Prof. Chems Eddine Chitour
« Lorsque le peuple un jour veut la vie, Force est au destin de répondre, Aux ténèbres de se dissiper, Aux chaînes de se briser...Qui n’aime pas la montagne, Vivra éternellement au fond des vallées. »
Abou el Kassem Echebbi (Immense poète tunisien)
Un coup de tonnerre. Le peuple tunisien s’est libéré, après cinquante-cinq ans de parti unique, de deux présidents. Il n’acceptera pas qu’on lui vole sa révolution. La promesse du président Zine El-Abidine Ben Ali de quitter le pouvoir à l’issue de son mandat en 2014, annoncée jeudi soir 13 janvier à la télévision, ne semble pas avoir calmé les esprits. Vendredi, les manifestations hostiles au pouvoir se poursuivaient dans le centre de Tunis, après près d’un mois d’émeutes dans l’ensemble du pays. « Non à Ben Ali », « Soulèvement continu, non à Ben Ali », crient les manifestants, qui n’ont pas été inquiétés par les policiers. « Le ministère de l’Intérieur est un ministère de la terreur », « Hommage au sang des martyrs » ou encore « Non aux Trabelsi (la belle-famille du président) qui ont pillé le pays », scandent également les manifestants. « Je vous ai compris », a martelé à plusieurs reprises le chef de l’Etat, âgé de 74 ans.(1)
Bref, et pour revenir au pouvoir tunisien pendant 23 ans 3 mois et sept jours, il faut affirmer objectivement que pendant ces 8495 jours, beaucoup de choses sont à l’actif de ce pouvoir, il est indéniable que le niveau de vie a augmenté, que la Tunisie était considérée comme un pays émergent, que la sérénité y régnait et tous les présidents français de gauche comme de droite ont loué sa gouvernance. De plus, tous les pays occidentaux qui ne veulent maintenant plus de Ben Ali -La France de Nicolas Sarkozy qui a été accueilli avec ferveur lors de son voyage en Tunisie, ne souhaite pas accueillir Ben Ali- eux qui l’ont soutenu et l’ont encouragé car c’est le dernier rempart contre l’intégrisme. De ce fait, ils ont une responsabilité dans la nécessité pour le pouvoir d’être encore plus coercitif vis-à-vis du peuple tunisien. Michèle Alliot-Marie, la ministre française des Affaires étrangères, n’est-elle pas allée jusqu’à proposer aux gouvernements algérien et tunisien « le savoir-faire français en matière de maîtrise des émeutes ? Nous lisons : « Nous proposons que le savoir-faire, qui est reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type. C’est la raison pour laquelle nous proposons aux deux pays [Algérie et Tunisie, Ndlr], dans le cadre de nos coopérations, d’agir en ce sens pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l’assurance de la sécurité. »
Jacques Chirac est allé jusqu’à dire que les droits de l’homme c’était de fournir le pain, la santé et l’éducation. Il a raison en partie mais qu’en est-il des privations de liberté ? de la mal-vie, du constat d’une société à deux vitesses avec des fortunes imméritées qui ont jailli du néant et surtout de la « Hogra » ? Autant de malheurs qui, ajoutés les uns aux autres, font l’incendie que même les complicités occidentales par leur mutisme ne peuvent longtemps réprimer. « Les pays européens, écrit Mohamed Belaali, la France de Sarkozy en tête, prompts d’habitude à s’immiscer dans les affaires iraniennes ou ivoiriennes par exemple, se sont, cette fois, contentés de quelques communiqués après des semaines de silence complice : « La Tunisie est confrontée à des problèmes économiques et sociaux. Seul le dialogue permettra aux Tunisiens de les surmonter », disait platement un communiqué du ministère français des Affaires étrangères. Quel contraste entre la violence de la propagande menée contre l’Iran au printemps 2009 lors de l’élection présidentielle, et la platitude des déclarations officielles à propos de la révolte du peuple tunisien ? Il suffisait à l’époque de lire les titres des journaux et de regarder les images diffusées en boucle par les télévisions américaines et européennes pour se rendre compte de la haine que voue l’impérialisme à la République islamique d’Iran. La révolte du peuple tunisien, elle, ne mérite que mépris et silence. Car « la Tunisie est un pays ami, nous sommes extrêmement vigilants sur ce qui se passe là-bas et fortement préoccupés (...) En même temps, la France n’a pas à s’ingérer dans les affaires de la Tunisie », déclarait Luc Chatel sur Radio Classique et i-Télé. »(3)
Partout dans le monde, les peuples se libèrent des griffes des despotes qui les maintenaient en état de sujétion. Les fausses démocraties pour servir de couverture à une classe de nouveaux riches, dont le seul souci est de se construire des empires sur le dos du peuple en un temps record et sans se fatiguer, ont atteint leur fin de cycle. Dans notre pays, Octobre 88 a été, malgré la manipulation, une première remise en cause par les couches les plus défavorisées de la mainmise de cette classe sur les leviers du pouvoir et de la boulimie qui s’est emparée d’elle avec l’accession de Chadli Bendjedid à la Présidence. Le FIS, ayant réussi à capter le mécontentement populaire et à le canaliser vers des revendications politiques, devint l’ennemi principal à abattre. Aujourd’hui, la triste réalité est là devant nous : un peuple perverti et appauvri, dans un pays livré à la corruption et la gabegie ; le règne du bricolage dans tous les domaines, la manipulation et le clientélisme érigés en méthode de gouvernement.
Le peuple tunisien nous donne en ce moment même la plus belle leçon de l’Histoire du Maghreb postcolonial. Ce peuple qu’ils ont si longtemps étouffé et terrorisé pendant qu’ils construisaient leur empire ne veut plus se laisser faire. La jeunesse des quartiers populaires, qui voit tous les horizons se boucher devant elle pendant que les enfants de la nomenklatura au pouvoir se préparent à prendre la relève de leurs parents à la tête des fortunes colossales que ces derniers ont bâties avec l’argent du peuple, n’accepte plus ces règles du jeu iniques où les gagnants sont toujours les mêmes. Nous devons prendre acte de ce qui se passe en Tunisie et aller vers une transition paisible qui permette à celles et à ceux qui ont à coeur cette Algérie d’exprimer pacifiquement leur volonté et de s’engager résolument dans la construction d’une nouvelle Algérie, une Algérie de justice et de liberté.
Abou el Kassem Echebbi (Immense poète tunisien)
Un coup de tonnerre. Le peuple tunisien s’est libéré, après cinquante-cinq ans de parti unique, de deux présidents. Il n’acceptera pas qu’on lui vole sa révolution. La promesse du président Zine El-Abidine Ben Ali de quitter le pouvoir à l’issue de son mandat en 2014, annoncée jeudi soir 13 janvier à la télévision, ne semble pas avoir calmé les esprits. Vendredi, les manifestations hostiles au pouvoir se poursuivaient dans le centre de Tunis, après près d’un mois d’émeutes dans l’ensemble du pays. « Non à Ben Ali », « Soulèvement continu, non à Ben Ali », crient les manifestants, qui n’ont pas été inquiétés par les policiers. « Le ministère de l’Intérieur est un ministère de la terreur », « Hommage au sang des martyrs » ou encore « Non aux Trabelsi (la belle-famille du président) qui ont pillé le pays », scandent également les manifestants. « Je vous ai compris », a martelé à plusieurs reprises le chef de l’Etat, âgé de 74 ans.(1)
Une rhétorique malsaine
Le problème du pouvoir d’achat a pris très vite un tour politique. Tariq Ramadan dans un billet, un mois après le début des émeutes, écrit : « La Tunisie n’est pas une démocratie : c’est une dictature qui pratique l’assassinat politique, la torture et dont le gouvernement vit de la corruption la plus répandue. Il faut soutenir la population en général et les jeunes en particulier qui descendent dans la rue et qui demandent à ce que leur liberté et leurs droits soient protégés et respectés. Il est l’heure, il est temps, de mettre un terme à cette mascarade de démocratie et de progrès soi-disant « modernistes », destinée à tromper les touristes ou les « mal-informés ». Il est l’heure, il est temps, de dire au peuple qui se réveille que nous sommes de son côté, que nous ne sommes point dupes et que les Tunisiens ont raison de se révolter. Quant à tous ceux qui font silence ou qui veulent préserver leurs intérêts politiques, économiques ou touristiques... il leur restera la honte. Que ces émeutes finissent par le succès ou l’échec, il restera le principe et la cause : résister à un dictateur et dénoncer ses alliés (dictateurs, démocrates ou/et hypocrites). »(2) Une petite remarque au remueur de foules naïves en Europe où il écume les plateaux en développant une rhétorique malsaine, lui permettant de dire le tout et son contraire. Bref, pas un mot du petit-fils de Hassan El Banna concernant le régime égyptien et l’assassinat de ses frères coptes.Bref, et pour revenir au pouvoir tunisien pendant 23 ans 3 mois et sept jours, il faut affirmer objectivement que pendant ces 8495 jours, beaucoup de choses sont à l’actif de ce pouvoir, il est indéniable que le niveau de vie a augmenté, que la Tunisie était considérée comme un pays émergent, que la sérénité y régnait et tous les présidents français de gauche comme de droite ont loué sa gouvernance. De plus, tous les pays occidentaux qui ne veulent maintenant plus de Ben Ali -La France de Nicolas Sarkozy qui a été accueilli avec ferveur lors de son voyage en Tunisie, ne souhaite pas accueillir Ben Ali- eux qui l’ont soutenu et l’ont encouragé car c’est le dernier rempart contre l’intégrisme. De ce fait, ils ont une responsabilité dans la nécessité pour le pouvoir d’être encore plus coercitif vis-à-vis du peuple tunisien. Michèle Alliot-Marie, la ministre française des Affaires étrangères, n’est-elle pas allée jusqu’à proposer aux gouvernements algérien et tunisien « le savoir-faire français en matière de maîtrise des émeutes ? Nous lisons : « Nous proposons que le savoir-faire, qui est reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type. C’est la raison pour laquelle nous proposons aux deux pays [Algérie et Tunisie, Ndlr], dans le cadre de nos coopérations, d’agir en ce sens pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l’assurance de la sécurité. »
Jacques Chirac est allé jusqu’à dire que les droits de l’homme c’était de fournir le pain, la santé et l’éducation. Il a raison en partie mais qu’en est-il des privations de liberté ? de la mal-vie, du constat d’une société à deux vitesses avec des fortunes imméritées qui ont jailli du néant et surtout de la « Hogra » ? Autant de malheurs qui, ajoutés les uns aux autres, font l’incendie que même les complicités occidentales par leur mutisme ne peuvent longtemps réprimer. « Les pays européens, écrit Mohamed Belaali, la France de Sarkozy en tête, prompts d’habitude à s’immiscer dans les affaires iraniennes ou ivoiriennes par exemple, se sont, cette fois, contentés de quelques communiqués après des semaines de silence complice : « La Tunisie est confrontée à des problèmes économiques et sociaux. Seul le dialogue permettra aux Tunisiens de les surmonter », disait platement un communiqué du ministère français des Affaires étrangères. Quel contraste entre la violence de la propagande menée contre l’Iran au printemps 2009 lors de l’élection présidentielle, et la platitude des déclarations officielles à propos de la révolte du peuple tunisien ? Il suffisait à l’époque de lire les titres des journaux et de regarder les images diffusées en boucle par les télévisions américaines et européennes pour se rendre compte de la haine que voue l’impérialisme à la République islamique d’Iran. La révolte du peuple tunisien, elle, ne mérite que mépris et silence. Car « la Tunisie est un pays ami, nous sommes extrêmement vigilants sur ce qui se passe là-bas et fortement préoccupés (...) En même temps, la France n’a pas à s’ingérer dans les affaires de la Tunisie », déclarait Luc Chatel sur Radio Classique et i-Télé. »(3)
Véritable bombe
« C’est que la France est l’un des premiers investisseurs étrangers en Tunisie. Elle occupe même la première place quant au nombre d’entreprises installées dans ce pays (1 200 entreprises). On peut citer pêle-mêle Lacoste, Valeo, Sagem, Danone, Sanofi-Aventis, Fram, Accor, Club Med, BNP-Paribas, Société Générale, Groupe Caisse d’épargne, etc., etc. Il faut donc, vaille que vaille, sauver Ben Ali et sa dictature. Mais la bourgeoisie française craint par-dessus tout la victoire du peuple tunisien et l’installation au Maghreb d’une véritable démocratie qui donnera l’exemple à tous les peuples du monde arabe dirigé aujourd’hui par des régimes anachroniques, soutenus, financés et armés par l’impérialisme américain et son caniche européen. (...) Le soulèvement du peuple tunisien aujourd’hui, son courage et sa détermination à affronter l’un des régimes les plus répressifs, montre la voie à suivre à tous les opprimés non seulement du Maghreb mais de tout le monde arabe ! Les masses populaires arabes ont trop souffert de cette complicité objective de leurs propres bourgeoisies corrompues jusqu’à la moelle épinière et de la bourgeoisie occidentale qui les maintient dans la dépendance et la misère. Le monde arabe est aujourd’hui une véritable bombe qui peut exploser à n’importe quel moment. Longtemps exploitées, marginalisées, humiliées, les masses populaires arabes relèvent lentement la tête et essayent de sortir de cette longue nuit dans laquelle elles ont été plongées. »(3)Partout dans le monde, les peuples se libèrent des griffes des despotes qui les maintenaient en état de sujétion. Les fausses démocraties pour servir de couverture à une classe de nouveaux riches, dont le seul souci est de se construire des empires sur le dos du peuple en un temps record et sans se fatiguer, ont atteint leur fin de cycle. Dans notre pays, Octobre 88 a été, malgré la manipulation, une première remise en cause par les couches les plus défavorisées de la mainmise de cette classe sur les leviers du pouvoir et de la boulimie qui s’est emparée d’elle avec l’accession de Chadli Bendjedid à la Présidence. Le FIS, ayant réussi à capter le mécontentement populaire et à le canaliser vers des revendications politiques, devint l’ennemi principal à abattre. Aujourd’hui, la triste réalité est là devant nous : un peuple perverti et appauvri, dans un pays livré à la corruption et la gabegie ; le règne du bricolage dans tous les domaines, la manipulation et le clientélisme érigés en méthode de gouvernement.
Le peuple tunisien nous donne en ce moment même la plus belle leçon de l’Histoire du Maghreb postcolonial. Ce peuple qu’ils ont si longtemps étouffé et terrorisé pendant qu’ils construisaient leur empire ne veut plus se laisser faire. La jeunesse des quartiers populaires, qui voit tous les horizons se boucher devant elle pendant que les enfants de la nomenklatura au pouvoir se préparent à prendre la relève de leurs parents à la tête des fortunes colossales que ces derniers ont bâties avec l’argent du peuple, n’accepte plus ces règles du jeu iniques où les gagnants sont toujours les mêmes. Nous devons prendre acte de ce qui se passe en Tunisie et aller vers une transition paisible qui permette à celles et à ceux qui ont à coeur cette Algérie d’exprimer pacifiquement leur volonté et de s’engager résolument dans la construction d’une nouvelle Algérie, une Algérie de justice et de liberté.
Nomenklatura
Nous n’avons rien à attendre de l’Occident qui nous manipule continuellement. Le refus opposé au président tunisien rappelle étrangement ce qui est arrivé au Shah d’Iran malade et que les Etats-Unis n’ont pas voulu accueillir. Il n’a pu trouver refuge qu’en Egypte chez un autre dictateur. La Tunisie aborde une transition politique dans des conditions très délicates. Le départ de Ben Ali satisfait la principale exigence d’un vaste mouvement de contestation dont les revendications étaient, à l’origine, avant tout de nature économique et sociale, mais qui s’est transformé en révolte politique sous le coup de la répression. La répression ne pouvait être une réponse aux revendications de la jeunesse. Une barrière psychologique a été brisée. Il va falloir beaucoup de sang-froid pour rétablir le calme dans les rues et ramener le débat à la sphère politique. Pour beaucoup de pays qui se trouvent dans une situation comparable, la transition qui s’amorce en Tunisie aura valeur de test. Les partis politiques qui, d’une façon ou d’une autre se sont accommodés du pouvoir, même les islamistes, vont tenter de récupérer cette vraie révolution qui aboutit au départ de Ben Ali. Plus rien ne sera jamais comme avant. Les Tunisiens auront eu leur épreuve du sang. Ils ne se laisseront plus manipuler. Puissent-ils profiter de leur « printemps » et contribuer à ce Maghreb qui nous tient tant à coeur.P.S.
1.Des milliers de Tunisiens exigent le départ de Ben Ali. Le Monde avec Reuters 14.01.2011
2.TariqRamadan http://www.tariqramadan.com/De-la-T...
3.Mohamed Belaali : « Que l’étincelle tunisienne embrase tout le monde arabe ! » http://www.legrandsoir.info/Que-l-e...
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