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02/10/2009

Sur le sommet du G20 à Pittsburgh planent les conflits entre grandes puissances

Barry Grey - Mondialisation.ca, Le 1 octobre 2009

Les dirigeants politiques et les chefs des banques centrales réunis pour le sommet du G20 des principales économies ce week-end à Pittsburgh ont devant eux la tâche de masquer des conflits de plus en plus patents et acerbes sur une politique de redémarrage de l’économie mondiale et celle de prévenir un nouveau désastre financier.

Une année après avoir évité de justesse un effondrement du système financier, les engagements pris pour une coordination mutuelle et un rejet de politiques protectionnistes au dernier sommet du G20 en novembre à Washington et à celui de Londres en avril sont éclipsés par les divisions existant à propos de la politique économique. Les divergences correspondent aux intérêts nationaux des élites dirigeantes des Etats-Unis, d’Europe et des puissances montantes d’Asie et d’Amérique latine, en premier lieu la Chine.

Mardi, un responsable allemand répondit au « Cadre d’action pour une croissance durable et équilibrée » soumis par l’administration Obama en avertissant que « les différences s’élargissaient ».

Moins de deux semaines avant le sommet, l’administration Obama annonçait une taxe de 35 pour cent sur les exportations de pneumatiques en provenance de Chine vers les Etats-Unis, provoquant des menaces de représailles contre les exportations américaines d’équipement automobile et de volaille et faisant ressurgir le spectre d’une guerre économique entre la première et la troisième économie du monde.

Le « cadre d’action » proposé par les Etats-Unis est dans l’essentiel une tentative de faire porter le fardeau de la crise déclenchée par l’effondrement du système bancaire américain sur les principaux rivaux de Washington au niveau mondial. Cette orientation nationaliste est couchée dans le langage altruiste de la coopération et de la « maîtrise des déséquilibres mondiaux ».

Les Etats-Unis agissent cependant à partir d’une position considérablement plus faible que dans les crises précédentes. Le Wall Street Journal de mercredi relevait « un déplacement de pouvoir dans le monde depuis la crise financière asiatique d’il y a une décennie ». Ce journal ajoute : « le trésor américain […] déterminait alors en grande partie la stratégie mondiale, mobilisant le FMI pour qu’il l’aide et pour qu’il finance généreusement les plans américains. »

« Cette fois-ci, le système financier américain étant au cœur du problème, et les grandes nations en développement jouant un rôle de plus en plus important du point de vue économique, le [secrétaire au Trésor Thimothy] Geithner a dû adopter une approche beaucoup plus subtile. La reconnaissance de la culpabilité des Etats-Unis fait partie de cette approche. “Il construit un consensus plutôt qu’il n’a recours à la coercition” dit Eswar Prasad, économiste de la Brookings Institution ».

Une partie de cette approche plus « subtile » est de tirer la Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres économies émergentes du côté américain en approuvant, comme partie essentielle de son « cadre d’action », une augmentation de leur droit de vote au FMI (Fonds monétaire international), ce qui est désapprouvé par les puissances européennes, dont le poids au sein du FMI serait ainsi diminué.

L’agence Associated Press résuma l’altération, visible au sommet de Pittsburgh, dans la position des Etats-Unis en ces mots : « Avec des déficits se montant à des billions de dollars et un dollar affaibli, les Etats-Unis n’ont pas le poids qu’ils avaient il y a un temps dans les sommets économiques. A présent l’Allemagne, la France et tous les autres joueurs nouveaux, des pays comme la Chine et le Brésil, mettent en avant leurs propres problèmes. »

L’endroit lui-même où s’est tenu le sommet est un symbole. Le déclin de l’industrie sidérurgique dans ce qui fut autrefois son centre mondial, exprime, sous forme concentrée, le déclin de l’industrie des Etats-Unis et la décadence du capitalisme américain.

Cela dit, les Etats-Unis ont toujours un pouvoir énorme, partiellement et précisément à cause de leurs déficits budgétaire, commercial et de la balance des paiements massifs. Des pays comme la Chine et le Japon qui détiennent des milliards de dollars en bons du Trésor considèrent un effondrement du dollar comme une catastrophe pour leurs propres économies et ceux dont les économies dépendent fortement des exportations – la Chine, le Japon, l’Allemagne – ont un intérêt particulier immense à pouvoir accéder à un marché américain qui a redémarré et qui croît.

Le « cadre d’action » de l’administration Obama cherche, suivant les intérêts de l’élite financière et d’affaires américaine, à tirer avantage de ce pouvoir. Il y a trois principales composantes de la proposition américaine.

Tout d’abord, les Etats-Unis cherchent à obtenir un engagement de la part des nations du G20 à s’occuper des déséquilibres économiques mondiaux entre les nations débitrices, Etats-Unis en tête, et les nations qui ont une balance des paiements excédentaire comme la Chine, le Japon et l’Allemagne. Les Etats-Unis mettraient en œuvre une politique destinée à réduire son déficit budgétaire — que l’administration Obama estime à 9 billions pour la décennie a venir — et les nations excédentaires seraient obligées de réduire leur dépendance vis-à-vis des exportations en augmentant, dans le cas de la Chine, la demande intérieure et en faisant, dans le cas de l’Europe, des soi-disant « changements structurels » pour augmenter les investissements d’affaires.

S’il n’y a pas de sanctions prévues contre les nations qui ne feraient pas les ajustements requis, le FMI superviserait cependant un processus d’« examen par les pairs » qui pourrait faire pression sur les pays qui ne joueraient pas le jeu.

La Chine et de façon plus prononcée encore l’Allemagne, ont critiqué cette proposition qu’ils regardent comme un mécanisme pour attaquer leurs excédents commerciaux. Ils sont d’autant plus sceptiques que les Etats-Unis continuent de dominer au FMI.

Pour l’élite américaine, un tel « rééquilibrage » de l’économie mondiale est lié à une attaque du niveau de vie de la classe ouvrière américaine. Dans une interview donnée dimanche dernier sur CNN, Obama lia la proposition américaine au G20 à la politique poursuivie par son administration pour faire baisser la consommation intérieure.

« Nous ne pouvons retourner à une époque », dit-il « où les Chinois et les Allemands ou d’autres pays nous vendent tout, où nous prenons un tas de dette sur carte de crédit ou d’emprunts immobiliers, mais où nous, on ne leur vend rien. »

Ce qu’Obama n’a pas dit, c’est que cette réduction de la consommation américaine serait applicable à la masse de la population laborieuse, mais pas à l’élite financière, et serait obtenue en maintenant un chômage élevé comme arme de la baisse des salaires, accompagné de coupes sans précédent dans les services sociaux tels que la Santé et les programmes d’assurance-santé publics tels que Medicare, Medicaid et l’aide sociale.

L’exigence de « changements structuraux » dans les économies européennes est un euphémisme qui signifie en fait le démantèlement de ce qui reste de protection sociale pour les ouvriers et d’autres mesures destinées à ouvrir ces économies plus encore aux marchandises et aux investissements américains. La bourgeoisie européenne, qui mène sa propre attaque des conditions de vie de la classe ouvrière s’inquiète des implications politiques de mesures ostensibles et précipitées pour éliminer les protections encore existantes contre les licenciements et pour imposer des standards « à l’américaine » dans le travail.

Le second volet du « Cadre d’action » américain est l’exigence d’impératifs de réserves de capital plus contraignants pour les banques. Geithner demande un accord sur de tels impératifs pour la fin 2010 et leur mise en œuvre pour la fin de 2012.

Les européens y voient une tentative de mettre leurs secteurs bancaires en position de désavantage par rapport aux banques américaines. Les grandes banques américaines ont déjà des réserves de capital plus importantes que leurs concurrentes européennes en partie à cause de l’énorme ampleur du plan de sauvetage de Wall Street et elles pourraient plus facilement honorer de telles exigences.

La ministre française des Finances Christine Lagarde a dit, dans une interview donnée la semaine dernière, de la proposition américaine, que toutes les banques du monde devraient être plus fortement capitalisées qu’elles ne l’étaient avant la crise. Elle ajouta que ce serait le comble de l’ironie si l’aboutissement d’une série de règlements était de favoriser, au détriment des autres, un groupe de banques ayant dû être massivement restructuré à l’aide de fonds publics.

La troisième composante du « cadre d’action » américain est de donner aux principales puissances économiques montantes plus de pouvoir dans les décisions du FMI.

L’Angleterre dont l’économie est très largement dépendante du rôle joué par son secteur bancaire en tant que centre financier mondial, s’est de façon générale alignée derrière les propositions des Etats-Unis. Elle veut incorporer des sanctions vis-à-vis de ses rivaux européens au moyen d’un « mécanisme déclencheur » entraînant des pénalités contre les pays qui manqueraient à ajuster leurs politiques d’exportation et de réduire leurs excédents de la balance des paiements.

L’Allemagne et la France ont critiqué le fait que les Etats-Unis insistent sur les déséquilibres économiques mondiaux comme étant le prétexte d’imposer un ordre du jour qui leur est favorable et appelèrent, au contraire, à une réglementation internationale plus stricte des banques. Ils cherchent par là à prendre avantage du déclin du prestige et de l’influence de Wall Street afin de renforcer leurs propres secteurs bancaires.

Ils ont essayé de poursuivre leur propre ordre du jour anti-Etats-Unis sous le mot d’ordre de la limitation des bonus des banquiers. Le président français Nicolas Sarkozy en particulier, a appelé à imposer des limites aux revenus des banquiers. Dans la période qui a précédé le sommet lui et la chancelière allemande Angela Merkel ont cependant fait marche arrière, essayant de fabriquer une résolution n’imposant pas de contraintes sérieuses et étant acceptable pour les Américains.

L’économiste de la Brookings Institution, Prasad, dit du sommet qu’il y avait encore « un chiasme sur les question macroéconomiques ». Il ajouta : « la Chine continue de considérer le cadre d’action proposé comme une manœuvre sournoise de la part des Etats-Unis pour détourner l’attention de son déficit fiscal massif ».

Le Wall Street Journal cita Simon Johnson, un ancien économiste en chef du FMI qui appelait la proposition américaine « de la rhétorique creuse » ayant déjà été essayée et ayant échoué dans le passé.

Le résultat probable de ces conflits d’intérêts sera une résolution du G20 sans aucun pouvoir et qui ne fait rien pour traiter les problèmes systémiques qui ont conduit à la crise économique la plus grave depuis les années trente et a ouvert la voie à une nouvelle éruption de nationalisme économique et à une nouvelle aggravation des tensions internationales.

Il n’y a aucune base pour une réponse coordonnée et rationnelle, au niveau international, à la crise économique dans le cadre du capitalisme. La crise actuelle représente un effondrement du système capitaliste lui-même, soudé au système des Etats-nations et qui se trouve en contradiction avec le développement de l’économie mondiale. La crise a déclenché une nouvelle curée parmi les principales puissances pour le contrôle des marchés et des sources de main-d'œuvre à bon marché, un conflit qui conduit, à moins qu’il ne soit résolu par la mobilisation de la classe ouvrière internationale dans une lutte pour le socialisme, vers une pauvreté croissante et à la guerre.

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