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21/08/2010

Privatisations au Kosovo : on vend tout jusqu’à épuisement des stocks !

Serbeze Haxhiaj

Les Télécoms du Kosovo sont en vente depuis mardi, le dossier de privatisation de l’aéroport de Pristina est bouclé et le tour du secteur énergétique va vite venir. Le gouvernement Thaçi et ses conseillers occidentaux sont bien décidé à privatiser au plus vite les principales entreprises publiques du Kosovo - les seules rentables. Cet empressement est fort suspect : pourquoi vendre maintenant, en pleine période de récession ? Qui cherche donc à profiter de la « saison des soldes » ?

Tout est ficelé. Le contrat de cession de l’aéroport de Pristina est prêt. Les deux autres entreprises les plus performantes du pays, les Postes et télécommunications du Kosovo (PTK) et la Corporation énergétique du Kosovo (KEK) vont également être bradées.

La privatisation de ces entreprises qui représentent aujourd’hui les piliers les plus sains de l’économie kosovare devrait s’achever sous le mandat du gouvernement d’Hashim Thaçi. Si tous se déroule selon les plans du gouvernement, d’ici la fin de l’année, le Kosovo aura privatisé 80% de ses entreprises publiques les plus vitales, toutes édifiées à l’époque yougoslave.

Cette politique du gouvernement se base sur les conseils d’experts étrangers, qui travaillent dans des institutions internationales comme la Banque Mondiale, le Fond monétaire international (FMI) ou l’Agence américaine pour le développement international (USAID).

Certains économistes soulignent que la privatisation des principales entreprises du secteur public pourrait avoir des conséquences dommageables en raison de la crise économique mondiale et que le prix de vente de ces entreprises se situe bien en dessous de leur valeur réelle. Le gouvernement défend néanmoins l’idée que ces privatisations seraient indispensables pour assurer un développement économique durable du pays. Ces privatisations devraient se réaliser selon le modèle du partenariat public-privé : la majorité des actions passera aux mais d’investisseurs privés, mais l’État gardera une part du capital.

Le ministre de l’Économie et des finances, Ahmet Shala, affirme qu’il n’y a pas d’alternative, et que le but de la privatisation de ces entreprises est de relancer à vaste échelle le développement économique du pays. « L’expérience des pays en transition a démontré que les entreprises possédées par l’Etat n’arrivaient pas à maintenir leurs performances ni à se développer. De plus, la privatisation mettra ces entreprises à l’abri de la corruption. Nous espérons enfin donner un coup d’accélérateur à la croissance avec l’argent qui proviendra des privatisations », explique-t-il.

De fait, l’argent des privatisation devrait financer les futurs investissements dans les infrastructures. Le premier projet qui devrait absorber les millions d’euros des privatisation sera l’autoroute qui traversera le Kosovo, de la frontière albanaise à la frontière serbe, de Vermica à Merdare.

Le directeur exécutif des Postes et des télécoms du Kosovo (PTK), Shyqyri Haxha pense que la privatisation va contribuer au développement des télécommunications au Kosovo. « Le choix du futur investisseur est d’une importance majeure : s’il s’agit d’entreprise déjà implantée dans les pays occidentaux, cela sera un bon signe pour le gouvernement et pour le peuple du Kosovo », pense-t-il. Cependant, pas plus Shyqyri Haxha que le gouvernement ne veulent indiquer un prix de prix de vente pour les PTK, dont la privatisation a été lancée le 10 août.

De même, le directeur de la Corporation énergétique du Kosovo (KEK), Arbën Gjukaj, affirme que l’entreprise attire l’attention des investisseurs étrangers. Cependant, étant donnée sa situation actuelle, il sera probablement difficile de la vendre à un prix équivalent à la moitié des sommes investies au cours de la dernière décennie. Pour le moment, la KEK n’est pas rentable et elle a beaucoup de dettes. Pour survivre, elle a absorbé pendant des années des centaines de millions d’euros, provenant du budget public du Kosovo ou assurés par de nombreux donateurs étrangers. « La privatisation de la KEK va améliorer la situation énergétique du pays. Ces deux dernières années, la KEK a beaucoup progressé dans tous les domaines. Avec la privatisation du secteur énergétique, le Kosovo profitera de l’expérience régionale de l’Albanie et de la Macédoine », conclut Arbën Gjukaj.

Selon Luan Shllakut, directeur de la Fondation Open Society au Kosovo (KFOS), l’idée de procéder aux privatisations de cette manière est absurde. « L’expérience des États voisins devrait nous inciter à ne pas commettre les mêmes erreurs qu’eux. Le raisonnement du gouvernement est que la privatisation va notamment préserver les entreprises de la corruption, alors que la vente de ces entreprises offrent justement le prétexte à toutes les malversations. Et, au final, l’argent devrait servir à financer une autoroute, qui restera sous gestion publique », souligne-t-il.

Crise économique ou saison des soldes ?

« Le gouvernement n’est pas préparé pour la privatisation des grandes entreprises publiques. Nous sommes en période de récession et les entreprises du Kosovo sont donc mises en vente au pire moment possible. Cependant, on voit bien que les conseillers des différentes institutions internationales poussent le gouvernement à vendre tout dès maintenant. Il est évident que ces personnes défendent des intérêts qui ne sont pas ceux de l’État ».

Avni Zogiani, dirigeant de l’ONG anti-corruption Çohu, évoque une « course infernale » pour vendre au plus vite les derniers biens publics du pays. « Chaque phase importante de la privatisation des entreprises publiques représente des millions d’euros qui finissent dans les poches des dirigeants politiques. Ce gouvernement a presque entièrement liquidé le secteur public. Il a été aidé par les représentants du corps diplomatiques au Kosovo et par les représentants des institutions internationales, qui défendent tous leurs parts de marché ».

Selon Avni Zogiani, les chancelleries diplomatiques et les autres représentations internationales ont tout fait pour que le Kosovo brade ses principales richesses. « C’est en vendant maintenant que les entreprises peuvent partir à des prix ridicules. Par exemple, on parle même d’une évaluation à 500 millions d’euros pour la Corporation Énergétique du Kosovo (KEK)... Elle vaudrait déjà ce prix rien que pour sa branche fer ! De plus, des milliards d’euros ont été investis dans ces grandes entreprises depuis 1999. Trois fois plus que leurs prix de vente. Le gouvernement veut pourtant vendre ces sociétés alors que l’économie mondiale n’est toujours pas sortie de la crise, quand plusieurs processus de privatisation ont été interrompus dans divers pays d’Europe », s’indigne Avni Zogiani.

Alors que l’opinion publique se désintéresse largement du débat sur les privatisations, le gouvernement est bel et bien entré dans la dernière ligne droite, et s’apprête à boucler le bradage des principales entreprises du pays avant la fin de son mandat.

http://balkans.courriers.info/article15708.html

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