En ce moment, tu ne l’ignores pas, c’est la saison où les grandes sociétés se préparent à annoncer leurs résultats de l’année écoulée. Moment fébrile de vérité des fameux bilans.

Les tous premiers sortis du chapeau ne sont pas brillants du tout, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais dis-toi bien que lorsqu’une de ces arrogantes sociétés publie un avertissement préalable sur résultats, c’est que ça sent diablement le roussi pour elle.

1,4 milliards d’euros de provisions pour actifs toxiques…

Figure-toi que la Société Générale vient d’avouer assez piteusement que ses résultats de l’année serait sans doute, euh… hum… hum… enfin, “moins bons qu’espérés” !

La faute aux actifs toxiques. Tu sais, ces chiffons de papiers avec des sommes faramineuses écrites dessus. Mais qui en réalité ne valent plus un clou. Et dont il leur faut bien se débarrasser.

Un peu comme si toi, tu te retrouvais avec des reconnaissances de dettes signées par des potes devenus insolvables. Autant dire que tes papelards ne serviraient plus qu’à te faire des papillotes ou à emballer du poisson dedans !

La Société Générale, nez dans les genoux, a annoncé qu’elle allait provisionner 1,4 milliards d’euros sur ses bénéfices de l’année pour éponger quelques-uns de ces actifs pourris. Saine initiative en apparence, mais il y a un hic, et de taille !

… contre 37 milliards d’euros d’actifs toxiques en tout à neutraliser

La Société Générale (oui, cette vertueuse qui hurla jadis au viol contre un certain trader Kerviel, quand elle s’était donnée à lui et à ses congénères sans retenue) a avoué dans le même temps que le montant total de ses actifs toxiques s’élevait au bas mot à… 37 milliards d’euros[1] !

Tu saisis le topo, ami lecteur ? Si la Société Générale ne peut neutraliser que 1,4 milliards d’euros d’actifs toxiques en un an, et si, comme il y a des chances, ceux qui lui restent ne valent vraiment plus un kopeck, il lui faudra plus de 20 ans pour se débarrasser de toutes les toxines qui collent méchamment aux basques de ses comptes ! Plus de 20 ans !

Plus de 35 milliards d’actifs reconnus toxiques encore inscrits au crédit de la banque

Encore plus tordu ! La Société Générale annonce pour cette année 2009 un résultat en équilibre, voire « légèrement positif ». Claironne que sa situation est bien entendu parfaitement saine. Et même carrément encourageante.

Mais devine donc où sont inscrits les plus de 35 milliards restants de créances reconnues toxiques par notre banque benoîte ? Non, pas dans la colonne du passif de son bilan, mais dans celles de “l’actif”, oui, dans la même colonne où l’on trouve sa trésorerie, ses placements boursiers, etc.

Essaie donc, toi, cher lecteur, d’apporter tes pauvres reconnaissances de dettes foireuses à ton banquier pour lui prouver ton sérieux ! Tu vas voir sa bobine.

Et ne va pas croire que la SocGen (son petit nom dans sa bande de malfrats) est un cas particulier. Ils sont TOUS dans la même situation !

Dominique Strauss-Kahn, patron du FMI a indiqué qu’il restait « peut-être » (sic) plus de 50% de cadavres à débusquer dans leurs coffres. Ce qui est, je te le parie, encore largement au-dessous du (vrai) compte.

Quelques réveils difficiles en perspectives, tu ne trouves pas ? Sauf à penser que l’État et les banques centrales vont encore pouvoir laisser pisser le robinet à finance sans discontinuer plus de 20 ans durant, pour continuer d’engraisser ces roublards.

Notes

[1] Le produit net bancaire annuel de la Société Générale est de 21,8 milliards d’euros (2008). Une somme bien loin des 35 milliards d’actifs toxiques restants. Pas étonnant que nos marlous aient du mal à tous les provisionner ! (NB : le “produit net bancaire”, dit aussi “revenu”, est grosso modo le “chiffre d’affaires” d’une banque.)

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