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10/11/2010

Pour l'Unesco, la science passe au Sud

La science et la technologie ont contribué à changer le monde... elle vont continuer. C'est le message d'un copieux rapport publié aujourd'hui par l'Unesco. Un rapport sur la science, la technologie et les industries de haute technologie, dont la dernière livraison date d'il y a cinq ans. Or, écrit-il, «Les cinq dernières années, qui font l’objet du présent rapport de l’Unesco sur la science, ont commencé véritablement à ébranler la suprématie traditionnelle des Etats-Unis.»
Cette phrase, issue d’un rapport publié aujourd’hui par l’ONU, pèse lourd. Annoncer un bouleversement géopolitique en rupture avec les soixante années qui viennent de s’écouler exige quelques arguments.
Des signes du basculement en cours se lisent dans la production des laboratoires de recherche. Depuis 2008, indique le classement de l’institut Scimago, la première institution scientifique du monde en nombre d’articles publiés est… l’Académie des sciences de Chine.
Le classement par pays de Scimago montre le séisme en cours dans la science mondiale. La Chine y était presque invisible en 1980. Elle pointe au quatrième rang, pour la période 1996-2008, suivie de l’Allemagne et de la France, précédée par le Japon, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. En 2008, la Chine est deuxième. Dans quelques années, il y aura «plus de chercheurs dans les laboratoires chinois qu’aux Etats-Unis», prédit le rapport.
Des informations ponctuelles confirment le mouvement indiqué par les statistiques. La Chine fut absente du séquençage du génome humain, lancé en 1988 sous le nom de Hugo elle pourrait devenir leader du programme mondial d’analyse moléculaire des protéines humaines baptisé… Hupo.
Le bouleversement ne s’opère pas que dans les laboratoires. La formation supérieure connaît une croissance exponentielle dans les pays émergents. Les universités iraniennesd’Iran ont diplômé 81.000 étudiants l’an dernier, contre 10. 000 en l’an 2000. L’Inde va «créer trente nouvelles universités, ses étudiants seront 21 millions en 2012, contre 15 millions en 2007». La plupart seront ingénieurs, informaticiens, physiciens, chimistes et biologistes.
L’usine du monde continue de fabriquer jouets et chaussettes… mais la Chine lance ses propres fusées, DIRDsurPIB Chine construit des centrales nucléaires, des trains à grande vitesse ou des équipements hospitaliers high-tech. Le Bangladesh – pays pauvre dans lesdes clichés journalistiques – produit 97% des médicaments qu’il consomme et en exporte jusqu’en Europe. Et l’Inde est le premier exportateur mondial de services informatiques. A droite, le graphique montre que la croissance des activités scientifiques en Chine est bien plus rapide que celle de son économie, déjà très véloce.
Cette transformation, écrit le rapport de l’Unesco, est «en rupture» avec les schémas traditionnels des relations entre science, technologie et industrie. On ne peut plus les penser à l’aide du concept de «retard technologique».
Ainsi, les brevets montrent encore une hégémonie quasi complète de la Triade (USA, Europe, Japon). Mais que vaut cette domination lorsque les grands contrats industriels s’accompagnent de cessions de technologies, ou que des firmes des économies émergentes «achètent des grandes entreprises dans des pays développés, acquérant ainsi du jour au lendemain leur capital-savoir» ? Comme l’acquisition du français Rhodia Silicone – et de son portefeuille de brevets – par BlueStar, dont le nom ne dit pas qu’il s’agit d’une firme… chinoise.
Synchrotron en construction à shanghaï De nombreuses technologies – génétique, téléphones portables, informatique, utilisation de données satellitaires… – se diffusent plus ­rapidement que celles des Trente Glorieuses.
Les télécommunications numériques et internet ont favorisé l’installation dans les pays émergents des centres de recherche des entreprises. Le rapport estime même que «la vieille notion de retard technologique peut être considérée aujourd’hui comme une bénédiction […]. Les pays en retard peuvent ­progresser plus rapidement que les anciens premiers de la classe en technologie.» Bref : «Il semble qu’au niveau de l’économie mondiale, le modèle de contribution du savoir à la croissance soit au bord de la rupture structurelle.» (Ci-dessus, le synchrotron en construction à Shanghaï).
La redistribution des cartes n’a rien d’équitable. De vastes zones – l’Afrique (sauf l’Afrique du Sud), le monde arabe et l’Amérique latine (sauf le Brésil) – restent à l’écart du mouvement. Si les pays émergents comptent désormais près de 40% des chercheurs, les pays les moins avancés (euphémisme officiel désignant les 50 pays les plus pauvres) stagnent toujours à 0,5% du total. A l'intérieur même des pays émergents, cette inégalité se creuse.
Ces éléments tracent une perspective en rupture radicale avec une histoire d’un siècle et demi : la domination écrasante de la Triade sur la science, base de leur domination technologique, industrielle, commerciale et militaire. L’Union européenne est au moins capable de reproduire elle-même sa capacité scientifique, par ses propres ressortissants. En revanche, les Etats-Unis dépendent de leur capacité à poursuivre un brain drain systématique. Ils «comptent sur l’afflux des chercheurs étrangers et d’autres personnels hautement qualifiés pour tirer leur économie vers le haut», note le rapport.
La question fondamentale soulevée par le rapport et les perspectives qu'il trace est la suivante : l'ancien rapport des forces scientifiques et technologiques a été utilisé pour des relations de domination et d'exploitation - jusque sous la forme brutale de la colonisation par la force militaire - que faire dans ce nouveau panorama ? La réponse traditionnelle des dirigeants politiques consiste à vouloir "reprendre de l'avance technologique" en boostant les dépenses de recherches scientifiques et technologiques. Une réponse qui s'inscrit dans une conception ancienne des relations internationales, fondée sur la compétition, la concurrence, voire l'affrontement des intérêts.
Mais cette vieille conception est-elle réaliste ? Rien ne permet de penser que, sur le long terme, les grands pays que sont la Chine, l'Inde ou Brésil sont condamnés à présenter un retard permanent en sciences et en technologies. Une telle approche ne conduit-elle pas surrtout à de nouveaux risques ? Le véritable défi ne serait-il pas de construire des relations d'un type différent, fondé sur la coopération et la recherche d'intérêts communs ? Une recherche qui ne pourra aboutir qu'en désignant clairement les intérêts, économiques et financiers, qui la contredisent, comme les idéologies qui solidifient ces intérets.
Le résumé du rapport en français est ici.
Sylvestre Huet

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/11/pour-lunesco-la-science-passe-au-sud.html

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