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21/01/2010

L’actualité de la crise: un nouvel épisode US qui s’annonce mouvementé

François Leclerc

UN NOUVEL EPISODE US QUI S’ANNONCE MOUVEMENTE

Levant de premières incertitudes pour en créer d’autres, la journée de jeudi a été marquée par deux importantes nouvelles aux Etats-Unis. L’annonce inopiné par Barack Obama, qui avait préparé masqué son coup, des mesures de restrictions qui pourraient être apportées à l’activité des mégabanques. Ainsi que la décision de la Cour Suprême de supprimer les entraves existantes au financement des campagnes électorales par les entreprises, une vraie déclaration de guerre qui prélude à des midterms sanglantes, suscitant en retour une réaction musclée de Barack Obama.

Il se confirme donc que celui-ci ne pouvait pas rester les bras croisés et qu’il a repris l’initiative, après la défaite lourde de symboles du parti démocrate aux élections sénatoriales partielles du Massachussetts. Car celle-ci annonce, si rien n’est fait, un score calamiteux aux midterms de novembre prochain. Dans le contexte de mauvaises nouvelles persistantes, enregistrant une nouvelle progression des chiffres officiels du chômage et de la dégradation de la situation réelle de l’emploi. Incitant à penser qu’après plus d’un an d’une mandature peu démonstrative, Barack Obama va être obligé, s’il veut obtenir un minimum de résultats lui permettant de renouer avec son électorat, d’entrer plus franchement dans le vif du sujet. Alors que sa réforme de la santé – élément clé de son dispositif – déjà fort émasculée, risque désormais de ne pas passer la barre de l’approbation par le Sénat.

Ce dernier va devoir maintenant prendre ses responsabilités, tant vis à vis de cette réforme que de celle de la régulation financière. Avec le poids des électeurs entièrement sur ses épaules. Les mégabanques étaient en train de mettre au point leur plan de bataille afin que le projet de taxation n’accède pas aux séances plénières du Congrès, ayant comme solution de repli d’obtenir de ce dernier que cette taxation, si elle est adoptée, ouvre droit à des déductions d’impôts ! Mais il va leur falloir désormais bloquer en plus le nouveau projet scélérat annoncé par Barack Obama. Alors que certains, chez les républicains, ne sont pas aussi farouchement opposés à des mesures de séparation des activités bancaires qu’ils ne le sont d’une taxe.

La modification de la loi électorale par la Cour Suprême, adoptée par cinq voix contre quatre, levant les restrictions mises depuis une vingtaine d’années au financement des campagnes électorales par les entreprises, ne va certes pas bouleverser la vie politique Américaine. Car son financement était de longue date assuré pour l’essentiel par ces dernières, via des comités électoraux financés par leurs actionnaires, qui ne vont simplement plus être nécessaires. Mais elle a – pour ceux qui saluent ce qu’ils clament être « une victoire de la liberté d’expression », au nom du 1er amendement de la Constitution, comme pour ceux qui dénoncent cette accroissement de la main-mise de l’argent sur la démocratie – une forte portée symbolique. Elle facilitera aussi que l’argent coule à flots.

La Cour a eu pour justifier sa position une formule qui laisse pantois : « Les entreprises, comme les individus, n’ont pas une pensée unique ». Barack Obama a quant à lui saisit au vol l’occasion, considérant que cette décision de la Cour était «une victoire majeure pour les grandes compagnies pétrolières, les banques de Wall Street, les sociétés d’assurance maladie et tous les puissants intérêts qui tous les jours oeuvrent en vue de retirer sa voix au peuple américain à Washington ». Trouvant les accents qui convenaient pour poursuivre sa tentative de reconquête de l’opinion, entamée avec sa proposition de taxation des banques du 14 janvier (la « taxe sur la responsabilité de la crise financière »), et poursuivi par celle qui vise à restreindre leurs activités et leur taille, exactement une semaine après.

La taxation des mégabanques des banques en fonction de leur taille – afin de rembourser l’Etat de la totalité des fonds publics dépensés dans le cadre du programme de sauvetage des banques (TARP) – est encore à l’état de projet, ses modalités détaillées devant être précisées avant que le Congrès ne soit appelé à en débattre, à le modifier, pour éventuellement à l’adopter. Barack Obama avait déjà averti que les banques s’apprêtaient à sortir leurs grands couteaux pour le tailler en pièces. Il n’a pas manqué, en disant « rebelote » avec son nouveau projet, de préciser que si les banques « veulent se battre, je suis prêt », ce qui est pour la première fois devenu crédible.

Son intention est maintenant d’interdire aux banques de dépôts d’intervenir sur les marchés pour leur propre compte, ce qui revient – bien qu’il s’en soit défendu – à réinstituer peu ou prou la séparation en deux catégories de banque que le Glass-Steagall Act avait instauré, avant qu’il ne soit abrogé en 1999 (afin de permettre la naissance de Citigroup, ainsi que la suite que nous connaissons). Cela pourrait aboutir, si ce principe était adopté, à un premier remodelage en profondeur de Wall Street. Avec pour conséquence que les banques optant pour le camp des activités spéculatives sur fonds propres ne pourraient plus alors bénéficier, ni de l’ombrelle protectrice du FDIC, ni des programmes de soutien de la Fed. Le second volet du projet est moins clair dans l’immédiat, mais il vise à limiter la taille des banques, sans que l’on en sache encore ce qui sera effectivement pris en considération à leur passif pour mesurer celle-ci. Il pourrait aussi profondément modifier la physionomie du système bancaire américain, s’il devait être appliqué avec rigueur.

Afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ses intentions politiques, à défaut d’être exagérément précis sur les modalités de son projet, Barack Obama a déclaré en présentant les grands lignes de son plan que « Bien que le système financier soit bien plus sain aujourd’hui qu’il ne l’était il y a un an, il fonctionne exactement selon les mêmes règles qui l’ont mené au bord de l’effondrement. (…) Ma détermination à réformer le système n’est que plus forte quand je vois le retour aux vieilles méthodes. (…) C’est exactement ce genre d’irresponsabilité qui rend cette réforme nécessaire ».

Devant être suivi par d’autres, Simon Johnson a aussitôt salué la victoire remportée par Paul Volcker, l’ancien président de la Fed, conseiller que l’on pensait en disgrâce de la Maison Blanche et qui se battait depuis des semaines, semble-t-il isolé au sein de l’administration, pour que des mesures de ce type soient adoptées. Simon Johnson a aussitôt proposé que l’on aille plus loin et que soit lancé une enquête sur les pratiques anticoncurrentielles de l’activité financière instituées par les mégabanques. Ce serait, si cela devait se faire, une nouvelle bombe. Mais nous n’en sommes pas là…

En attendant, nous sommes résolument entrés aux Etats-Unis dans la dimension politique de la crise, cela ne saurait tarder en Europe.

http://www.pauljorion.com/blog/?p=7005#more-7005

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