Comment ne perdre jamais? Chez Goldman Sachs, la plus puissante des banques d’affaires de Wall Street, et sans doute du monde, on a une réponse simple : jouer sur deux tableaux, un double jeu en réalité. Ce double jeu est proche de celui du fourgue qui encaisse sa part du butin, puis dénonce les auteurs du larcin pour encaisser la prime promise par l’assureur. C’est peu ou prou le modus operandi de Goldman vis-à-vis de la Grèce, comme le révèle le New York Times dans son édition de ce matin, lundi 15 février. Ces révélations complètent celles de Der Spiegel, notre confrère allemand. Et elles sont accablantes. Selon leurs informations, la banque a joué ce double jeu très profitable avec la Grèce.
« Wall street n’a pas créé le problème de la dette en Europe. Mais les banquiers ont rendu possible un endettement qui va très au-delà des moyens de la Grèce comme d’autres pays, selon des opérations qui étaient parfaitement légales », précise le New York Times. Mais, en tant que banque conseil, elle s’est trouvé depuis le début 2000, très au fait de la véritable situation des finances publiques. Bien plus que ce qu’en disait officiellement le gouvernement. Et pour cause. Moyennant 300 millions d’euros de commissions, Goldman a taillé un produit sur mesure pour la Grèce. Objectif d’Eole c’est le nom de ce swap (les banquiers raffolent de ce genre de petits surnoms pour leurs produits toxiques): dissimuler une partie de la dette de la République hellénique aux yeux de ses partenaires européens, notamment sur ses obligations liées au traité de Maastricht.
Et comme Goldman ne fait pas que dans le conseil, et ne saurait se contenter de ces maigres fees, l’établissement New-yorkais aurait profité de ces informations sensibles. Car la banque d’affaires fait aussi dans la banque de marché. Cette seconde activité consiste à anticiper, spéculer sur la valeur des actifs, celle des actions comme… des dettes des Etats. « Depuis des semaines, Goldman joue la dette grecque à la baisse. C’est scandaleux. Elle est clairement initiée, puisqu’elle est depuis longtemps, la banque conseil du gouvernement. Elle connaît autant sinon mieux que le nouveau gouvernement la réalité de la situation financière du pays. Et il ne se prive d’aucune arme. Même les fausses rumeurs. Elle est à l’origine de celle qui donne l’Etat grecque aux abois allant mendier 25 milliards d’euros à la Chine… », s’énerve un important banquier d’affaires français, par ailleurs concurrent de Goldman…
Voilà qui ne va pas contribuer à redorer le blason de la banque, déjà entaché de multiples accusations de profiteur de crise. Durant le quatrième trimestre 2009, Goldman a aligné davantage de jours de trading à plus de 100 millions d’euros de bénéfices que jamais dans toute son histoire. Ce qui permet de vérifier les plus sombres prédictions surgies de la crise : n'est-ce pas Marianne et aussi Jean-Michel Quatrepoint dans son livre (1), qui avait prévu la création d'une nouvelle bulle spéculative autour des dettes étatiques ?
Ce nouveau scandale pose un autre problème, d'une autre ampleur : malgré deux G20 et de multiples discours contre les excès de la finance, on réalise que les établissements financiers sont toujours hors contrôle. Ironiquement, le cas de la Grèce montre même l'imagination illimitée des banksters : pourquoi ne pas faire des états, censés les contrôler, de nouveaux clients pour leur business ? A quand un nouveau scandale financier montrant que des financiers astucieux ont proposé au FMI de nouveaux produits décuplant ses capacités de prêts aux Etats ? Et pourquoi pas ? Dans la finance moderne, tout est imaginable....
(1) La dernière bulle, Mille-et-une-Nuits (septembre 2009).
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