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14/10/2010

L’ordre impérial : stratégie d’attribution des prix Nobel

Prof. Chems Eddine Chitour 

« Nous ne saurons jamais tout le bien qu’un simple sourire peut être capable de faire. »
Mère Thérésa (Prix Nobel de la Paix)
Rituellement, le mois d’octobre de chaque année voit la consécration selon un scénario bien rodé l’attribution de Prix Nobel que la doxa occidentale présente comme le summum de la consécration « universelle » d’un mérite personnel. Si parmi les différents Nobel décernés ceux concernant les sciences physiques et biologique (physique, chimie et biologie) ne prêtent généralement pas à contestation, encore que les lobbys des principaux occidentaux sont là à recommander fortement « leurs champions », les prix Nobel de la paix et à un degré moindre ceux de littérature amènent à questionnement.
Nous allons dans ce qui suit tenter de voir clair dans la stratégie de délivrance des Prix Nobel par l’Occident en fonction de ses intérêts. Pour rappel, le prix Nobel de la paix récompense « la personnalité ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix », selon les volontés, définies par testament, d’Alfred Nobel. Dans Le monde d’hier, Souvenirs d’un Européen (Die Welt von Gestern. Erinnerungen eines Europäers), Stefan Zweig raconte que Florence Nightingale aurait été à l’origine de la fondation de ce prix en convainquant Alfred Nobel de réparer « le mal qu’il avait causé avec sa dynamite ».(1)

Même Hitler...

En clair, Alfred Nobel était un marchand de mort qui s’est enrichi et qui, sur le tard, voulait, jouer au « pyromane-pompier ». On nous dit que les nominations pour cette distinction sont le fruit de propositions argumentées et détaillées, émises par des membres d’Assemblées nationales ou des Congrès législatifs, des cercles de professeurs en université dans le domaine de la géopolitique, du droit et des sciences politiques, d’anciens lauréats du prix,(...). Plusieurs d’entre elles sont désormais connues et médiatisées1, notamment celles comprises entre 1901 et 1955. Quand certaines de ces listes ont été révélées à la presse, on a pu découvrir qu’Adolf Hitler avait été un temps nommé en 1939 par Erik Brandt, membre du Parlement suédois, avant que celui-ci ne soit revenu sur sa décision quelques jours plus tard. D’autres propositions de ce genre ont été soumises au Comité telles que Benito Mussolini (en 1935) ou encore Joseph Staline (en 1945 et en 1948). (1) C’est dire l’instrumentalisation qui avait lieu en coulisses pour introniser quelqu’un et barrer la route aux autres.
Les Nobels de la paix et de la littérature de cette année ne se distinguent pas des précédents par les « méthodes » de nomination. Le prix Nobel de la paix a été octroyé à un Chinois. Pierre Haski nous en parle : « Liu Xiaobo, 54 ans, a été condamné en décembre 2009 à onze ans de prison pour son rôle dans la rédaction et la dissémination de la Charte 08, un texte réclamant la démocratisation de la Chine, signé par plusieurs milliers de personnes (lire le texte intégral). Ce texte est inspiré de la Charte 77 des dissidents tchèques à l’époque communiste, et Vaclav Havel, dissident puis président tchèque, a parrainé la « candidature » de Liu Xiaobo à ce prix Nobel. Le choix du Comité Nobel est certain de déclencher la colère de Pékin, qui avait envoyé un vice-ministre des Affaires étrangères à Oslo, cet été, pour mettre en garde le président du Comité Nobel contre les conséquences d’une possible attribution du prix à ce dissident emprisonné. Le vice-ministre avait prévenu que ce choix aurait des conséquences négatives sur les relations sino-norvégiennes ». (2)
« Lors de son procès, il a fait une remarquable plaidoirie personnelle dans laquelle il espérait être « la dernière victime de l’inquisition intellectuelle en Chine ». Un texte dans lequel il applaudit aux progrès considérables accomplis par la Chine depuis la fin de l’ère maoïste avec la mort du Grand Timonier en 1976, mais en souligne les lacunes en termes d’Etat de droit et de respect des valeurs universelles auxquelles il proclame son attachement. La Chine n’a jamais reçu directement de prix Nobel. En 1989, l’année du massacre de Tiananmen, le prix Nobel de la paix avait été attribué au dalaï lama, le leader spirituel tibétain exilé en Inde. Et en 2000, l’écrivain Gao Xingjian, exilé en France et devenu citoyen français, recevait le prix Nobel de littérature. » (2)
Pékin a qualifié la récompense de « dévoiement » et mis en garde la Norvège contre de possibles répercussions diplomatiques. En 1989, de retour des Etats-Unis, où il avait enseigné à la Columbia University de New York, cet enseignant de l’Université normale de Pékin participe au mouvement démocratique de la place Tiananmen, déclenché par les étudiants. (...) Exclu de l’université, il devient un des animateurs du Centre indépendant PEN Chine, un regroupement d’écrivains. Il garde un contact étroit avec le monde intellectuel ; et même s’il ne peut pas être publié en Chine, ses livres sont notamment diffusés à Hongkong. Dans une interview récente, il gardait espoir dans une démocratisation progressive de la Chine : « Cela va progresser très lentement, mais les demandes de liberté - de la part des gens ordinaires, mais aussi des membres du parti - ne seront pas faciles à contenir. » Liu Xiaobo est marié et n’a pas d’enfant. Pékin s’était officiellement déclaré opposé à l’attribution du Nobel à l’opposant (3).
On le voit, trois prix Nobel ont été attribués en vingt ans à des Chinois d’origine pour leur prise de position contre leur patrie. Si dans l’absolu, leur combat pour la liberté et leur compétence sont dit-on connues, il n’en demeure pas moins qu’ils ne sont pas les seuls. Il doit certainement y avoir des personnalités chinoises ou autres à compétences semblables compte non tenu de leur engagement contre leur pays
La même « méthode » permet d’expliquer l’attribution du Nobel de littérature le 7 octobre à l’écrivain hispano-péruvien Mario Vargas Llosa dont la bête noire est Chavez qu’il faut « abattre » d’une façon ou d’une autre. « Sympathisant communiste lors de sa jeunesse universitaire et proche de Castro jusqu’en 1971, Mario Vargas Llosa devient l’apôtre du néolibéralisme : ´´J’espère qu’ils me l’ont donné (le prix Nobel) plus pour mon oeuvre littéraire que pour mes opinions politiques. Mais si mes opinions politiques, en défense de la démocratie et de la liberté et contre les dictatures, ont été prises en compte, je m’en réjouis » déclarait jeudi Mario Vargas Llosa à l’Institut Cervantès de New York, devant une foule de journalistes qui recueillaient ses réactions à l’obtention du Nobel ». (4)
On le voit, Mario Vargas Llosa a des doutes et pense que le Prix Nobel lui a été attribué pour ses positions politiques de droite. Sans renier les qualités littéraires du prix Nobel de littérature, force est de constater que d’une certaine façon il est en mission commandé pour le compte de l’Occident
« Interrogé sur le futur de l’Amérique latine, il souligna qu’elle présente aujourd’hui « des gouvernements de gauche et de droite qui sont démocratiques. C’est une grande nouveauté par rapport au passé, lorsque ni la droite ni la gauche n’étaient démocratiques, l’une croyant aux putschs militaires et l’autre à la révolution ». Il ajoutait aussitôt : « Cuba et le Venezuela représentent pour moi un recul, mais mon impression est que ce courant autoritaire, antidémocratique, va vers la sortie. Il a de moins en moins d’appui populaire, comme on vient de le voir, par exemple, aux élections [législatives] vénézuéliennes ». (...) L’existence d’un caudillo charismatique suppose toujours l’abdication de la volonté, du libre arbitre, de l’esprit créateur et de la rationalité de tout un peuple devant un individu reconnu comme être supérieur, mieux doté pour décider du bien et du mal pour un pays tout entier en matière économique, politique, culturelle, sociale, scientifique, etc. Est-ce cela que nous voulons ? Qu’un nouveau Chavez vienne nous libérer de Chavez ?´´ »(4)
Il est bien connu que l’Occidental qui se veut le seul détenteur de sens dicte la norme universelle, de sérier le bien et le mal. Ses « arguments » pour convaincre, font appel à la démocratie aéroportée, notamment par drones interposés qui permet à un bidasse du fond d’une salle climatisée du Texas de décider avec son Joysticks du bien et du mal en traquant sa cible avec une joie sadique. La cible détruite, il rentre chez lui avec la satisfaction du devoir bien fait ; et si c’est une bavure, c’est un autre service qui est chargé de la faire oublier... L’autre façon de combattre ses ennemis consiste à activer d’autres canaux, au-delà de fomenter des troubles, on encourage les dissidences dans les pays qui posent problème à « l’ordre impérial ».
Il n’est pas question pour nous de rejeter en bloc, toutes les attributions, nous devons nous incliner, par exemple, humblement devant Mère Théresa qui méritait mille fois cette distinction, il nous faut nous souvenir que Gandhi- l’apôtre de la non violence- n’a pas eu le prix Nobel, malgré qu’il ait été nominé plusieurs fois La Grande-Bretagne s’était opposée. Cependant, on ne peut pas nier les « malversations politiques de toutes sortes autour de l’attribution des prix Nobel. Ainsi, durant la guerre froide on rapporte que l’écrivain soviétique Boris Pasternack a eu le prix Nobel pour un manuscrit exfiltré en 1959 par la CIA et proposé au comité Nobel alors que le livre était encore sous forme de manuscrit. Il en fut ainsi de Soljenitsyne, de l’ouvrier polonais Lech Walesa qui avait la bénédiction d’un certain Carol Woythyla, futur pape Jean-Paul II, minèrent l’empire soviétique de l’intérieur à partir de ses satellites la Pologne et la Tchécoslovaquie avec Vaclav Havel (Littérature), le même Vaclav Havel qui parraina la demande du dissident chinois pour le prix Nobel de la paix 2010. Le coup de maître de l’Occident fut donné à l’empire soviétique en attribuant le prix Nobel de la paix à Mikhaïl Gorbatchev.
Ce fut à la fois « la fin de l’histoire » pour Fukuyama, la fin de la guerre froide et le début du « Choc des civilisations » pour Samuel Huntington, déclinée d’une façon soft comme la guerre contre « le terrorisme » avec ses multiples variantes (l’Irak, le Hamas, l’Iran, l’Afghanistan) Ce fut aussi l’Indonésie musulmane qui en fit les frais en abdiquant sa souveraineté sur le Timor Oriental. Pour faire connaître la « cause », Mgr Belo, un homme d’église jusqu’alors inconuu , se vit attribuer le prix Nobel et à ce titre sa « cause » eut plus de visibilité. On ne peut pas ne pas y voir une lutte sourde contre l’Islam et en fait contre l’ordre établi contre le néolibéralisme qui se joue de tout instrumente tout, au risque de broyer des miliions d’espérances..
Enfin, s’agissant du feuilleton des prix Nobel octroyés aux dirigeants arabes « normalisés » qui acceptent l’ordre impérial avec Israël comme poste avancé de la démocratie en Barbarie. Deux séries de prix Nobel pour rien : Sadate et Begin, ce qui a permis de neutraliser définitivement l’Egypte. Arafat, Rabin qui a permis Oslo et le dépeçage de ce qui reste de la Palestine. De même la guerre contre l’Iran a vu l’attribution du prix Nobel de la paix à Shirin Ebadi. Tout est bon pour déstabiliser les pays qui n’acceptent pas de rentrer dans le rang.
Qui a entendu des prix Nobel de la paix de ces dernières années maintenant qu’ils ont rempli la mission historique qui était attendue d’eux. Malgré des médias complaisants ils n’arrivent pas à faire surface, ou si, il arrive qu’un prix Nobel soit chassé comme un malpropre avec un silence assourdissant des médias, il en fut ainsi de Mairead Corrigan prix Nobel de la paix expulsé d’Israël pour délit d’opinion qui avait de la compassion pour les enfants palestiniens, elle fut chassée par les Israéliens, personne n’a trouvé à redire. De même Monseigneur Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix, fut interdit de conférence dans une université US. Cris Toffolo, présidente du programme d’études « Justice et Paix » de l’université catholique Saint-Thomas de Minneapolis/St.Paul, était toute fière d’avoir réussi à inviter l’archevêque sud-africain et célèbre militant anti-apartheid Desmond Tutu, à venir parler devant ses étudiants. Mais la direction de l’université, craignant qu’il puisse y avoir une « controverse », décida de « se concerter avec la communauté juive de la ville » (...) Doug Hennes, vice-président de l’université, justifie la décision : « Nous avons eu vent d’un certain nombre de choses qu’il a dites et que certaines personnes trouvent ces propos antisémites car opposées à la politique israélienne. Nous ne l’accusons pas d’être antisémite. Mais il a comparé l’État d’Israël à Hitler et nous estimons que ce genre d’équivalences morales sont insultantes pour certains membres de la communauté juive. »(5)

Le Nobel de la paix ou de la guerre ?

La Chine n’est pas l’ex Urss, elle est la deuxième puissance économique du monde elle détient les bons de Trésor américains (près de 1500 milliards de dollars), elle se permet de venir en aide à plusieurs pays européens (Grèce, Espagne). Elle ne veut pas surévaluer sa monnaie comme l’exigent l’Europe, les Etats- Unis et le Japon, ces derniers créent des devises papiers. En fait, ce n’est pas une personne aussi respectable soit-elle qui fera dévier la Chine de son combat contre la faim, combat qui lui a permis de sortir de la misère 400 millions de personnes. Nous voyons comment en Europe les protestations des citoyens étaient respectées : trois millions de personnes dans la rue et on fait comme s’ils n’y avait aucune protestation Ils contnueront à trimer en passant de l’usine au cimetière sans avoir joui de leur retraite.
Quand l’Occident réduit en miettes des pays comme l’Irak, l’Afghanistan, il amène une démocratie par drones interposés. Il n’y a jamais autant de morts que depuis l’octroi du prix Nobel à Barack Obama. C’est assurément le prix Nobel de la guerre qu’il eut fallu lui attribuer. On se demande pourquoi Mahmoud Abbas n’a pas eu le prix Nobel, lui qui a fait de la reddition sans condition un mode de gouvernement et de négociation.
Nous aspirons tous à la démocratie mais il faut se demander si l’exemple chinois, qui privilégie le développement et une « ouverture » vers le respect de la condition humaine, n’est pas le meilleur schéma pour ce pays. Que veut l’Occident ? : la démocratie partout comme en Irak et en Afghnistan ? ou plus simplement une explosion de la Chine qui fera mal d’abord aux Chinois et permettra au libéralisme sauvage de faire main basse définitivement sur la planète La démocratie occidentale du « cause toujours » pour les sans-grade est à opposer à un « despotisme éclairé » qui donne à manger à tout le monde, qui ne laisse personne sur le bord de la route. Tout le problème est là. L’Occident qui veut imposer un néolibéralisme laminoir et ses larmes de crocodile n’est intéressé que par les dissidents qui, d’une façon ou d’une autre et qu’on le veuille ou non, sont complices de la démolition de leur pays. Ainsi va le Monde.

P.S.
1. Le prix Nobel de la paix : Encyclopédie Wilkipédia.
2. Pierre Haski : Le Prix nobel de la paix à Liu Xiaobo Rue89 | 08/10/2010
3. L’opposant chinois Liu Xiaobo reçoit le prix Nobel de la paix 2010 Le Monde.fr avec AFP et Reuters 08.10.10
4. Christian Galloy. Mario Vargas Llosa : un anti-Chavez prix Nobel de littérature 2010 LatinReporters.com 8 octobre 2010
5. Un prix Nobel de la paix interdit de conférence dans une université US http://www.voltairenet.org/article1... 4 octobre 2007

http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article4748

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