Liu Ge
La tribune de Paul Krugman proposant que les USA adoptent au plan économique une attitude plus offensive face à la Chine a, comme on pouvait s’y attendre, provoqué un mécontentement certain à Pékin. Le Global Times, appartenant aux autorités chinoises, a publié une réponse plutôt fraîche aux arguments de Krugman. Si le plein emploi est un « paradis perdu » pour l’occident, affirme son auteur Liu Ge, la faute n’en incombe pas à la Chine ou au cours du yuan mais à l’entrée dans la mondialisation des milliards de travailleurs des pays émergents. Dans les économies du monde développé, écrit-il, les secteurs à haute valeur ajoutée sont incapables de fournir suffisamment d’emplois. Mais imaginer que des millions d’américains puissent retourner vers les chaînes de montage relève de l’illusion, juge-t-il, pour deux raisons : les américains ne veulent plus occuper ce type d’emploi et les coûts seraient prohibitifs. --- Le constat proposé par Liu Ge est sciemment provocateur. Mais il va au cœur d’une question que l’Europe se refuse à traiter autrement que par de vaines invocations en faveur d’une économie de la connaissance, à la manière de l’agenda de Lisbonne. Contre Info.
Paul Krugman, le lauréat du prix Nobel d’économie 2008, l’un des rares économistes vedette aux Etats-Unis, est connu pour s’exprimer crûment sur de nombreux sujets.
Que sa réputation se maintienne reste encore à déterminer, mais sa collaboration au New York Times lui offre une tribune en vue.
Fin 2009, il a publié une chronique critiquant durement la politique économique chinoise, et appelant les Etats-Unis à adopter une posture plus conflictuelle sur le sujet.
Krugman accuse la Chine de pratiquer une politique de « mendicité auprès de ses voisins - ou, plus exactement, de mendier au monde entier - alors même que les principales économies mondiales sont dans une situation de trappe à liquidité ».
Il affirme également que la politique chinoise a eu un« impact négatif sur le PIB mondial d’environ 1,4 pour cent », qui a coûté aux Etats-Unis environ 1,4 millions d’emplois.
Même si la Chine ripostait en utilisant sa principale arme économique en décidant de se débarrasser d’un gros paquet d’obligations du Trésor américain, Krugman estime que cela contribuerait à améliorer la compétitivité et la situation de l’emploi aux États-Unis.
Certains universitaires du pays ont vu dans l’article de Krugman une approbation des forces politiques opposées à la Chine au Congrès américain, et la déclaration d’une nouvelle phase de guerre commerciale.
Je ne pense pas que cela soit vrai. La tribune de Krugman a plus à voir avec son propre mécontentement devant l’état des USA, et il cherche quelqu’un sur qui faire porter le blâme.
Dans sa chronique du 13 Février 2006, Krugman avait écrit que les dépenses des Américains excédaient de 57% leurs revenus, et que l’argent emprunté en grande quantité était utilisé pour acquérir des logements et des biens inutiles. Il prévoyait que cela provoquerait une crise économique.
Il a eu raison, sans aucun doute, et cela a contribué à lui faire obtenir le prix Nobel en 2008.
Il propose aujourd’hui que les États-Unis déclenchent une guerre commerciale provoquant la colère de la Chine, qui vendrait alors ses obligations américaines.
Krugman affirme que la dépréciation du dollar restaurerait la compétitivité des produits américains sur le marché international et revitaliserait le secteur industriel, procurant ainsi de nouveaux emplois.
Ramener les Américains à l’usine pour fabriquer des chaussures, des vêtements et des appareils de télévision, de sorte que les rayons de Wal-Mart puissent être garnis à nouveau de produits made in USA peut sembler une bonne recette pour résoudre le problème de l’emploi.
Toutefois, les Américains sont-ils prêts à revenir à la chaîne de montage ? Les consommateurs américains sont-ils prêts à payer la facture ? Est-ce que les entreprises américaines ramèneraient leurs usines d’Asie aux États-Unis ?
Dans son ouvrage « La Conscience d’un libéral », Krugman écrit : « ce n’est que rétrospectivement que l’environnement politique et économique de ma jeunesse s’est révélé être un paradis perdu, un épisode exceptionnel dans l’histoire de notre nation. »
Le paradis dont parle Krugman est la période allant de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 1970, et c’est aussi l’époque où il a grandi. Sa nostalgie est touchante, mais ne devrait pas affecter nos jugements politiques.
Il est vrai que durant cette période, l’économie américaine a progressé rapidement, le niveau des salaires a fortement augmenté et l’écart entre les riches et les pauvres a été sensiblement réduit.
Toutefois, à cette époque des milliards de personnes dans le monde n’avaient pas encore rejoint la vague de la mondialisation. Avec la mondialisation, les États-Unis ont été forcés d’adopter une économie d’un genre très différent.
Une large industrie manufacturière ne peut plus y survivre. Lorsque les États-Unis ont constaté que les secteurs des services modernes tels que les communications, la haute technologie et les finances ne pouvaient garantir le plein emploi, il n’était plus possible de revenir à ce paradis d’antan.
Paul Krugman est comme un médecin face à un patient atteint d’un cancer généralisé. Il peut diagnostiquer la cause de ce fléau qui affecte les Etats-Unis, mais il ne peut fournir de véritable remède.
La prescription de Krugman ne pose pas la question de savoir si les Chinois voudront ou non l’accepter, mais celle de savoir si les Américains veulent ou non l’accepter et la mettre en oeuvre.
Nous ne devons pas prendre trop au sérieux des jugements arbitraires émis par des économistes connus.
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2959
À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.
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