Pour l’Aclu, il s’agit de “l’un des principaux enjeux, en terme de droits de l’homme, auxquels sont aujourd’hui confrontés les Etats-Unis“. Alors que le guvernement vient d’annoncer des “états généraux de la sécurité à l’école“, il est intéressant de regarder ce que le déploiement de forces (et de technologies) de sécurité à l’école a comme conséquence aux Etats-Unis.
Ainsi, de plus en plus d’écoles appliquent une “tolérance zéro” et renvoient temporairement des enfants ou adolescents parce qu’ils avaient oublié leur badge, donné un aspirine à un autre élève, pris leur téléphone portable, une paire de ciseaux voire un coupe-ongles…
Le nombre d’expulsions est ainsi passé de 1,7 million en 1974 à 3,1 millions en l’an 2000. Pourtant, les statistiques montrent que la violence à l’école a diminué de moitié entre 1992 et 2002. Dans le même temps, on assiste à une explosion du nombre d’arrestations au sein même des écoles.
En cause : le fait que de plus en plus de collèges et lycées emploient des officiers de sécurité scolaires à plein temps pour surveiller ce qui se passe dans les couloirs. En 2004, le Texas y a consacré 60 millions de dollars et, en 2004, le gouvernement fédéral a dépensé 60 millions de dollars pour embaucher des officiers de police, et 19,5 dans des équipements de sécurité de type détecteurs de métaux.
La police de New York a quant à elle pris le contrôle de la sécurité des écoles publiques depuis 1998 (qui dénombrent, à ce jour, 1 million d’élèves). Plus de 5 200 officiers de sécurité scolaire, et 200 officiers de police armés, y ont été affectés, contre “seulement” 3 000 conseillers d’orientation : la priorité relève donc moins de l’éducation que du maintient de l’ordre.
L’ACLU note ainsi que le département de la sécurité scolaire de la police de New York est la cinquième force de police la plus importante des Etats-Unis, plus importante que celles de Washington, Dallas ou Las Vegas, et qui dénombre deux fois plus d’officiers par étudiant que la ville de San Antonio, au Texas, ne compte d’officiers de police…
Or, ils ne sont pas particulièrement formés pour cela. Alors que les officiers de police suivent un entraînement de 6 mois avant d’aller à l’école, les officiers de sécurité scolaire ne sont formés que pendant 14 jours. Et ils appliquent, au sens strict, la “tolérance zéro“.
Contrairement aux surveillants qui, lorsqu’ils estiment qu’on leur parlent mal ou qu’ils suspectent un manquement aux règles, ne sanctionnent pas les élèves de manière scolaire (colles, conseil de discipline), ils arrêtent les mineurs qui, pour certains, finissent donc en prison, pour d’autres resteront marqués, probablement à vie, par ce qu’ils ont subi.
La majeure partie de ceux qui ont arrêtés ne le sont pas pour des faits de violence, mais pour des “troubles” ou des “perturbations“.
Une criminalisation de l’éducation
L’Aclu évoque ainsi le cas de Daija, 13 ans, traînée par terre par les officiers de sécurité de son école et menottée pendant une heure parce que, effrayée par deux individus, elle préférait attendre sa mère dehors plutôt que de leur obéir en entrant dans l’école.
Le jeu décrit ainsi l’histoire d’un élève à qui sa mère lui demande de prendre son téléphone portable afin de pourvoir l’appeler de l’hopital où sa soeur a été admise après une crise d’asthme sévère. A l’école, le téléphone sonne, un professeur le lui confisque parce que c’est interdit. Le lendemain, il reçoit un courrier où il est écrit qu’en vertu de la politique de tolérance zéro de l’école, il est renvoyé pendant 10 jours.
A son retour, il va discuter, après la classe, avec l’un de ses professeurs pour tenter de récupérer son retard. La cloche sonne. Il est en retard. Dans le couloir, un officier de police lui demande pourquoi, le ton monte, l’élève est renvoyé définitivement.
Le fait d’arrêter l’école multiplie par trois le risque de finir un jour en prison. Et de plus en plus de principaux refusent d’accueillir des élèves ayant précédemment été renvoyés.
Les “programmes d’éducation alternative disciplinaire” (sic), destinés aux élèves qui ont violé la loi, ou le règlement de l’établissement, à partir de l’âge de 6 ans (sauf s’ils portaient une arme, auxquels cas ils peuvent y être envoyé avant l’âge de 6 ans) connaissent un taux d’échec cinq fois supérieur aux autres écoles.
Ainsi, au Texas, plus d’un tiers des élèves d’écoles publiques ont décroché en 2005-2006, et plus de 80% des personnes incarcérées y avaient abandonné leurs études. Dans l’Ohio, 80% des mineurs passant devant la justice ne bénéficient pas de l’assistance d’un avocat.
Et la “grande majorité” des mineurs confrontés à la justice n’obtiennent pas de diplômes, et peuvent se voir refuser des prêts étudiants, de licences professionnelles ou de logements publics, du fait de leurs condamnations.
De plus, rappelle l’Aclu, mettre des enfants ou des mineurs en prison n’est pas la solution : à New York, en Floride et en Virginie, 55% des mineurs sortant de prison récidivent dans l’année qui suit.
Rappelant également que les problèmes sont souvent liés à l’état de délabrement des écoles, quartiers, et des problèmes sociaux ou familiaux auxquels sont confrontés les élèves, l’Aclu note également qu’en 2003, la jeunesse afro-américaine représentait 16% des jeunes américains, mais 45% de ceux qui sont arrêtés.
Et comme il n’existe aucune preuve que les élèves de couleur se comporteraient plus mal que les blancs, c’est donc qu’ils sont punis plus sévèrement, et souvent pour des faits anodins.
De même, alors que les jeunes handicapés représentent moins de 9% des élèves de l’école publique, 32% des jeunes incarcérés sont des handicapés.
Ainsi, les afro-américains handicapés ont trois fois plus de probabilités d’être expulsés que les handicapés blancs, et quatre fois plus de “chances” d’être incarcérés.
Accessoirement, mais cela va de pair, de plus en plus d’écoles sont équipées de portiques de sécurité, de systèmes de vidéosurveillance, et de plus en plus d’élèves sont reniflés par des chiens, et soumis à des fouilles au corps.
Ou l’on découvre, aussi, que plus les écoles sont surpeuplées, et moins elles disposent d’argent, plus elles sont équipées de portiques de sécurité. CQFD.
Voir aussi, de l’Aclu :
. School to prison pipeline, site très complet de l’Aclu de New York,
. Criminalizing the Classroom: The Over-Policing of New York City Schools, rapport détaillé de l’Aclu détaillant ce qui se passait à New York en 2007,
. Policing In Schools: Developing A Governance Document For School Resource Officers In K-12 Schools, les recommandations de l’Aclu, datant d’août 2009.
Et, sur BugBrother :
Les portiques du pénitencier
La taca taca tac tac tiqu’ du portique…
Harry Potter et les présumés pédophiles
Les pédophiles n\u2019ont rien à craindre de la LOPPSI. Les internautes, si.
http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2010/02/17/de-lecole-a-la-prison-un-cycle-infernal/
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