des pays développés. Un fonctionnaire de l’ONU le « Chief Administrative Officer » assure seulement le rôle de coordinateur. Les pays donateurs, les USA en particulier, déterminent le flux de ravitaillement et donc, le contrôle de toutes les missions sont entre leurs mains, même si leurs citoyens n’y participent pas. Et ne pensez pas que cela soit une charge économique pour les USA et ses alliés. L’intervention des troupes de l’ONU évite jusqu’à un certain point, leur présence directe dans les conflits. Si l’ONU n’assurait pas ce rôle, dans combien d’endroits du monde les troupes nord-américaines devraient-elles combattre ou assurer le rôle de gendarmes ? Susan Rice, la nouvelle ambassadrice des USA à l’ONU, citée par Jack Curry (1), affirme que l’ONU effectue ses interventions pour le 1/8 de ce que cela coûterai t aux USA s’ils intervenaient directement. « C’est une bonne affaire - dit-elle - tant du point de vue de la sécurité que du point de vue financier ».

Ces soldats du Tiers Monde, ont souvent un niveau scolaire très bas. Ils ignorent complètement l’histoire, la culture et les coutumes du pays où ils sont envoyés. Ils parlent une autre langue, ne comprennent pas les racines et caractéristiques du conflit et leur unique ou principale motivation est le salaire. En réalité ce sont des mercenaires, mais comme ils agissent sous couvert d’une organisation internationale on ne peut les répertorier comme tels.

Dans une étude réalisée par l’ONU en 1996 (rapport Machel), Graça Machel, alors première dame du Mozambique, informa : « dans 6 des 12 enquêtes sur les camps réalisées pour faire ce rapport sur l’exploitation sexuelle des enfants dans des situations de conflit armé, l’arrivée des troupes des forces de paix est en relation avec une rapide croissance de la prostitution infantile ». Pendant le conflit en Bosnie, ces forces de paix ont été impliquées dans un scandale dû au fait qu’ils enlevaient des enfants pour les faire travailler comme esclaves sexuels dans des bordels. Plusieurs années après, le problème de l’abus sexuel d’enfants par les casques bleus n’est toujours pas résolu. Un nouveau rapport, fait par « Save the Children », publié en mai 2008 dénonça que « l’abus sexuel d’enfants par des travailleurs humanitaires et des forces de paix est fréquent et les efforts faits pour protéger les mineurs de ces agressions ne sont pas adéquats ». « Save the Children » a basé son rapport sur les visites faites en 2007 à Haïti, au sud du Soudan et en Côte d’Ivoire. L’étude montre un large spectre d’abus et exploitations : enfants échangeant du sexe pour de la nourriture, sexe forcé, prostitution et pornographie infantile, trafic d’enfants. L’étude donne le récit d’un jeune de 14 ans travaillant dans le camp des forces de paix en Côte d’Ivoire : « Ils nous demandent spécialement des filles de notre âge. En général de huit à dix hommes se partagent deux ou trois filles. Quand je propose une fille plus grande, ils me disent qu’ils préfèrent les petites filles. »

Dans un article publié le premier octobre 2009 (2), le Washington Times signale que « le Congo est amphitryon du MONUC, acronyme de la plus grande et plus coûteuse opération pour maintenir la paix dans l’histoire des Nations Unies. Malgré la présence de 18.000 soldats et un budget annuel de plus de 1.2 milliard de dollars, les forces de paix ont été incapables de protéger la population des groupes rebelles et des soldats du gouvernement ». Citant l’ambassadeur d’Autriche, Thomas Mayr-Harting, il est dit que c’est « absolument impardonnable » que les civils doivent vivre sous la menace de violences là où sont déployées les forces de paix de l’ONU. Au Congo, selon le Fond de Développement pour la Femme, chaque jour une moyenne de 36 femmes et filles sont violées ou torturées sexuellement.

Plusieurs pays latino-américains font partie de la MINUSTAH, acronyme de la Mission des Nations Unies de Stabilisation à Haïti. L’ambassade du Brésil à Tegucigalpa accueille le président Zelaya mais n’oublions pas que c’est ce pays qui est à la tête de la MINUSTAH et dont les soldats ont massacré, au moins à deux occasions, le peuple rebelle mais sans défenses de la Cité Soleil. A quoi servit la MINUSTAH ? A consacrer le coup d’état de George W. Bush, en 2004 contre le président légitime Jean Bertrand Aristide; à soutenir la brutalité du régime ignoble de Gérard Latortue; a appuyer la persécution de Lavalas; à semer la terreur dans les quartiers considérés pro-Aristide de Bel-Air, Martissant, Grand Ravin, Pele et bien sûr la Cité Soleil. La MINUSTAH n’est rien d’autre qu’une armée d’occupation qui répond aux intérêts de l’élite haïtienne et de l’administration des USA.

Dans une récente et habile initiative de l’oligarchie du Honduras, Adolfo Facussé, président de l’Association Nationale des Industries, a présenté au journal La Jornada un nouveau plan pour sortir de la crise. Une des propositions du « plan Facussé » est la création d’une force multinationale qui se chargerait de faire respecter d’éventuels accords. Cette force externe - propose -t-il - se composerait de trois milles soldats du Panama, de Colombie et du Canada. Caramba ! Mais n’est-ce pas le Panama l’unique pays qui anticipe sa reconnaissance au régime qui sortirait des élections de novembre ? N’est-ce pas l’armée colombienne qui a bombardé récemment le territoire souverain d’Équateur pour assassiner le comandant des FARC Raúl Reyes ? Le Canada n’est-il pas le fidèle allié des USA ? Une force multilatérale formée par des amis des putschistes serait comme engager un renard pour veiller sur le poulailler. J’aimerais savoir comment réagirait l’oligarchie du Honduras face à une force de paix composée d’un contingent majoritairement vénézuélien avec un général bolivarien à sa tête.

Si le peuple du Honduras permet l’entrée dans son pays de l’une des dites « force de paix », qu’elle soit ou pas de l’ONU, vous pouvez être sûrs que ces forces ne se retireront pas avant que l’oligarchie du pays ne considère ses intérêts garantis pendant les trente ou quarante années à venir. Il n’y a pas d’autre attitude digne que d’exiger la restitution immédiate et sans conditions du président Manuel Zelaya; il n’y a pas d’autre chemin valable que la résistance.


(1) « Does the U.N serve american interests ? », Jack Curry, PARADE, The New York Herald, 4 oct 2009
(2) « U.N rebues nations over rape, torture », Betsy Pisik, The Washington Times, 1 oct 2009

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