Michel Guilloux
Cherbourg, Lisieux, Ruelle, Angoulême, Rodez, Auch… hier, de premiers cortèges de lycéens se sont formés contre la réforme Woerth-Sarkozy. À ceux qui persistent à ne pas vouloir voir la nature et la portée des mobilisations en cours, soulignons en premier lieu combien cette diversité géographique témoigne de leur enracinement dans le terreau national, qui s’est manifesté avec éclat samedi 2 octobre. Quand, à côté du monde du travail, la jeunesse commence à se manifester, c’est bien toute une société qui veut dire sont mot. Alors, écoutons-les, ces jeunes. Ainsi, à Caen : « On n’a pas envie de travailler jusqu’à je sais pas quel âge et de se tuer au travail ! » Autrement exprimé sur la banderole accrochée au mur du lycée professionnel Gallieni de Toulouse :
« La retraite à 67 ans. Pourquoi pas à 69 tant qu’à se faire b… » À bon entendeur, salut. Et ce n’est là qu’un début.
Ce jeudi, toujours, un quotidien comme
le Parisien titrait sa une : « Conflit des retraites,
la montée des ultras. » Faut-il ranger dans le camp
des « ultras » le syndicat chrétien, dont une responsable a commenté en termes fleuris les quelques miettes lâchées sur les retraites d’une toute petite partie des femmes ? « Ultra », le responsable du dossier à la CFDT qui parle de « colmatage » et maintient son appréciation sur le caractère « structurellement injuste » du projet de loi ? « Ultra », le secrétaire général
de la CGT qui rappelle à son tour « la critique fondamentale » du texte élaboré par l’Élysée ?
Et à la SNCF, où même
le directeur des ressources humaines a dû admettre, mardi, que « le régime spécial des cheminots est complètement concerné par la réforme actuelle mais avec un décalage dans le temps », du fait de la précédente réforme. Ou à Marseille, où les salariés du Bassin-Est suspendent la grève, parce que cela a un coût, pour mieux repartir mardi prochain, et où d’autres salariés réfléchissent à des actions diversifiées… Le piège est un peu grossier. À moins qu’il ne s’agisse que de prendre ses souhaits pour la réalité de ce qui se joue dans le pays, ces jours-ci…
Pénibilité du travail, enjeux de sécurité, inégalités hommes-femmes, autre financement possible si on ne prenait pas toujours dans les mêmes poches : toutes ces idées, face à l’injustice foncière de la réforme proposée, parcourent les discussions et les réflexions sur les formes d’action à trouver. La société dans laquelle veulent vivre des millions de gens, toutes générations confondues, qui vont encore se faire entendre la semaine prochaine, n’est pas « la société du risque » chère à Laurence Parisot. Ils ne veulent pas d’un monde de précarité poussée à l’extrême, de l’individualisation des rapports salariés-patronat, d’insécurité sociale généralisée, de mise à mort de tous les principes de solidarité, pendants des choix du tout-financier que porte le pouvoir. C’est bien pourquoi, tandis que la droite sénatoriale s’apprêtait à voter cette nuit les bornes
des 62 et 67 ans, un Jean-Pierre Raffarin insistait pour aller au plus vite sur l’adoption définitive d’un texte rejeté de plus en plus massivement. Que les maigres concessions jetées hier en pâture à l’opinion l’aient été par le président de la République soi-même, indique à quel point
sa marge de manœuvre se réduit à l’espoir de diviser
le mouvement en cours. On laissera la conclusion à
un autre lycéen toulousain : « Mardi, on manifestera avec tous les travailleurs. »
Sem comentários:
Enviar um comentário