Sarkozy et ses ministres ont du mouron à se faire. Eux qui redoutaient par-dessus tout de voir la contestation se propager aux jeunes ont pu constater que leur pire cauchemar était en train de se réaliser. De fait, lycéens et étudiants ont rejoint en masse les cortèges en cette journée d’action contre la réforme des retraites. A la mi-journée, l’UNL, première organisation lycéenne, estimait à environ 400 le nombre d’établissements bloqués ou perturbés en France (sur 4302) et évoquait d’ores et déjà une « très grosse journée ». De son côté, l’Unef a appelé, en ce mardi 12 octobre, à une journée « facs mortes » afin de permettre aux étudiants de participer massivement aux manifestations.
La mobilisation a été particulièrement forte en région parisienne, avec une centaine de lycées concernés. Dès ce matin, à Condorcet (IXe), les élèves ont installé des plots de construction à l’entrée, laissant pénétrer ceux qui voulaient aller en cours. A Joliot-Curie, à Nanterre (Hauts-de-Seine), des lycéens ont symboliquement apposé des chaînes sur la porte d'entrée et annoncé leur présence dans le cortège parisien.
La province n’a pas été en reste. De nombreux messages sur Twitter ont signalé des blocages à Remiremont (Vosges), Bourges, Dijon, Clermont-Ferrand ou Nevers. A Caen, où les lycéens s'étaient déjà fortement mobilisés la semaine dernière, les quatre gros établissements de la ville étaient bloqués. « 1950-2015. Mort à 65 ans. J'y étais presque », pouvait-on lire à l'entrée de Malherbe. A Bordeaux, plusieurs centaines de manifestants se sont réunis devant la mairie. A Nancy, des lycéens allaient d'établissement en établissement pour mobiliser leurs camarades.
Cette entrée en force des lycées et étudiants dans le mouvement suscite l’inquiétude du gouvernement. Qui ne ménage pas ses efforts, depuis trois jours, pour les décrédibiliser. Cet après-midi, devant les députés UMP, François Fillon a jugé « irresponsable » la « tentation de l'extrême gauche et d'une partie du PS » mette « des jeunes de 15 ans dans la rue ». Réponse de Benoit Hamon, porte-parole du PS : « Discours assez classique de la droite pour qui dès que la jeunesse se mobilise, elle est manipulée ou irresponsable. »
D’abord timides dans le débat sur les retraites, les mouvements de jeunesse semblent aujourd’hui déterminés à en découdre avec le gouvernement. « Au début, je ne me sentais pas trop concernée par la question des retraites, explique d’ailleurs Emilie, 21 ans, étudiante à Paris IV. Mais, en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’elle va rendre encore plus difficile notre entrée dans le monde du travail. »
Selon les syndicats, le report de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite ainsi que l’allongement de la durée de cotisation va empêcher la libération d’un million d’emplois. Un argument qui a fait mouche auprès d’une génération particulièrement touchée par le chômage à la sortie des études et présentée souvent comme l’une des plus précaires de ces dernières décennies. « Nous, on risque clairement de ne pas avoir de boulot, s’inquiète Noé, élève en filière bois-construction, venu défilé avec ses copains du lycée professionnel Le Garros, à Auch (Gers). Si on n’a personne à remplacer, ce sera le chômage direct. »
Dans les assemblées générales organisées ces derniers jours, étudiants et lycéens expriment également un profond sentiment d’injustice à propos de la réforme. « Aujourd’hui, la plupart des jeunes galèrent plusieurs années avant de trouver un emploi stable, souligne Perrine, 23 ans, une étudiante en histoire à Paris I. On enchaîne l’intérim, les stages… On s’accroche mais le gouvernement s’en fout puisqu’il refuse de le prendre en compte dans le calcul de la retraite. Franchement, on a vraiment l’impression qu’il se moque complètement de l’avenir de la jeunesse. » Selon les statistiques officielles, un étudiant français ne décroche pas d’emploi stable avant l’âge moyen de 27 ans. « Si tu rajoutes 42 ans de cotisations, ça fera un départ au minimum à 69 ans ! », souffle la jeune femme. Qui fait sien le slogan en vogue dans les cortèges : « Métro, boulot, caveau ! »
Laurent Mouloud
Avec Bruno Vincens (à Auch).
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