Désormais, il n’est pas rare que les sans-papiers soient arrêtés puis expulsés dans la journée. Sans toujours pouvoir défendre leurs droits.
Mayotte pourrait bien détenir un nouveau record : celui des expulsions les plus rapides. Comme cette mère de quatre enfants arrivée au Centre de rétention administrative (CRA) vers 17 heures, en novembre. Le soir même, elle a été renvoyée vers les Comores, un pays dans lequel elle n’avait pas mis les pieds depuis 17 ans. La présence de son mari et de ses 4 enfants scolarisés n’y a rien changé. Mais quelles sont donc les raisons de cette accélération ? « C’est dans un souci humanitaire, répond-on à la préfecture. On ne peut pas garder les personnes interpellées au CRA à cause des conditions de vie. Moins longtemps elles y restent, mieux c’est pour elles. » Un argument banal d’autant que cette tendance permet au chiffre du nombre d’expulsés de grimper. De sorte qu’il pourrait atteindre 18 000 en 2009 (contre 16 000 en 2006, 2007 et 2008), pronostique Flore Adrien, présidente de la Cimade à Mayotte. Problème : cette politique du chiffre associé à l’urgence d’expulser provoque parfois des couacs. La militante détaille ainsi l’histoire de Mme Z., présente depuis 19 ans à Mayotte, arrêtée chez elle le 18 novembre et reconduite en moins de 24 heures. « Son beau-frère s’est rendu au CRA pour défendre son dossier en vain. » Son enfance passée sur l’île, ses six enfants nés et scolarisés à Mayotte, sa fille aînée de 18 ans française de fait, son mari présent depuis 40 ans à Mayotte… Rien n’y fait : elle est renvoyée le lendemain. « Quelques jours plus tard, elle a voulu rejoindre Mayotte en kwassa où l’attendait le reste de sa famille. Elle fait partie des 21 victimes du dernier naufrage. » Un cas tragique qui illustre l’absence d’accès aux droits des personnes en situation irrégulière. Car si la demande avait été examinée avec un peu plus d’attention, la préfecture aurait sans doute annulé l’expulsion. « Rien ne justifie la reconduite de ce genre de personnes, si ce n’est le chiffre », résume la directrice de la Cimade. A la préfecture, on avoue être dépassé par le nombre de dossiers à traiter. « Comme nous traitons un problème de masse, il arrive que des erreurs se produisent. C’est rare, mais il est arrivé que des personnes, renvoyées à tort, airent dû revenir… » Seulement, quand ses personnes reviennent à Mayotte, elles le font à leurs risques et périls, en kwassa-kwassa. Le naufrage de novembre dernier en est le meilleur exemple. « Certains des naufragés n’auraient pas dû être expulsés, affirme Marie-Pierre Auger, de Médecins du Monde. C’est juste un chiffre de plus sur le mur invisible de l’océan indien. »
Sitôt arrêtés, sitôt expulsés
Les associations de défense des droits des sans-papiers dénoncent les risques d’erreurs induits par ces reconduites express et ne peuvent que regretter leur impuissance face à la machine administrative. « Les procès verbaux sont rédigés à la va-vite et les cas ne sont pas étudiés de façon individuelle. Pire, le plus souvent, l’administration ne nous laisse même pas le temps d’aider les familles à réunir les documents légitimant la présence sur le territoire », constante avec amertume Flore Adrien. Un système absurde qui systématise l’expulsion tout en privant les sans-papiers de leurs droits fondamentaux. « Parfois, on se demande si des cas ont été trop rapidement traités par l’administration ou si elle a délibérément expulsé certaines personnes », observe Marie-Pierre Auger en évoquant le cas de cet homme, papa d’un enfant malade, en attente du renouvellement de sa carte de séjour. Arrêté le matin, il a été reconduit dans la journée. Une fois aux Comores, il a pris un kwassa et fait partie des rescapés du bateau qui a fait naufrage en novembre dernier. Par chance, il a été remis en liberté après le naufrage. Autre cas symptomatique, celui de ce jeune homme de 19 ans arrivé sur le sol français avant l’âge de 13 ans donc non expulsable et arrêté fin septembre. « Le lendemain à 10h30, on m’a contactée pour rassembler les documents prouvant qu’il ne pouvait être expulsé. J’ai envoyé un fax à 11h30 à la préfecture, mais ce n’est qu’après le déjeuner qu’il a été lu. Le jeune était déjà parti sur le bateau de 14 heures », se souvient Marie Huynh, de la Cimade. Depuis il vit toujours à Anjouan, mais compte bien rejoindre Mayotte, légalement ou non. Le problème, explique Michèle B., déléguée au Secours catholique, c’est que ces renvois de plus en plus rapides ne constituent en aucun cas une solution. « Les personnes qui résident à Mayotte depuis 10 ou 15 ans et qui ont des enfants français, ne doivent pas être expulsés. Il faut en finir avec la politique de l’autruche. On doit les régulariser ». Car, express ou non, la grande majorité des reconduites concerne des personnes implantées dans l’île depuis plus de dix ans. Une politique qui crée de nouveaux arrivants car ils font forcements le trajet dans le sens inverse. « Cette tendance à expulser de plus en plus rapidement est représentative de la mauvaise foi de l’Etat français, ça n’arrangera pas le problème de l’immigration clandestine. Cela ne fait qu’accroître le chiffre d’affaires du Maria Galanta et renforcer les effectifs de la gendarmerie, s’emporte une éducatrice spécialisée au conseil général. Si les expulsions sont désormais si rapides, c’est pour masquer le problème de l’état du centre de rétention, dans lesquelles les conditions de vie sont déplorables. » L’Etat s’est bien engagé à construire un nouveau centre en 2010, mais son financement pose problème…http://bellaciao.org/fr/spip.php?article97050
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