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30/09/2009

A l'hosto, des conditions de travail limite-limite

Elle est de bonne composition, l'équipe soignante du service de chimiothérapie à l'hôpital Saint-Louis. Ils sont une petite dizaine (infirmières, aide-soignant, médecins) logés dans un cagibi de 3,50 m de long sur 2 m de large. Soit non pas 9 m2 comme je le croyais mais 7 m2 ! Vous imaginez la densité hors normes. De surcroît, le local est aveugle, sans fenêtre, mal ventilé. C'est le poste de soins.

Certes, les huit ou neuf de l'équipe soignante ne sont pas tout le temps à travailler ensemble, mais ils sont souvent au moins cinq ou six simultanément. Six à se marcher sur les pieds, à se gêner en se croisant.

Rappelons que «la surface minimale recommandée est de 10 m2, que le bureau soit individuel ou collectif», précise la norme Afnor NF X 35-102. «Les circulations doivent avoir une largeur minimale de 0,80 cm pour autoriser le passage d'une personne et 1,50 mètre pour que deux personnes puissent se croiser.» De bien beaux rêves en perspective… Pour l'instant, ça tournerait plutôt au cauchemar. Dans cette configuration riquiqui, il n'y a évidemment pas la place pour des chaises. Seulement cinq mini tabourets. Pourtant le Code du travail, qui s'impose pour cet espace de travail, est clair et net : «Un siège approprié est mis à la disposition de chaque travailleur à son poste de travail ou à proximité de celui-ci», stipule l'article R 4225-5. Ce qui implique la place pour poser ces sièges et les espaces de dégagements induits. On est loin du compte.

A titre de comparaison, à Libération, «la norme qu'on essaie d'appliquer est de 11 m2 par personne dans les bureaux en open space», m'indique-t-on à la DRH. Attention, ce qui ne veut pas dire que chacun dispose effectivement de 11 m2 autour de sa petite personne. Là aussi on est loin du compte puisque sont inclus tous les dégagements, les rangements, etc.

A Saint-Louis, dans le cagibi-poste de soins de la chimio, une petite tablette fixée au mur sur toute sa longueur permet d'y travailler. Là, sont mis à jour les dossiers des patientes, collectés les résultats reçus par fax, rédigés les ordonnances et les bons de transport, passés les coups de fil pour coordonner les soins avec d'autres services et même préparées les chimiothérapies. Ce travail-là s'effectue dans un coin au fond, sous une hotte plus ou moins réglementaire supposée aspirer les vapeurs toxiques, puisque que ce sont les infirmières qui préparent, pèsent et répartissent les diverses poches en plastique qui sont perfusées lors des chimios, suivant les protocoles appliqués à chacune des patientes. S'agit pas de se gourer.

Et il s'agit de bien s'entendre pour se partager un tel espace. Mieux vaut une équipe soudée. Ça semble être le cas. Impossible d'avoir une conversation privée. Toute altercation risque de tourner à la cocotte-minute. Ne parlons pas de l'isolation phonique. Le local est séparé par une simple vitre d'un des lits de chimiothérapie, celui situé dans le box semi-fermé. J'y étais hier. De là, on entend tout ou presque. D'ailleurs plutôt des rires que des engueulades.

Mais que fait le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ?, vous demandez-vous. Eh bien, il ne semble pas briller par son activité ni par son efficacité. Il y a aussi une direction, me direz-vous…

Quant à l'espace de soin proprement dit, il y a en tout six lits dont la moitié dans une salle commune.
Là, les trois patientes sont installées en arc de cercle sur des fauteuils médicalisés. Elles sont séparées les unes des autres par une table à roulette, sur laquelle l'infirmière dispose le matériel stérile nécessaire à chaque chimio. Rappelez-vous, la semaine dernière, j'ai failli poser ma main sur une de ces tables, située à 20 cm du fauteuil où j'étais. Ce qui aurait rendu inutilisable tout le bazar fraîchement déballé et l'aurait envoyé direct à la poubelle.

Reste que les locaux sont propres et même nickel. C'est bien le moins dans un service où l'asepsie est la règle et où, au moment de l'injection dans le porte-cathéter, l'infirmière comme la patiente doivent porter un masque afin d'éviter toute contamination de la zone de la piqûre.

Il a été question que le service déménage à l'entrée de l'hôpital, dans les ex-locaux plus vastes de l'Etablissement français du sang. Cela devait se faire à cette rentrée 2009, puis ça été reporté de quelques mois avant d'être différé à la Saint-Glinglin. Visiblement, un tel déménagement suscite des convoitises parmi les autres services de l'hosto.

Pour déjeuner, les infirmières ont une pause de 30 minutes. Impossible dans ce laps de temps de se restaurer au self-service de Saint-Louis : il est situé à l'autre bout de l'hosto, sans compter qu'il faudrait d'abord se changer pour ne pas trimballer des microbes sur la tenue de travail de la chimio, pas le temps, d'autant qu'il y a la queue au self, sauf à 14 heures… quand il ne reste plus rien à bouffer. Bref, on oublie. Donc chacun apporte sa nourriture, —un yaourt, un fruit, une tranche de jambon— ou achète une bricole peu diététique à la cafétéria plus accessible. Et c'est un bureau vide, équipé d'un micro-ondes, situé à quelques pas du service, qui sert de réfectoire.

Malgré cet environnement assez peu réjouissant, malgré cette promiscuité qui frise l'entassement, tous sont souriants, comme je l'ai constaté une fois de plus hier, lors de ma chimio du lundi.

Ça a été pépère. Arrivée à 13 heures, j'étais partie à 15h30. Seulement quatre poches à perfuser : une de Zophren (anti-émétique = antivomitif), une de Polaramine (anti-allergisant), une de 140 mg de Taxol (antimitotique, la chimio proprement dite) et pour finir une solution de rinçage (sérum physiologique). A noter que le Taxol est moins ruineux que l'Herceptin, seulement 33,26 euros les 100 mg.
C'est l'infirmière Roseline qui a officié. C'est un plaisir, elle prend de mes nouvelles, répond volontiers à mes questions. J'ai vu aussi le Dr IC, qui a réussi à caler pour ce mercredi, dans le service d'oncologie médicale, la ponction lombaire réclamée par mon cancérologue. Celui-ci craint une méningite cancéreuse. J'ai également interrogé le Dr IC sur la pertinence des massages en cas de métastases. Après s'être renseignée auprès d'autorités supérieures, voici ce qu'elle m'a dit : «C'est déconseillé, compte tenu du risque de fractures.»

Ah, j'oubliais de dire que j'ai bisqué quand je me suis pesée sur la balance du service : deux kilos de plus en une semaine! Pourtant, je n'ai pas fait d'écarts gastronomiques. Ce serait un effet de la morphine… Du coup, me voilà face à un petit dilemme : avoir mal ou grossir ? Douleur physique ou moral à plat ? Bon, nous sommes convenues que je continuais la morphine cette semaine, en surveillant de près mon alimentation. Et nous ferons le point lundi prochain.

K, histoires de crabe - 29.09.09

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