Comme un air de poudre dans les rues de Tegucigalpa, capitale du Honduras. Un président destitué et exilé par la manière (très) forte, Manuel Zelaya ("Mel" pour ses partisans) de retour au cœur du pays dont il a légitimement la charge. Un pouvoir putschiste qui oscille entre répression brutale des partisans de la légalité et tentative de calmer le jeu. Et cette rue hondurienne qui ne cessait de hurler depuis la destitution illégitime de son président le 28 juin et qui trouve dans le retour rocambolesque de Zelaya un nouveau souffle.
Le 22 et 23 septembre, le pays semble ne pas être passé loin de l’implosion quand le pouvoir putschiste de Roberto Micheletti a décrété le couvre feu suite à de violentes manifestations. Si l’heure est à l’apaisement (timide), le couvre-feu ayant été partiellement suspendu, la situation reste explosive.
Difficile de se faire une idée de ce qui se passe depuis le retour de Zelaya, le 21 septembre. Cloitré à l’ambassade du Brésil, il semble réduit à l’impuissance. Dans les médias, pas grand-chose, des supputations, très peu de témoignages. Quelques vidéos qui ne montrent pas grand-chose (notamment sur Global Voices). De courts résumés des manifestations du jour.
Certains font mine de découvrir la violence du pouvoir en place (on les a connus plus réactifs concernant l’Iran…) alors que manifestations et répression s’enchaînent quasi quotidiennement depuis le 28 juin. C’est pourtant indiscutable : le très autoritaire gouvernement Micheletti ne s’embarrasse pas de scrupules pour se maintenir au pouvoir. Maurice Lemoine le rappelle dans La Valise diplomatique datée du 23 septembre :
Depuis ce jour (le 28 juin), et alors que le Front national de résistance mène de puissantes mobilisations populaires, jamais la répression contre la population n’a cessé, au vu et au su de tous – mais n’émouvant guère les médias. Le 6 août – seize jours avant le retour de M. Zelaya –, le Comité des familles de détenus disparus au Honduras (Cofadeh), comptabilisait deux mille sept cent deux arrestations illégales et neuf meurtres, certains commis par des militaires habillés en civil. Le bilan s’est alourdi depuis. Mis en sommeil à la fin des années 1980, des escadrons de la mort ont diffusé une liste de cent vingt syndicalistes à abattre.
C’est aussi ce que décrit Francesca, résidente au Honduras et jointe par mail. Le peuple est en lutte, se bat contre l’injustice, depuis le coup d’État :
Depuis ce jour, le peuple s’est organisé et a commencé à marcher dans les rues. Ça a fini par s’appeler "la resistencia", car on résiste au gouvernement qui s’est mis en place avec Micheletti. La résistance s´organise dans tout le pays et chaque jour on marche pour exiger la restitution du président Zelaya et de "La Constituyente", ce symbole de la voix du peuple qu’on a voulu encore une fois réduire au silence.
Francesca souligne notamment l’ambiance très tendue des manifestations des 22 et 23 septembre :
Tous les jours, les policiers s’attaquent aux gens de la résistance. Ils frappent avec des tubes d’acier et des bâtons avec des clous, utilisent des bombes lacrymogènes et des fusil. En ce moment, il y a 400 personnes de la résistance en prison et 30 morts qui ne figureront que dans les listes de ONG…
Des chiffres impossibles à vérifier et qui ne cadrent pas - ô surprise - avec les déclarations de la police (qui évoque deux morts, du bout des lèvres). En passant, Francesca évoque la levée du couvre feu [1], « un grand soulagement » et aussi la preuve des hésitations d’un pouvoir qui ne dispose que d’un soutien limité, tant dans le pays qu’en dehors, ne peut se permettre durablement un tel manque à gagner financier et craint l’embrasement généralisé.
Un pouvoir isolé, un peuple qui lève la tête et le dit haut et fort, la situation est plus que jamais explosive. Si l’issue est incertaine (Micheletti et ses sbires vont-ils surenchérir dans la répression ?), le peuple hondurien a prouvé qu’il ne resterait pas sans réaction face à un pouvoir illégitime et autoritaire. Comme le déclarait en juillet la journaliste Hélène Roux, en un entretien donné le 11 juillet à ce site :
Pour finir, ce qui vient de se passer - le coup d’État, la répression et les arrestations - a sans doute cristallisé un réveil des mouvements sociaux au Honduras. Quelle que soit l’issue de la crise, rien ne sera plus pareil.
Les photos qui suivent (et celle qui précède) sont de Blanca Kat [2] et n’ont pas été diffusées par d’autres médias. Elle ont été prises au petit matin du 22 septembre 2009, lendemain de l’arrivée du président Zelaya, à quelques mètres de l’ambassade où il s’est réfugié.
Notes
[1] Une levée temporaire, puisque Micheletti vient de réinstaurer un couvre-feu nocturne.
[2] Un grand merci à elle pour nous avoir autorisé à les diffuser ; ainsi qu’à Francesca pour nous les avoir envoyées.
www.article11.info - 25.09.09
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