A peine revenu au pouvoir l’an dernier, il s’était offert une immunité sur mesure pour échapper aux foudres de la justice. Silvio Berlusconi se retrouve malgré tout, à nouveau, dans une violente tourmente judiciaire. Le tribunal de Milan n’a, pour l’instant, pas pu le juger mais après avoir condamné, en février, l’avocat anglais David Mills à quatre ans et six mois de prison pour «faux témoignage» en sa faveur, il est clairement désigné comme un «corrupteur». Concrètement David Mills aurait délibérément menti au milieu des années 90 à la justice italienne pour protéger le Cavaliere, impliqué dans deux scandales concernant la propriété d’une société offshore et la corruption d’officiers de la brigade financière.
En récompense de son silence et de ses semi-vérités, l’avocat britannique aurait indirectement touché, en l’an 2000, 600 000 dollars (430 000 euros) de la part de Silvio Berlusconi. Dans les attendus du jugement publiés mardi, les juges milanais affirment que David Mills (qui fut le mari d’une ministre de Tony Blair) aurait fourni un faux témoignage «pour offrir une impunité à Silvio Berlusconi et au groupe Fininvest».
Persécution. A l’abri de poursuites grâce à la loi qu’il a fait voter en 2008 (et qui est à l’examen de la Cour constitutionnelle), le chef du gouvernement italien se retrouve malgré tout aujourd’hui sur le banc des accusés face à l’opinion publique. A deux semaines des élections européennes, ses partisans dénoncent «une justice pilotée». Ses avocats soutiennent qu’il «n’y a pas de preuves», ses collaborateurs parlent de «scandale» et de «magistrats politisés». Le Cavaliere s’en est lui-même pris directement à la magistrate Nicoletta Gandus, qui a dirigé les audiences contre David Mills en l’accusant d’être une «militante d’extrême gauche», celle-ci ayant notamment publiquement protesté contre des précédentes lois du gouvernement Berlusconi visant à ralentir les procès en corruption contre lui et son entourage.
Vendredi, devant un parterre d’entrepreneurs, le chef du gouvernement a une nouvelle fois soutenu la thèse de la persécution. En réponse, l’opposition est montée au créneau pour lui demander de renoncer à «son immunité et à accepter de se faire juger comme tous les citoyens». «J’ai les épaules larges, plus ils m’attaquent, plus ils me renforcent», a lancé vendredi Berlusconi.
Reste que le nouveau parfum de scandales et les attaques contre la magistrature pourraient entamer l’image de rassembleur qu’il avait habilement réussi à construire depuis un an en évitant les polémiques excessives, en résolvant la question des ordures à Naples, en multipliant les interventions à L’Aquila après le tremblement de terre ou encore en allant, pour la première fois depuis son entrée en politique en 1994, aux commémorations du 25 avril, date de la libération du fascisme.
Divorce. Malgré la crise économique et la chute annoncée de 6 % du PIB en 2009, la cote de popularité de Silvio Berlusconi est encore très haute et avoisine les 60 %. Il y a trois semaines, la demande de divorce annoncée par son épouse, Veronica Lario, au motif entre autres qu’à 72 ans, son mari fréquenterait des «jeunes filles mineures» n’a semble-t-il pas eu d’effet spectaculaires auprès de l’opinion publique. «Huit Italiens sur dix considèrent qu’il s’agit d’une affaire privée», souligne le quotidien (progressiste) La Repubblica. «La lune de miel entre Silvio Berlusconi et le pays est terminée», considérait néanmoins dès la semaine dernière le quotidien de droite Il Foglio.
Même si, faute d’une alternative crédible à gauche, la droite reste très largement favorite pour les prochaines européennes, «la longue chevauchée solitaire et triomphante de Silvio Berlusconi est sur le point de finir», pronostiquait également vendredi Antonio Polito, le directeur du Riformista (centre gauche) qui évoquait, dans le sillage de l’affaire Mills, le retour de la figure oubliée du «Berlusconi-Caïman».
Libération - 22.05.09
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