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16/02/2010

Économie : la Grèce emportera-t-elle les Balkans dans sa chute ?

Antonis Kamaras et Dimitra Manifava - Mondialisation.ca, Le 12 février 2010



Le 15 janvier, la rencontre entre le Premier ministre grec et son homologue bulgare lors de l’inauguration de la route transfrontalière reliant Thermes à Zlatograd avait un côté délicieusement suranné. Quelque chose qui rappelait la période 1995-6, quand la Grèce commençait à investir dans les Balkans et renonçait à l’embargo contre la Macédoine. Quinze ans plus tard, Athènes est devenu un acteur économique majeur dans la région. La Grèce entraînera-t-elle tous les Balkans dans sa chute ?

En 1995-6, les craintes des dirigeants de l’armée grecque d’une invasion de chars bulgares, facilitée par de meilleures infrastructures routières transfrontalières commençaient à s’apaiser, et les diplomates grecs à Sofia ne s’occupaient plus autant des activités des groupuscules slavo-macédoniens au Sud de la Bulgarie.

Donc, pendant ces années, la Grèce, délaissant l’impasse de la question macédonienne, était prête à fonder dans le Sud-Est de l’Europe des relations basées sur un profit mutuel.

Deux jours avant la rencontre des deux Premiers ministres, un texte paru dans le Wall Street Journal, passé complètement inaperçu en Grèce, éclairait pourtant très bien l’actuelle interaction entre la Grèce et la Bulgarie, et l’Europe du Sud-Est en général.

Cet article analysait comment les espoirs nourris par la Bulgarie d’une intégration rapide dans la zone euro sont déçus à cause de la crise financière en Grèce. En conséquence de la crise grecque, les « faucons » des finances d’Europe de l’Ouest et du Nord sont devenus « allergiques » à tout ce qui est balkanique. Et ce, alors que la Bulgarie s’impose depuis des années une stricte discipline en matière d’économie et de finance. En réalité, la crise économique de la Grèce est une menace pour les objectifs nationaux de tous ses voisins, et pas seulement de la Bulgarie. De ce fait, la crise grecque actuelle constitue un sujet certes national, mais aussi plus largement régional, que les dirigeants politique actuels de la Grèce doivent gérer.

La crise grecque menace de se diffuser à l’ensemble de l’Europe du Sud-Est, comme cela s’était vu avec le Mexique pour l’Amérique Latine en 1994, lors de la crise dite « de la Tequila ». C’est ce que prouve une étude de la banque d’investissement Barclays Capital, qui porte le titre « La crise de l’ouzo ».

Concrètement :
1. En cas d’instabilité des banques grecques, du fait de la crise financière, l’activité de crédit et la stabilité des système bancaires de pays comme la Bulgarie, la Roumanie, la Serbie, la Macédoine et l’Albanie sont menacées. En effet, dans ces pays, le système bancaire grec contribue à hauteur de 10 à 20% aux mécanismes de crédit sur place. Ce problème était déjà apparu en 2008, quand la Grèce - au contraire de l’Italie ou de l’Autriche – avait demandé, sur ordre de son ministre de l’économie et de la Banque nationale, à ses banques installées sur place de n’accorder des prêts dans ces régions qu’à la hauteur de leurs dépôts locaux, et pas davantage. Cela avait occasionné des problèmes bilatéraux avec chacun de ces pays et cette mesure avait dû par la suite être retirée.

2. Comme indiqué plus haut, la crise financière grecque retarde l’entrée dans la zone euro de tous les pays candidats d’Europe du Nord, comme d’Europe centrale et du Sud. En fait, elle entrave la réussite de cet objectif si essentiel pour la Bulgarie et la Roumanie. Ainsi, au lieu de faciliter l’intégration de nos voisins dans l’Union européenne, ce qui est pourtant l’un des buts les plus importants de notre politique extérieure et de notre politique économique à l’international, notre situation actuelle la met en difficulté.

3. Enfin, et c’est peut-être le plus important, notre évidente faiblesse fait que les marchés internationaux concentrent leur attention sur d’autres pays qui sont apparentés à la Grèce, et ils font pression sur leurs monnaies et leurs marchés financiers.

Fermetures, réduction de personnel et limitation drastique des investissements sont les conséquences les plus graves de la crise économique pour les entreprises appartenant à des intérêts grecs qui sont actives dans les pays d’Europe du Sud-Est. La Bulgarie est un exemple caractéristique. Les conséquences les plus importantes concernent le secteur du bâtiment. Selon la Chambre bulgare du bâtiment, 25% des entreprises de construction qui sont actives dans le pays risquent de cesser leur activité en 2010.

Les retombées de la crise sont encore plus visibles quand on regarde les éléments concernant les investissements directs en Bulgarie. Selon des données provisoires de l’Institut de statistique national de Bulgarie, pour la période janvier-juillet 2009, les investissements directs grecs ne se sont chiffrés qu’à 69,6 millions d’euros, c’est-à-dire quatre fois moins, au minimum, en comparaison du 1er semestre 2008, quand ces mêmes investissements s’élevaient à 296,7 millions d’euros. Malgré cette baisse, la Grèce reste à la troisième place des investisseurs étrangers en Bulgarie, après l’Autriche et la Hollande, selon la Banque nationale de Bulgarie.

En Roumanie, le problème majeur rencontré par les entreprises grecques a été le manque de liquidité. Au total, on compte 577 entreprises d’intérêts grecs et mixtes, et leur activité couvre un large champ qui va de la construction au commerce d’articles religieux. Selon les estimations du marché, de nombreuses entreprises ont procédé à des diminutions de personnel, entraînant en un an la perte de 10.000 emplois. Selon la Banque nationale de Roumanie, jusqu’en 2008 les investissements grecs directs se chiffraient à 3,1 milliards d’euros, ce qui correspond à 6,5% de l’ensemble des investissements directs dans le pays. On estime qu’en 2008 déjà, ces investissements avaient fortement baissé, tendance qui s’est poursuivie en 2009.

En Macédoine, le maintien d’un taux de chômage élevé (plus de 30%), constitue un problème essentiel, tant pour la société macédonienne que, bien sûr, pour l’esprit d’entreprise, puisque l’absence de revenus se traduit par une consommation en berne. En Macédoine, on compte environ 280 entreprises d’intérêts grecs, et le taux d’investissement pendant la dernière décennie s’est élevé à 1 milliard d’euros.

Tout le temps que se prolongera la crise financière en Grèce, nos voisins, de la Serbie à la Turquie, risqueront de subir des attaques de déstabilisation de la part des marchés, avec des conséquences réellement catastrophiques pour leur économie mais aussi pour leur stabilité politique.

En 1989, année-charnière de la chute du communiste dans les États du Sud-Est de l’Europe, les entrepreneurs grecs voyaient la région comme un Eldorado, et un Eldorado situé à leur porte, leurs voisins. Vingt ans plus tard, les conditions, dans ces pays comme en Grèce, ont dramatiquement changé l’Eldorado balkanique qui n’est plus qu’imaginaire.

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