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09/11/2009

Des hypermarchés sans personnel

Philippe Jérôme

Avec Carrefour, l’emploi « négative »

Avec le 50e anniversaire, « le positif est de retour » avec un plan d’économies sur les salaires de 500 millions d’euros. Dans l’hyper du XXIe siècle, les métiers tels que boulanger, boucher ou caissière sont mis au rencart. C’est une hécatombe.
Répondez à notre question du jour : des hypermarchés sans personnel, est-ce un progrès ?

De l’aveu même de la direction générale du groupe Carrefour les effectifs salariés en France sont passés de 123 043 à 119 853 entre juin 2008 et juin 2009. « 3 190 équivalents temps complet » ont disparu des rayons où les contrats à temps partiel sont légion ce qui, selon une estimation de la CGT porterait à plus de 5 000 le nombre de salariés qui ont dû pointer au chômage. Et le « massacre de l’emploi » affirme le syndicat s’est poursuivi tout l’été. Pour les seuls hypermarchés le nombre total de suppressions de poste se monterait à « au moins 5 000 » depuis le début de l’année. Du jamais vu dans toute l’histoire de la multinationale tricolore, commencée voilà pile cinquante ans par l’ouverture d’un supermarché à un… carrefour routier d’Annecy.
En cause, selon la direction générale : « la crise ». Cumulée sur les neuf premiers mois de l’année la baisse du chiffre d’affaires en France est de 3,8 %, de 5,1 % dans les hypermarchés. Pourtant cette même direction crie victoire : « nous sommes en bonne voie pour atteindre les objectifs 2009 ! ».

Un ancien de Nestlé

Le tout premier de ces objectifs est de faire dès cette année quelque 500 millions « d’économies » par la baisse de la masse salariale. Ce n’est que la première phase d’un vaste plan d’austérité pour le travail et le maintien des privilèges pour le capital, amorcé dès sa prise de fonction le 1er janvier dernier par le nouveau directeur général du groupe, Lars Olofsson. Il s’agit pour cet ancien de Nestlé sorti des meilleures universités suédoises de réaliser d’ici à 2012 de l’ordre de 4,5 milliards d’euros d’économies dont 3,1 milliards sur les « frais de fonctionnement ». Son conseil exécutif a ainsi lancé sa campagne des « sept initiatives ». Parmi elles, « enchanter la clientèle ».
D’où le slogan publicitaire en forme de rêve nostalgique qui fleure bon les années soixante-dix : « le positif est de retour ». Plus ancrée dans la réalité, une autre initiative-phare (la n° 6) pourrait, elle, s’avérer des plus négatives pour l’emploi. Lars Olofsson entend ni plus ni moins « réinventer l’hypermarché ». Selon des documents internes que l’Humanité s’est procuré, des « expérimentations » sont en cours, un peu partout en France pour « tester » les réactions de la clientèle et des employés vis-à-vis de nouvelles technologies qui marqueraient cet « hyper » du 21e siècle.

Des hypers sans salariés

Le projet « boucherie » expérimenté dans des magasins dont le chiffre d’affaires de ce rayon est inférieur à trois millions d’euros (1) consiste à faire livrer par le fournisseur la viande déjà présentée sous barquette. Le projet « boulangerie » testé dans quatre magasins (2) porte sur le remplacement de la fabrication sur place de pains et viennoiseries par la livraison de surgelés crus industriels. Les métiers de boulanger et boucher seraient donc amenés à disparaître. Des emplois à l’encaissement sont aussi sur la sellette. 90 des 109 magasins expérimentaux sont déjà équipés de caisses en libre-service. La « pesée intelligente » effectuée par un scanner qui sait différencier une pomme d’un abricot est en service dans les rayons fruits et légumes de quatre magasins (3). Expérimenté à Auteuil, le « self scanning » qui permet au consommateur, grâce à une douchette portative, d’établir sa facture devrait être étendu à cinq autres magasins (4).

Á cela s’ajoutera la suppression de la plupart des standards téléphoniques, la réduction du personnel d’accueil, la restructuration complète du back-office (administration) ou encore « raccourcissement du parcours client » au rayon Hi-Fi-électroménager, le vendeur étant dans le futur chargé de l’encaissement ainsi que de la livraison « à emporter ». Enfin le manager des années 2010, imaginé par Lars Oloffson n’aura plus de bureau, mais un ordinateur portable fixé sur son bras !
Bref, il n’y aurait plus guère d’employés dans les rayons des « Carouf » du futur. Du barouf en perspective du côté des salariés et des consommateurs ?

(1) Calais, Coquelles, Troyes, La Roche-sur-Yon, Saint-Martin-en-Läert, La Chapelle-Saint-Luc.
(2) Villejuif, Limay, Fourmies, Condé-sur-Escaut.
(3) Meylan, Wasquehal, Francheville, le Carré Sénart.
(4) Monaco, Rennes, Chambourcy, Portet-sur-Garonne, Bonneveine Marseille.

L'Humanité - 09.11.09

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