Le Traité de Lisbonne va entrer en vigueur en janvier prochain, avec à la clé de nouvelles institutions de type fédéral. Bernard Cassen nous explique les luttes pour le contrôle des nouveaux pouvoirs, alors que l'architecture institutionnelle apparaît déjà en décalage par rapport à la réalité de la crise économique.
Le traité de Lisbonne est maintenant ratifié par les 27 Etats membres de l’Union européenne UE) et va entrer en vigueur le 1er décembre.Le président tchèque Vaclav Klaus a finalement apposé sa signature après avoir vainement tenté de faire traîner les choses dans l’espoir d’une victoire des Conservateurs lors des élections législatives prévues au Royaume-Uni au plus tard en juin 2010. Bien que le traité ait déjà été ratifié par son pays, le leader des Tories, David Cameron, avait en effet promis d’organiser un référendum qui aurait eu toutes chances de l’enterrer définitivement. Il vient d’y renoncer.
Aussi la grande affaire qui occupe les gouvernements est désormais la répartition des postes à la tête des institutions de l’Union européenne (UE) qui devraient se mettre en place au début du mois de janvier prochain.
Il ne s’agit pas seulement du choix de telle ou telle personnalité. Ce qui est en jeu, c’est la conception même du pouvoir dans l’UE. De ce point de vue, les dispositions du traité de Lisbonne, conçues au début des années 2000, apparaissent singulièrement décalées par rapport à la nouvelle réalité politique révélée par la crise. On a pu constater, à l’épreuve de vérité des capacités d’intervention financière, que l’UE c’était avant tout les Etats - surtout les plus grands (Allemagne, France, Royaume-Uni) -, et non pas la Commission de Bruxelles ou le Parlement de Strasbourg. Ni non plus la Banque centrale européenne. Le caractère intergouvernemental du dispositif communautaire s’est ainsi considérablement renforcé, au détriment de sa dimension fédérale. Or le traité, lui, postule une visibilité très forte de l’UE en tant que telle, et non pas comme agrégat d’Etats.
Le Parlement a déjà élu son président, le polonais Jerzy Buzec, et il a voté la reconduction de José Manuel Barroso à la présidence de la Commission. Mais un autre poste de président, nouvellement créé par le traité, est à pourvoir : celui de président du Conseil européen, désigné par les gouvernements à la majorité qualifiée pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois. C’est lui (ou elle) qui présidera les Sommets européens, assurant une continuité que rendaient difficile les présidences semestrielles actuelles.
A première vue, ce président devrait être perçu par le reste du monde comme le « Monsieur » ou la « Madame Europe ». Mais il va se heurter à la concurrence d’une autre personnalité, dont le profil a été reconfiguré par le traité : le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il cumulera deux légitimités : celle du Conseil, qui l’aura désigné, et celle de la Commission dont il sera vice-président. Plus important, il disposera de considérables moyens matériels : une sorte de corps diplomatique autonome, le service européen pour l’action extérieure, fort de quelque 5 000 fonctionnaires et doté d’un budget annuel de 6 milliards d’euros.
Mais des dirigeants comme Gordon Brown, Angela Merkel ou Nicolas Sarkozy n’ont nullement l’intention de laisser les coudées franches à ce super-fonctionnaire pour la définition et la mise en oeuvre d’une politique étrangère européenne qui, à leurs yeux, ne peut qu’être en harmonie avec la leur. C’est pourquoi les noms des titulaires des postes de Haut représentant et de président du Conseil européen vont faire l’objet d’intenses marchandages. On peut prévoir de belles bousculades non seulement entre eux, mais aussi avec le président de la Commission, pour savoir qui parlera au nom de l’UE, et avec quelle marge de manœuvre par rapport aux Etats.
Marianne2 - 10.11.09
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