Un rapport de l’ONG Human Rights Watch montre les menaces quotidiennes dont les Afghanes font l’objet, alors que le gouvernement Karzaï a engagé des négociations avec les taliban. Elles craignent de devoir payer le prix d’une paix hypothétique.
En février 2010, Fatima K., une fonctionnaire du gouvernement afghan reçoit cette lettre : « Nous, talibans, vous avertissons que si vous n’arrêtez pas de travailler pour le gouvernement, nous vous tuerons plus violemment qu'aucune autre femme avant vous. Cela servira de leçon aux femmes comme vous qui travaillent. » Elle se voit contrainte de quitter son emploi.
Les « courriers nocturnes » de menace, déposés devant les maisons ou les mosquées pendant la nuit, sont l’une des méthodes utilisées par les insurgés pour intimider les femmes. Une institutrice dans une école du sud du pays a reçu un lettre dans laquelle les taliban exigeaient qu'elle quitte immédiatement ses fonctions éducatives. « Sinon, nous couperons les têtes de vos enfants et brûlerons votre fille », prévenaient les insurgés. Jamila W., qui travaillait à l’organisation d’élections locales, a ignoré la première lettre de menace. Quelques jours plus tard, son père était assassiné.
Les membres de l’ONG Human Rights Watch ont enquêté auprès de 90 femmes afghanes de janvier à avril 2010. Leur rapport décrit la manière dont les femmes qui travaillent « à l’extérieur de chez elles » dans les régions contrôlées par les talibans, font souvent l'objet de menaces, d'intimidations et de violences. Les femmes politiques et activistes sont attaquées ou tuées. L’éducation des jeunes filles est mise en péril. Selon l'organisation, elles craignent de payer un lourd tribut pour tout accord entre le président et les taliban.
Regain de violences
Le gouvernement d’Hamid Karzaï s’est engagé dans une politique de main tendue aux taliban depuis plusieurs mois, en vue du retrait des forces américaines, prévu pour le milieu de l’année prochaine. Ces pourparlers avec les insurgés interviennent dans un contexte de regain de violence dans le pays, neuf ans après le début du conflit. Les forces de l'Otan et l'armée américaine ont connu au mois de juin des pertes record, avec une centaine de soldats tués. Les Afghanes sont littéralement prises en tenaille entre l'intensification de la guerre et la perspective d'un hypothétique accord de paix.
Le gouvernement afghan n’a offert que de faibles garanties de son intention de sauvegarder le peu de liberté qu'elles ont recouvré depuis la chute du gouvernement taliban en 2001. Ces dernières années, explique une note de l'organisation, "Karzaï n'a fait que peu de cas des femmes lorsque cela s'avérait pratique sur un plan politique." En mars 2009, il a signé la loi chiite sur le statut personnel (loi discriminatoire qui prive les femmes du droit de garde de leurs enfants et de leur liberté de mouvement) et en 2008, il a gracié deux violeurs collectifs pour des raisons politiques.
"Le gouvernement afghan et ses supporters internationaux n'ont pas tenu compte de la nécessité de protéger les femmes dans les programmes de réintégration des combattants insurgés et ont omis de garantir l'inclusion du droit des femmes aux pourparlers potentiels avec les talibans", conclut Human Rights Watch. « Les femmes afghanes ne devraient pas avoir à abandonner leurs droits au profit d'un accord négocié par le gouvernement avec les talibans », a déclaré Tom Malinowski, directeur de Human Rights Watch à Washington. Leurs droits n'ont pas à être bradés au nom de quelque accord précipité. La paix n'est pas incompatible avec la justice. »
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